30/11/2024

La forme d'une ville : Dolores Hayden


 

Une publicité gratuite pour le livre de Dolores Hayden, traduit (par Phoebe Hadjimarkos Clarke, vous avez lu Aliène ?) chez les mythiques éditions B42, l'an dernier en novembre - publication qui m'avait échappé jusqu'à ce que les tenanciers de notre centre socioculturel préféré me le fourrent dans les mains. Un livre dont je vous avais déjà parlé (dans son édition états-unienne) il y a de cela, euh... treize ans ? Comme le temps passe.  Et raison de plus, donc, pour republier ce post du 12 octobre 2011. Hé oui, une republication, de temps en temps. Pour la bonne cause.

Ce post s'insère dans une série sur les Boutiques de souvenirs utopiques - car l'Utopie n'est pas qu'un souvenir, mais c'en est un, aussi.




John Sloan - 23rd Street, Roofs, Sunset, 1906
Joslyn Art Museum, Omaha


La masse sombre qui se détache au fond du tableau de Sloan, c'est le Chelsea Hotel. Un temps l'immeuble le plus haut de la ville, en 1906 cela faisait déjà vingt-deux ans qu'il avait été surpassé mais il se dressait encore dans un splendide isolement, sur la 23ème rue.

C'est Sherrill Tippins, l'auteure du très recommandable (1)  February House, qui a récemment réavancé la thèse selon laquelle le Chelsea serait, comme le Familistère de Guise, un produit indirect du fouriérisme. Une idée qu'on trouvait déjà formulée chez Dolores Hayden, reprise chez Carl Guarneri, et qui s'appuie essentiellement sur une histoire familiale.

Charles Antoine Colomb Gengembre était le fils de Joseph Gengembre, qui fut à partir de 1827 directeur de la Manufacture de machines à feu aux Forges d'Indret, et donc un des pionniers français de la fabrication des bateaux à vapeur. Colomb, lui-même ingénieur et architecte, collabore avec les fouriéristes à la construction du phalanstère de Condé-sur-Vesgre en 1831-1832 et se fâche d'ailleurs avec nombre d'entre eux, dont Fourier lui-même, dans les débats qui accompagnent l'échec de cette première expérience. Après 1848 (2) il émigre aux Etats-Unis et s'installe à Cincinnati, puis à Allegheny (Pennsylvanie) où il garde des liens avec les fouriéristes. C'est à Cincinnati qu'il reçoit la visite de Victor Considérant alors que ce dernier prépare l'installation de la colonie fouriériste de La Réunion à Dallas, financée, entre autres, par Jean-Baptiste André Godin.

Le fils de Colomb Gengembre, Philippe, prend le nom de jeune fille de sa mère et se fait donc appeler Philip Hubert. Installé à New-York à partir de 1865 il s'y fait architecte et s'associe à James W. Pirsson. Leur cabinet, Hubert & Pirsson, construira une douzaine d'immeubles considérés comme des classiques du Gilded Age, dans le style dit Queen Anne - Late Victorian, et dont les chefs-d'œuvres furent les Navarro Flats sur Central Park, aujourd'hui disparus...


Les Central Park Apartments, précédemment appelés Navarro Flats
Source : Wired New York


...et le Chelsea, qui est toujours là.

C'est une histoire familiale donc, mais d'une famille élargie. C'est aussi l'histoire du fouriérisme américain, ce continent englouti - peut-être quarante communautés et phalanstères, le soutien d'un quotidien à fort tirage, plusieurs milliers d'hommes et femmes, des phalanges dont certaines durèrent plus de dix ans (3). 


 Le phalanstère de la North American Phalanx à Colts Neck, (New Jersey), ca 1840


La première phase de cette histoire court de 1837 (fondation de la Société Fourienne de New York) à 1852-1855 (dissolution de la North American Phalanx).


Les bâtiments subsistants de la North American Phalanx à Colts Neck, en 1972
Source : Library of Congress


C'est la phase phalanstérienne proprement dite, avec des colonies établies à la campagne par de jeunes intellectuels et ouvriers qualifiés de la Ville.


La Ruche (The Hive), bâtiment de la communauté fouriériste
de Brook Farm (Massachusetts), sujet du roman de Nathaniel Hawthorne,


Après la dissolution des dernières unités fermières (souvent suite à l'incendie accidentel des installations)...
 


Ruines de La Ruche de Brook Farm
Photo R E Stanton, 1977


...vient le repli sur la Ville avec l'expérience de l'Unitary Household : une centaine de personnes dans quatre immeubles brownstone de New York, 14ème rue Est, de 1858 à 1860 (4). L'Unitary Household marque une évolution dans les pratiques fouriéristes : les salons et salles à manger restent communautaires (mais non obligatoires) et les tâches domestiques comme la cuisine, la vaisselle... sont toujours au niveau collectif mais effectuées par des salariés (5). Dans les communautés fouriéristes de la campagne elles étaient auparavant prises en charge collectivement par les membres féminines de la Phalange, et elles seules.

L'Unitary Household est en cela annonciateur de ce qui allait suivre après la Guerre Civile. D'une part, le courant fouriériste sur son déclin s'ouvre à d'autres influences - anarchistes individualistes, féministes, partisan(e)s de l'amour libre, communautés d'artistes et expérimentateurs du logement collectif. D'autre part la pression démographique et foncière est telle dans les grands centres états-uniens, notamment Manhattan, qu'elle favorise la recherche de solutions collectives - la vie dans l'Unitary Household revenait au tiers de ce qu'elle aurait coûté à un ménage isolé du même quartier.

Si l'on veut chercher la survivance du fouriérisme après 1865, il faut donc chercher chez Victoria Woodhull, Mary Howland qui tenta de populariser aux Etats-Unis le modèle du Familistère Godin, Melusina Fay Pierce, auteure de Cooperative Housekeeping, c'est-à-dire chez les féministes qui réclamaient pour les nouveaux immeubles collectifs (apartment houses) le maximum d'équipements communs - cuisine, buanderie, garderie pour libérer les femmes des tâches domestiques... Cela à un moment où les architectes eux-mêmes reherchaient de nouvelles solutions sous la pression économique mais aussi pour plaire à une clientèle que nous appellerions aujourd'hui bourgeoise et bohême (6).

C'est d'ailleurs ici qu'on retrouve Philip Hubert et le Chelsea. A partir de 1880 Hubert construit ce qu'il appelle des Home Clubs - des immeubles allant jusqu'à dix étages, divisés en appartement larges et lumineux, munis du confort moderne avec chauffage central et ascenseurs, vendus selon la formule du cooperative housing (7). Malgré ce qu'on a pu en écrire, il reste peu de fouriérisme dans les réalisations du fils de Colomb Gengembre :  les équipements collectifs sont réduits (généralement un salon et un service de nettoyage, parfois un billard et une salle à manger comme aux Navarro Flats) - et il n'est plus question de mise en commun des tâches ménagères. En revanche le personnel (garçons d'ascenseur, portiers, etc.) est mutualisé, économie notable par rapport à la domesticité privée - ce que n'aurait pas dénié Charles Fourier...

Le premier Home Club était destiné aux employés modestes, avec des prix adaptés à leur bourse, mais il semble en fait avoir immédiatement profité à des propriétaires plus aisés. Puis Hubert construisit le Rembrandt, 57ème rue ouest, le Plaza de la 59ème rue, les Osborne Apartments... On surnommait ces constructions "les tenements pour riches" (8).


Le Chelsea, alors qu'il n'était pas encore un hôtel


Parmi les 80 appartements du Chelsea, une partie furent également proposés à des prix plutôt bas - 2400 $ de l'époque - et les équipements collectifs incluaient, cette fois-ci, trois salles à manger au rez-de-chaussée ainsi que le toit-jardin (9). Quand on y ajoute les sept studios d'artistes du dernier étage et la localisation de l'ensemble - dans ce qui était le centre du quartier du spectacle avant qu'il se déplace vers la 40ème rue et Broadway - on comprend que le Chelsea était fait pour attirer artistes et intellectuels aisés, en plus de la bourgeoisie à laquelle étaient réservés les appartements les plus spacieux.

Le cooperative housing permettait de mutualiser l'achat sur plan : chaque coopérateur acquérait un droit perpétuel d'occupation assorti d'un engagement de payer les charges afférentes. Bien que la légende du Chelsea le présente comme la première cooperative de new York, c'est très certainement faux, mais il est certain que le cabinet Hubert & Pirsson fut à l'avant-garde d'une évolution qui profita d'abord - et pendant longtemps - aux riches qui avaient de plus en plus de mal à acquérir une maison individuelle à Manhattan : c'est ainsi que furent construits bon nombre d'immeubles de la 5ème avenue, de Park Avenue et autour de Central Park après la 1ère guerre mondiale.

A la même époque, le logement ouvrier à New York reste purement locatif et se résume aux fameux tenements sans air et sans lumière, construits, dans le meilleur des cas, selon les normes Old-Law de 1879, en dumbbell tenements...


 Exposition sur le logement ouvrier de la Charity Organization Society, 1900 : maquettes de blocs d'immeubles ouvriers typiques du Lower East Side. 
La maquette du haut montre un bloc construit avant les normes d'urbanisme dites Old Law sur l'ensoleillement et l'aération. Celle du bas représente un bloc de même dimension construit après 1879 en dumbbell de façon à respecter a minima ces normes  en pratiquant de minces puits de jour : en fait, l'habitat a été encore densifié.
Source : Robert W. DeForest & Lawrence Veiller, The Tenement House Problem, New York, MacMillan, 1903.


 Plan d'un dumbbell tenement :
Le terme Dumbbell (Haltère) fait référence à la forme typique de l'immeuble de base


...empilés sur cinq à six étages sur les lots de 25x100 pieds imposés par le Grid Plan, et dont Bellows a donné la vue la plus saisissante.



George Bellows - Cliff dwellers / Troglodytes, 1913
Los Angeles City Museum of Arts


Ce n'est qu'à partir des années 1920 que le cooperative housing fut repris par le mouvement syndical, notamment par Abraham E. Kazan, de l'ILGWU . Les projets de l'ILGWU reprenaient le modèle de l'appartement-jardin tel qu'il avait été mis en œuvre par l'urbanisme socialiste en Allemagne et en Autriche, ainsi à la Karl-Marx-Hof de Vienne. 

Jusqu'en 1970 des dizaines de milliers de logements furent ainsi construits à New York avec le soutien des caisses syndicales puis, après que la crise de 1929 ait frappé ces dernières, avec l'aide de l'état fédéral, notamment la section 213 du National Housing Act à partir de 1949. Cette loi avait pour but de reloger les soldats démobilisés mais fut maintenue pour subventionner la construction de logements coopératifs à loyers modérés. 

C'est ce double mouvement coopératif - de la bourgeoisie d'un côté, recherchant l'entre-soi de familles solvables, et de la classe ouvrière syndiquée de l'autre, voulant préserver une communauté de conviction - qui explique qu'une grande majorité du foncier à Manhattan soit aujourd'hui régi en cooperatives

A partir du milieu des années 1950, de nouvelles législations orientent les co-ops "régulées" vers la privatisation : à partir d'un délai, une co-op subventionnée peut entrer dans le marché libre. Le délai était de vingt ans et la fin des années 1980, quelle coïncidence, vit se généraliser le processus. On peut lire ici l'histoire d'une de ces privatisations dans le Coop Village de Lower East Side. 

Philip Hubert était probablement très conscient de ce que le problème du logement dépassait de  loin ses initiatives architecturales : en 1886 il soutint financièrement la campagne de l'United Labor Party d'Henry George aux municipales (10). Le projet de Single Tax sur le foncier (en fait une socialisation de la rente foncière) émis par George avait évidemment de quoi séduire Philip Hubert. Et de quoi en effrayer d'autres : suffisamment pour susciter contre George outre la candidature républicaine de Theodore Roosevelt, la coalition de la hiérarchie catholique et des réseaux clientélistes de Tammany Hall derrière le candidat démocrate.


 Henry George photographié peu après avoir écrit Progress and Poverty


Après l'échec de Henry George, Philip Hubert quitte New York pour Los Angeles où il finira sa vie en dessinant des plans de petites maisons et d'appareils ménagers à l'intention des travailleurs pauvres (11). Pendant les deux ans qu'il avait passés au Chelsea, Hubert avait écrit une pièce de théâtre sur le procès des Sorcières de Salem, soixante-dix ans avant Arthur Miller. Qui, lui aussi, habitait au Chelsea.

C'est en 1905 - le déplacement du quartier des spectacles ayant entraîné la faillite de la cooperative - que le Chelsea devient un hôtel.


Chelsea Hotel, 2005


Je ne me livrerai pas au jeu qui consiste à comparer les plans du Chelsea aux spécifications du Phalanstère selon Fourier ou Considérant - comme on va métrant les châteaux cathares ou la pyramide de Chéops. Et je ne vais pas non plus resservir la liste des écrivains, poètes, cinéastes et rock stars qui ont eu leur clef - de Mark Twain à Sid Vicious l'éventail est large et, diraient certains, la pente est sensible. La liste des inconnus serait plus intéressante.


Chelsea Hotel, 2004


Qu'est-ce qui fait la magie d'un lieu ? Ce que la mémoire a retenu, ou ce qu'elle en a oublié ?

"La théorie de Fourier a contribué aux premières inspirations de la fondation du Familistère. J'ai été et reste un des plus grands admirateurs de son génie. Mais pourtant, ce n'est pas un phalanstère que j'ai fondé; ce n'est pas la réalisation du travail sériaire et attrayant que comporte le Familistère; ce n'est pas la réalisation du bonheur que j'ai inaugurée. Ce n'est qu'un allégement aux souffrances des classes ouvrières. C'est le bien-être physique et moral que je cherche à créer pour elles dans les limites d'une application et d'une répartition plus équitable des fruits du travail. Il y a donc bien loin de là à l'harmonie sociale qui malheureusement est moins bien accessible que les disciples de Fourier et Fourier lui-même l'ont généralement cru."

C'est ce qu'écrivait (12) Jean-Baptiste André Godin, le 5 novembre 1866, à Marie Howland, la fouriériste états-unienne qui devait populariser ses idées dans un roman à succès, Papa's Own Girl. D'une certaine façon, Philip Hubert aurait pu écrire les mêmes phrases pour illustrer le même compromis.


Chelsea Hotel iron works, 2011


La limite de l'utopie est tout à fait palpable - pour la réaliser, jusqu'ici, il a toujours fallu du capital. Et ce capital impose à son tour ses propres limites : à Guise chez Godin, il vient de l'usine et des revenus que l'on en tire - mais l'usine, du coup, implante dans le palais Social ses hiérarchies, ses statuts et sa discipline. A New York chez Philip Hubert, le capital vient d'une subtile redistribution : la vente des grands appartements aux riches subventionne les prix modérés des petits logements des cooperatives, et les revenus tirés de la location directe d'une partie de l'immeuble sont affectés, non seulement aux frais de fonctionnement, mais aussi à l'amortissement des hypothèques. Mais à ce jeu ce sont bien les banques qui sont les plus subtiles et - l'état fédéral étant venu à la rescousse puis s'étant retiré - ne reste plus aux co-ops des pauvres que le choix entre la faillite et la privatisation, aux prix du marché.

Ce qui fait la magie d'un lieu, ce n'est pas son livre d'or ou ses plaques commémoratives, sa bimbeloterie de Hard Rock Café, ni les fantasmes d'un siècle de défonce. Ce qui fait la magie, c'est ce qui a été perdu et oublié.

Le logement pour tous, le bonheur à portée de main - l'année 1886 à New York, quarante-six mille grévistes le Premier Mai, et, tenant meeting trois fois par jour, avec Daniel De Leon et les Knights of Labor, et même les socialistes allemands butés de la Volkszeitung, parlant aux journaliers irlandais qui pour une fois refusaient d'écouter leurs évêques, Henry George répétant ce qu'il avait crié à la tribune de Cooper Union lors de son investiture :

"Nowhere else in the civilized world are men and women and children packed together so closely (...) miles and miles and miles of land around this nucleus. Why cannot we take that and build houses upon it for our accommodation ?

"Nulle part ailleurs dans le monde civilisé on ne trouve des hommes , femmes et enfants à ce point entassés les uns sur les autres... Des kilomètres et des kilomètres et des kilomètres de terres autour de ce noyau. Pourquoi ne pouvons-nous pas les prendre et y construire des maisons pour nous loger ?"  

(Et il donnait la réponse : parce que les spéculateurs fonciers avaient déjà mis la main sur ces terres, en attendant que leur prix monte).


Chelsea Hotel is closed, 2011


Ce qui a été oublié. Cette perte de mémoire, c'est ce qui fait le charme des boutiques de souvenirs, et le Chelsea est une de ces boutiques comme il y en a d'autres. Depuis le 31 juillet 2011 celle-là est d'ailleurs fermée pour de très longs travaux et l'hôtel ne prend plus de réservations (13). La party du Samedi 30 était la dernière occasion d'y croiser ses fantômes - mes deux préférés étant John Sloan et Edgar Lee Masters.


John Sloan - Self-Portrait, 1890
Delaware Art Museum


Après avoir peint l'hôtel depuis son toit de la 23ème rue, Sloan attendra presque trente ans avant d'y emménager en 1935, avec Anna-Maria, dite Dolly, qui a probablement posé pour la femme au panier de linge dans le tableau de 1906. Dolly qui était alcoolique, qu'il avait rencontrée dans un bordel et qui avait tellement peur de le perdre qu'il rédigeait son journal uniquement pour qu'elle le lise en cachette et se rassure sur ses sentiments.




Quant à Edgar Lee Masters, le poète, auteur de la Spoon River Anthology, ce livre tissé avec les voix des morts, il s'installa au Chelsea par amour, et y écrivit, pour une Anita qui était peut-être son Alice, ce poème où il en anticipe la fermeture :


Anita! Soon this Chelsea Hotel
Will vanish before the city’s merchant greed,
Wreckers will wreck it, and in its stead
More lofty walls will swell
 
This old street’s populace.  Then who will know
About its ancient grandeur, marble stairs,
Its paintings, onyx-mantels, courts, the heirs
Of a time now long ago?

Who will then know that Mark Twain used to stroll
In the gorgeous dining-room, that princesses,
Poets and celebrated actresses
Lived here and made its soul;

In after years, so often made and unmade
By the changing generations, until today
It stands a tomb of happiness passed away,
Of an era long overlaid?

(La suite du poème est ici)


Lui et Sloan s'entendaient bien, ils avaient à peu près le même âge, et les mêmes convictions. Ils aimaient discuter de tout et de rien, de politique - avant d'aller écouter de la musique, sur le Victrola dans la chambre de Lee Masters, au Chelsea.



Duke Ellington - The Mystery Song, 1931
Mis en ligne par mlaprarie






Les écrits de Fourier se trouvent aisément sur le web, par exemple ici ou . On peut aussi trouver en ligne Le fou du Palais-Royal, de Cantagrel, qui présente la doctrine de façon vivante. Il faut lire aussi les Cahiers Charles Fourier.

A noter qu'il existe toujours une colonie sur le site du premier phalanstère de Condé-sur-Vesgre.

Sur l'histoire du logement à New-York, voir Richard Plunz, A History of Housing in New-York City, Columbia University Press, 1990 et, en français, Habiter New York, la forme institutionnalisée de l'habitat new-yorkais 1850-1950,  Mardaga éd., 1980. Sur le passage de la maison individuelle à l'apartment house dans la bourgeoisie new-yorkaise, Alone Together, a History of New York's Early Apartments, d'Elizabeth Collins Cromley, est partiellement accessible en ligne. Voir aussi les livres d'Andrew Alpern. Et sur l'histoire de New York jusqu'à la fin du XIXème siècle les 1383 pages de Gotham, A History of New York City to 1898 sont une mine inépuisable, on y trouve tout, jusqu'aux Dead Rabbits chers à Martin Scorsese.

Sur le Fouriérisme américain le livre de référence est celui, déjà indiqué, de Carl J. Garneri, The utopian alternative: Fourierism in nineteenth-century America, Cornell University Press, 1991. Et, sur les rapports entre le premier féminisme états-unien, l'architecture domestique et la lutte pour le partage des tâches, The grand domestic revolution: a history of feminist designs for American homes, neighborhoods, and cities de Dolores Hayden, dans la lignée du material feminism.

Sur le Chelsea,  on peut maintenant lire Inside the Dream Palace, le livre de Sherrill Tippins mais à ce jour il faut encore attendre quelques mois pour sa traduction française. On peut aussi muser sur le blog d'Ed Hamilton, Living with legends. Enfin, ceux qui ne l'auraient pas encore lu peuvent se précipiter sur le beau roman de Joseph O'Neill, Netherland - où se profile, indirecte et innommée, mais perceptible  à un œil attentif, l'ombre moqueuse de C.L.R. James.



(1) Au moins pour les lecteurs impénitents de Carson McCullers, dont les chats font partie.

(2) Bien que fouriériste, il ne faut pas faire de Colomb Gengembre un quarante-huitard à tous crins - travaillant pour la commande publique (canaux, écoles et éclairage au gaz) il semble bien que ce fut sa proximité avec les milieux gouvernementaux orléanistes qui le força à émigrer.

(3) Pour une présentation en français du fouriérisme américain, on peut lire le chapitre que Catherine Dhaussy lui consacre dans sa thèse de doctorat, Utopie et démocratie humanitaire aux États-Unis et en France entre 1830 et 1848, 2003. Le quotidien en question était le New York Tribune.

(4) Laura Cetti, Un Falansterio a New York. L'Unitary Household (1858-1860) e il riformismo prebellico americano, Sellerio, Palermo, 1992. Egalement un article de Laura Cetti accessible en ligne ici (pdf).

(5) De même, au Familistère de Guise, certains services collectifs du Palais Social étaient effectués par des Auxiliaires, qui n'y logeaient pas. Il faut aussi rappeler les limites de la critique de la division du travail chez Fourier, évidentes quand on lit certains passages sur la domesticité passionnée dans la société idéale : "L'affection du riche naîtra bien mieux pour les serviteurs quand il sera prouvé que leur entremise est une préférence affectueuse, puisqu'ils ne seront pas payés par ceux qu'ils serviront (...) Or, à examiner le mécanisme sociétaire, on reconnaît que toute la classe pauvre y est affectée au service du riche. Dans les appartement, les écuries, les jardins, les caves, les cuisines, etc. le riche ne saurait faire un pas sans voir les pauvres travaillant avec ardeur à satisfaire quelqu'une de ses fantaisies, faisant passionnément un service qu'il serait obligé de salarier en civilisation. Il aimera ces classes inférieures, par infuence de la domesticité passionnée." Charles Fourier, Traité de l'association domestique-agricole, vol. II pp. 483-484, Paris, 1822.

(6) Il faut se replacer dans l'ambiance d'une époque ou une Victoria Woodhull est à la fois la première femme agent de change au New York Stock Exchange, spirite militante et membre de la 1ère internationale où elle et ses pareils s'attiraient les foudres des marxistes, pour des raisons qu'il est facile de comprendre.

(7) En cooperative ou co-op chaque co-propriétaire est en fait un porteur de part de la société immobilière, et non le propriétaire d'une surface définie. Il doit être agréé par le board, intuitu personæ, et il est expulsable s'il ne respecte pas le règlement (à ne pas confondre avec le condominium, qui s'apparente à la copropriété française).

(8) Real Estate Record and Builder's Guide, cité par Edwin G. Burrows & Mike Wallace, Gotham, a history of New York City to 1898, Oxford University Press, 1999.

(9) Brochure de Philip Hubert, citée par Sherrill Tippins, Charles Fourier : Key to the Mystery of the Chelsea Hotel ?  Cahiers Charles Fourier, 2009. 

(10) George fut le premier à mener une campagne municipale  New-Yorkaise sur des bases économiques et sociales et non ethniques/communautaires. 

(11) Toujours selon Sherrill Tippins.

(12) Cité par Catherine Durieux, Fouriérisme américain, Familistère et amour libre, Cahiers Charles Fourier, n° 17, décembre 2006.
 
(13) Écrit en 2011. Mais l'hôtel a rouvert en octobre 2022.

29/11/2024

L'art de la chute : Nevinson


Christopher R. W. Nevinson - An inexperienced witch, 1919
Lithographie

 

Mais elles ne tombent pas toutes. Mentionnons en passant un débat intéressant sur les sorcières, avec deux points de vue : celui-ci et celui-là.

 

Et, de Nevinson, déjà.

28/11/2024

Les occupations solitaires : dilemme du faux billet


 
Charles Spencelayh - No watermark / Pas de filigrane, 1933
Huile sur toile
Tate 
 
 
 
Choix n°1 : on le brûle (mais perte sèche)

Choix n°2 : on l'écoule (mais article 442-2 du Code Pénal

 

 

Et de Spencelayh, déjà.


27/11/2024

Le bar du coin : Guy Buffet


Guy Buffet - The Making of the Great Martini, 2000
 

 

Avec une pensée émue pour Dorothy Parker qui n'a jamais dit ce à quoi vous pensez, et qui préférait le scotch, d'ailleurs.

26/11/2024

L'art de l'achat et de la vente : Schlosser


Gérard Schlosser - Il n'y a pas beaucoup de monde aujourd'hui, 1970
Acrylique sur toile sablée
Fondation Gandur pour l'Art, Genève

 

Comme Fromanger, Schlosser (1931-2022) me manque, se dit M. Chat. Un gars qui décide de devenir peintre après avoir vu En attendant Godot, ça nous manque, voilà.

 

 

Et pendant ce temps-là... 

...deux publicités gratuites pour Lucy Mushita

25/11/2024

L'art de la rue : Kollwitz


Käthe Kollwitz - Losbruch/Déclenchement, de la série Une révolte de tisserands, 1893-1897
Eau-forte
 
 
 
Des envies, comme ça, se dit M. Chat. Desceller des pavés et se réunir devant l'entrée du Fabuleux Palais près de La Plus Belle Avenue Du Monde (1) dans les Quartiers Très Réservés, et essayer d'extraire de son bureau le Très Inaccessible Responsable, en attendant les tirs tendus qui n'auraient pas leur place. Des envies comme ça, comme si on était des tisserands morts de faim - et quelque part on est morts de faim ou plutôt saisis d'étouffement devant nos postes de télé, spectateurs de génocide, moitié morts de rire moitié morts de honte devant les pantins déconnectés qui nous abreuvent de mots en plastique, mais bon. Nous ne sommes pas des tisserands morts de faim - bien que, cela dit, vous n'avez pas manqué de le noter, les files s'allongent, devant les secours alimentaires.
 
Des envies comme ça, des envies de Losbruch ou d'Outbreak, bizarre comme c'est difficile à traduire, en français.

(1) Appellation journalistique, comme la Cité Phocéenne ou l'État Hébreu. Ce n'est pas la plus belle du monde, j'y ai travaillé un temps, elle est juste sinistre, allez-y voir.




 

De Käthe Kollwitz ou à son sujet, déjà.

24/11/2024

Ronde de nuit : mélancolie limbourgeoise, avec ritournelle péguyste


Mme chat déambule sur le Vrijthof



Mme Chat - Alors, il est où, ce traité ?

M. Chat - Je ne sais pas, je n'ai pas voté pour. Viens plutôt voir la Meuse, tu sais...

Adieu, Meuse endormeuse et douce à mon enfance,
Qui demeures aux prés, où tu coules tout bas.
Meuse, adieu : j’ai déjà commencé ma partance
En des pays nouveaux où tu ne coules pas.

(il y a trop longtemps, se dit M. Chat, je me suis baigné dans la Meuse, loin d'ici, là où elle est tout étroite et froide, avec les petits gars de la troisième batterie du huitième régiment et on n'avait rien à voir avec les soldats de l'an II qui sont venus ici fermer toutes les églises si bien que celle des Dominicaines, n'ayant jamais rouvert au culte, est aujourd'hui, paraît-il selon les guides touristiques, la plus belle librairie du monde

 


 

avec un minuscule rayon french literature in french qu'il faut chercher à la loupe dans ce qui fut le chef-lieu de la Meuse-inférieure et ce n'est pas par nationalisme infatué oh non mais avec une tristesse renouvelée qu'on y retrouve essentiellement ces auteurs-phares que sont Houellebecq et Sylvain Tesson)

Quand reviendrai-je ici filer encore la laine ?
Quand verrai-je tes flots qui passent par chez nous ?
Quand nous reverrons-nous ? et nous reverrons-nous ?

(c'est étonnant Péguy se dit M. Chat, on commence par trouver ça insupportable, la barbe comme disaient Reboux et Müller

Sainte Barbe m'a dit : tourne la manivelle...

et puis on peut plus s'en arracher, ça vous tourne dans la mémoire comme ces litanies d'enfance qui reviennent toujours)

Mme Chat - On y va, alors ?

M. Chat - oui, allons voir la Meuse et le Pont Saint-Servais qui fait penser au Pont d'Orléans

Voici que je m’en vais en des pays nouveaux :
Je ferai la bataille et passerai les fleuves ;
Je m’en vais m’essayer à de nouveaux travaux,
Je m’en vais commencer là-bas des tâches neuves.
 
Mme Chat - Demain matin ce sera très joli, avec la brume.


 


 

 

 

23/11/2024

L'art de la fenêtre : l'envie de voyager, ou pas


 
Martinus Rorbye - Vue depuis la chambre de l'artiste, ca 1825
Huile sur toile

 

 

L. S. Lowry - Flowers in a Window, 1956