30/07/2011

Ronde de nuit : les lucioles de Kobayachi


Kobayachi Kiyochika - Lucioles à Ochanomizu, ca 1877
(Une autre version ici)


Kobayachi Kiyochika - Lucioles et maison éclairée
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27/07/2011

Mélancolie des constructeurs


Viktor Popkov - Ceux qui on construit Bratsk, 1960
Galerie Trétyakov
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Что Делать/Chto Diélat/Que faire - Constructeurs, 2005
Mis en ligne par chto delat / Что Делать
En remerciant Louis Proyect




Viktor Popkov peignait à l'époque du Dégel (Оттепель) - dans la manière de ce qu'on a appelé le Surovyi Stil ou Style Sévère. Les initiateurs du Style sévère - ainsi Nikonov, qui produisit avec Géologistes l'oeuvre-manifeste de l'école - voulaient rompre avec l'académisme léché et idéalisant qui régissait à l'époque le réalisme socialiste - sans renier pour autant de façon ouverte les principes du style officiel. Avec leurs couleurs sombres ou assourdies, leur brosse large, leur tendance à l'expressionnisme, ce furent les premiers artistes soviétiques à esquisser un retour vers leurs prédécesseurs avant-gardistes des années dix et vingt. Ainsi les tableaux de Popkov du milieu des années soixante - voir la série des Veuves de la guerre patriotique - évoquent ceux d'un Petrov-Vodkine dans leur façon de s'inspirer des peintres d'icônes. 

Pour la composition le  Surovyi Stil conserve l'aspect monumental du style officiel, mais sans l'héroïsation, d'où une certaine ambigüité politique dans les limites autorisées (1). Légère dans des tableaux comme Anxiété de Korzhev, cette ambigüité est bien plus prononcée dès que ces peintres s'attaquent à la figure du Travailleur. Que ce soit dans Géologistes, cité plus haut, dans d'autre tableaux de Nikonov comme...

 
Pavel Nikonov - Nos journées de travail (chantier de Bratsk), 1959 
Musée d'état Kasteïev des Arts du Kazakhstan, Almaty

 ...ou encore chez Taïr Salakhov, le moment choisi n'est plus celui de la production mais celui de la pause, du retour, du transport, de l'instant gagné (ou volé) par le travailleur réel dans sa vie quotidienne. Il en est ainsi du tableau le plus célèbre de cette période, Ceux qui ont construit la centrale hydroélectrique de Bratsk.

Sur le fond très sombre, presque noir - idée lumineuse ! - du lac de barrage, cinq constructeurs, dont une constructrice, sont pris au moment du repos - première ambigüité : simple arrêt-cigarette ou satisfaction prolétarienne de la tâche accomplie ?

Pour un russe de l'époque, le couple formé par la signalisatrice et l'homme au blouson pouvait évoquer un classique stalinien de la statuaire, l'ouvrier et la kolkhozienne. Ici pourtant,  pas de bras levé identifiant le travailleur de choc ou la tractoriste exemplaire, mais de nouveau l'ambigüité : les mains au hanches pourraient aussi bien marquer le défi que la fierté, et les deux fanions rouges (abaissés !) sont contrebalancés par le foulard (plus vif)... Quant à la chaîne aux épaules du personnage de gauche, est-elle brisée par le pouvoir des soviets ou, plus prosaïquement, parce que c'est la pause ?

Bratsk, en Sibérie, était un immense chantier hydroélectrique - la deuxième centrale de Russie - qui dura jusqu'en 1967. Pavel Nikonov l'avait visité en 1959 et en avait tiré son tableau Nos journées de travail qu'on peut voir plus haut et dont on peut lire ici les aventures. 

La même année 1959 Nikita Khrouchtchev, visitant la Sibérie, avait été interpellé par les ouvriers de Bratsk au sujet des prix alimentaires et leur avait répondu "certes, on pourrait baisser inconsidérément le prix des marchandises ou augmenter les salaires, mais où prendrions-nous les moyens de développer ultérieurement notre économie (2)  ? " Les constructeurs avaient faim. Deux ans plus tard, c'était la grève des usines de Novotcherkassk. Dix mille ouvriers, certains portant des drapeaux rouges et des portraits de Lénine, avec les enfants en uniformes de pionniers, partaient au centre ville et allaient s'emparer de l'immeuble du Parti. Les troupe spéciales les disperseraient à la mitrailleuse, faisant entre vingt et cinquante morts. 

Le collectif Что Делать (Chto Diélat - Que faire ? en français) (3) regroupe "des artistes, philosophes, chercheurs en sciences sociales et activistes" russes sur la base d'une plate-forme faisant référence à "l'auto-organisation, le collectivisme et la solidarité... avec tous les groupes de base qui partagent les principes du féminisme, de l'internationalisme et de l'égalité". 

Ce qui est particulièrement intéressant - enfin, ce qui m'intéresse personnellement - dans cette vidéo Строители/Constructeurs, c'est le point de rencontre de deux mélancolies à l'origine bien différentes.

Les personnages de Popkov sont éclairés par la lumière portée sur leur œuvre, par les projecteurs illuminant le barrage qu'ils ont construit. Comme tout bâtisseur du socialisme qui se respecte, ils sont fils/fille de leurs œuvres. Mais nous savons maintenant que cette lumière est menteuse. Pas seulement ambigüe comme l'entendait l'artiste, mais définitivement décevante. Ce que voulaient les peintres du Style sévère, c'était faire redescendre sur Terre les héros jdanoviens, les ramener au ras de la vie quotidienne du salarié soviétique - paradoxalement il devaient utiliser pour cela les ressources d'un art plus sophistiqué que le pompiérisme de leurs professeurs. Et ce que regardent les constructeurs de Popkov, nous savons maintenant que c'est le mixte du rêve communiste et d'une journée réelle d'un boulot franchement dégueulasse. Derrière eux, le fond noir d'une eau profonde. si le barrage se rompt, nous, spectateurs, serons engloutis. Leçon du tableau au temps de sa réalisation : lumière menteuse et béton fragile, la véritable barrière contre les éléments et les catastrophes, ce sont les constructeurs, ces êtres humains ordinaires. Leçon du tableau, aujourd'hui : même si le barrage est toujours là, la catastrophe a bien eu lieu. Aujourd'hui nous voyons les constructeurs à partir de leur avenir et ce qu'ils contemplent, avec nos yeux, de leur œuvre, c'est le monceau de béton pollué de soixante ans de capitalisme bureaucratique. Double mélancolie - celle d'un travail infini, et celle d'un interminable mensonge.

En sens inverse, ce que voient les jeunes gens de Chto Diélat dans ce tableau transformé en énigme, ils le devinent à partir de vingt ans de convergence des deux systèmes bureaucratique et libéral - de la vente aux enchères sous Eltsine au reflicage poutinien inclus, c'est un lot. "Ce que nous voulons capturer", dit l'un d'eux dans la vidéo, "c'est l'impulsion mythique, le point de départ". Double mélancolie : celle de l'effondrement irrémédiable, et celle du temps de la construction de ce qui s'est effondré.

Les peintres du Style sévère ont été assez vite muselés - ils posaient des questions gênantes. Espérons, pour les jeunes gens de Chto Diélat, qu'ils pourront continuer à poser les leurs.

Les questions gênantes, ce sont celles qu'on peut imaginer dans les yeux des Constructeurs de Bratsk, une fois que la signalisatrice a baissé ses fanions : dans ce que j'ai construit, qu'est ce qui m'a construit moi-même, jusqu'à quel point, et quelle part y ai-je pris, de ma propre décision, d'une décision commune ou encore imposée ? Comme le dit un vieux chant passé dans le folklore, were you the maker or the tool ?  C'est une question gênante, c'est aussi une question difficile.





(1) Limites étroites : en 1962 lors de l'exposition du Manège, Khrouchtchev dénonça comme une perversion les libertés prises par les peintres du Surovyi Stil à l'égard du code jdanovien. Les Géologistes de Nikonov faillirent disparaître dans l'affaire.

(2) Pravda des 8-10-11/10/1959, citée par Jean-Jacques Marie, Khrouchtchev, la réforme impossible, Payot 2010, p. 382.

(3) Le nom fait évidemment référence au Que faire de Lénine et, à travers lui, à celui de Tchernychevski.

22/07/2011

L'art du homard



Christine Keefe - Lobster, huile sur toile


Julio Larraz - Four Lobsters in a Tub



Désiré-Alfred Magne - Homard, crevettes et huîtres avec une salade et un huilier



Alexander Klingspor - Lobster I, 2002

20/07/2011




Gillian Welch/David Rawlings - Tennessee
Mis en ligne par TheGatoulis2

18/07/2011

Les vacances du bestiaire : ROA


ROA - Brick Lane - Hanbury Street, London, 2010
Flickr par Schimonski, licence CC



Les animaux de ROA peuplent les angles morts, les bâtisses à l'abandon, les devantures closes et les impasses délaissées aux quatre coins du monde, à commencer par sa ville de Gand, et puis à Londres où perche cette grue qui, à l'origine, devait être un héron, ou encore à Ancône...




ROA - Ancona, 2010
Flickr par garagolo, licence CC


...à Williamsburg...



ROA - l'écureuil de Williamsburg, Brooklyn, NY
Flickr par Hragv, licence CC



...à Berlin...



ROA - Rats à Berlin


...à Los Angeles, au Mexique et...



ROA - Vitry-sur-Seine, septembre 2010


...à Vitry-sur-Seine, NeufQuatre. C'est vrai qu'il se passe tellement de choses, à Vitry-sur-Seine.



 Robert Desnos - La famille Dupanard, par Michèle Bernard


Voir d'autres ROA chez ROA ou à la galerie Pure Evil

09/07/2011

Ayons congé (pendant quelques jours)


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Les chats font leurs bagages... retour vers le 18 juillet




Et, pendant ce temps-là...
"...M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 14 visant à supprimer l’article 5.

La parole est à M. Serge Blisko.
M. Serge Blisko. Nous arrivons au cœur de notre débat.

Faisons l’hypothèse que la majorité créera le fichier central biométrique informatisé que nous n’approuvons pas : comment pouvons-nous faire en sorte que soient respectées les libertés individuelles et collectives et la vie privée des individus ? Nous nous retrouvons dans un monde orwellien où la biométrie…
M. Christian Vanneste. Cela n’a rien à voir avec Orwell ! L’informatique n’existait pas à l’époque !"
Débat sur la proposition de loi sur la protection de l'identité, Assemblée nationale, Session extraordinaire de 2010-2011, compte-rendu des débats de la deuxième séance du jeudi 7 juillet 2011

08/07/2011

La vie privée des statues : Bourdelle








Rodin



Le fruit



Mécislas Golberg







Mécislas Golberg
"Renégats, traîtres à la Cause, ivrognes, refileurs de comètes sont les seuls révolutionnaires de demain"
Mécislas Golberg, Sur le Trimard n°4, 1897 


Jeanne d'Arc



Statue équestre du général Alvear



Œuvres d'Antoine Bourdelle, musée Antoine-Bourdelle d'Égreville (Seine-et-Marne).




07/07/2011

Chambre d'enfant : Edita Piekha




Edita Piekha - Город детства/Ville de mon enfance
Musique : Greenfields (Terry Gilkyson, Rich Dehr, Frank Miller), texte russe : Robert Rojdestvenskii
Mis en ligne par Pustinnik25


Fille d'un mineur polonais immigré en France, retournée à huit ans en Silésie avec sa famille puis étudiante en psychologie à Léningrad et enfin chanteuse populaire, Edita Piekha est probablement la seule native (1937) de Noyelles-sous-Lens à avoir reçu (1988) le titre d'artiste du peuple de l'Union soviétique.


05/07/2011

Le bar du coin : Casas


Ramon Casas - Au Moulin de la Galette, 1892 
Via erinaa

04/07/2011

L'art de la cuisine : le Siècle



Réunion privée du Siècle le 27 juin 2011
Jardins Albert-Kahn à Boulogne-Billancourt
Mis en ligne par Mediapart



Une file d'individus louches se glissait ce soir-là, à la dérobée, dans le jardin préféré des chats, et cela bien après l'heure de fermeture.

03/07/2011

Ronde de nuit : Puigaudeau


Ferdinand Loyen Du Puigaudeau - Promenade en barque de nuit en Brière
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01/07/2011

Le greffe : Zai Kuang


Zai Kuang - Girl and the cat, 2007
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