19/11/2022

Transports en commun : la vie d'après et la magie


Eric Ravilious - N°29 Bus, 1934

 

Sur la façon dont un bus double-decker de type B des années 1910 avait échoué dans une arrière-cour de Bell Lane, Great-Barfield (Essex), on en saura un peu plus chez James Russell.

Et d'Eric Ravilious, déjà.

Et les chats ont pris le bus magique, ils sont partis...

 

The Who - Magic bus,
Live at Leeds, 14 février 1970
 
 
...ils reviendront dans une quinzaine de jours, peut-être... 


 

17/11/2022

The boat is leaking and the captain lied - une petite chanson pour le sauvetage en mer (1)


Leonard Cohen & Sharon Robinson - Everybody Knows, 1988
Live in London, 17 juillet 2008

 

 

Everybody knows that the dice are loaded
Everybody rolls with their fingers crossed
Everybody knows that the war is over
Everybody knows the good guys lost

Everybody knows the fight was fixed
The poor stay poor, the rich get rich
That's how it goes
Everybody knows

Everybody knows that the boat is leaking
Everybody knows that the captain lied
Everybody got this broken feeling
Like their father or their dog just died
Everybody talking to their pockets
Everybody wants a box of chocolates
And a long stem rose

Everybody knows that you love me baby
Everybody knows that you really do
Everybody knows that you've been faithful
Oh, give or take a night or two
Everybody knows you've been discreet
But there were so many people you just had to meet
Without your clothes
Everybody knows


Everybody knows, everybody knows
That's how it goes
Everybody knows

Everybody knows that it's now or never
Everybody knows it's me or you
Everybody knows that you live forever
When you've done a line or two
Everybody knows the deal is rotten
Old Black Joe's still pickin' cotton
For your ribbons and bows
Everybody knows

And everybody knows that the Plague is coming
Everybody knows that it's moving fast
Everybody knows that the naked man and woman
Are just a shining artifact of the past
Everybody knows the scene is dead
But there's gonna be a meter on your bed
That will disclose
What everybody knows

And everybody knows that you're in trouble
Everybody knows what you've been through
From the bloody cross on top of Calvary
To the beach of Malibu
Everybody knows it's coming apart
Take one last look at this Sacred Heart
Before it blows
Everybody knows


Everybody knows, everybody knows
That's how it goes

Everybody knows

 

 

(1) Voir (sur abonnement) l'article du Monde en date du 13 novembre, ou, sans abonnement, ici ou plus explicitement . En complément sur le contexte, lire ce thread de l'ANAFÉ. De toute façon, même sans le savoir, vous le savez déjà. Tout le monde sait. Même ceux qui regardent ailleurs (2).

(2) Remarquez, je sais peut-être une petite chose de plus.
Il y a un demi-siècle, j'ai passé l'examen pour le certificat d'opérateur radio-télégraphiste morse (oui, ça existait encore) (et oui, j'ai exercé tout un tas de petits métiers utiles). Ma question à l'oral était une question bateau (dans tous les sens du mot bateau) :

- Vous recevez un SOS (et oui, ça aussi ça existait encore : ...---...), que faites-vous ?

J'ai réussi l'exam. C'était facile. On vérifiait l'identité du bateau, sa localisation, on montait vite un dossier (3) mais avant ON PREVENAIT LES SECOURS QUI DEVAIENT INTERVENIR LE PLUS VITE POSSIBLE. Les secours : le C.R.OS.S. - voir plus haut note (1) - ou ce qui en tenait lieu si c'était très loin, ou les autres navires... Le C.R.O.S.S., bon Dieu. Le C.R.O.S.S. qui était censé sauver. Alors quand je vois que les choses ont changé, dans un cas comme ça - comme dans d'autres du même type d'ailleurs - je mets cette chanson, juste parce que c'est la plus triste du monde, je l'écoute et je la réécoute jusqu'à ce que la douleur se calme, un peu.

(3) Pour la responsabilité...







15/11/2022

Tilda, Edith et Hester (avec de l'aventure, du grand large, du chemin de Damas, du cinéma à tous prix et peut-être un morceau du tombeau de Mahomet)



Tilda Swinton...


 photographiée par Tim Walker en Edith Sitwell...

 

 

...pas vraiment comme elle fut portraiturée par Roger Fry, 1918
Huile sur toile
Museums Sheffield


...mais plutôt comme sur la couverture des...

 

 


 

 

...qui datent de 1933, mais elle écrivit aussi, entre autres

 

 


 

 

...à propos, notamment, de

 

 




Vie de Lady Hester Stanhope en bande dessinée,
Wonder Woman n°47, Mai 1951
















 

 


 

 

...dont j'ai déjà parlé, et qui mérite bien son destin d'héroïne multimédia...

 

 

Mark Chapman pour la BBC - Queen of the East, 1995
 Jennifer Saunders dans le rôle de Hester Stanhope
Mis en ligne par rsprog3 
 
 
 
...même, quelquefois, dans des situations hautement improbables... 
 
 
 
 
Souheil Ben-Barka - De sable et de feu, 2019
Carolina Crescentini dans le rôle de Hester Stanhope

 

 

...d'ailleurs, si vous avez 24 millions de dollars qui traînent dans vos poches, vous pourriez aider David Seidler (1) et ses producteurs à adapter la dernière biographie en date, parce que cela fait maintenant une bonne dizaine d'années qu'on attend...

 

 

(1) Déjà scénariste de Tucker et The King's Speech.


 

14/11/2022

Autoportrait avant la fin d'un monde


Mazhar Ali Khan - Autoportrait, 1831

 

Mazhar Ali Khan peignait sous le règne du dernier empereur Moghol, Bahadur Shah Zafar (1775-1862) - c'est-à-dire aussi sous le contrôle étroit de l'East India Company  et tout particulièrement du représentant à Delhi de son Gouverneur Général, Charles Metcalfe, qui lui fit illustrer Le Delhi Book, un recueil de vues de l'ancien Delhi dans ce qu'on appelle le Company Style, où se rencontrent l'art des miniaturistes indiens et celui des aquarellistes anglais.

Pendant que les Anglais de l'EIC réduisaient progressivement son pouvoir à peu de choses, supprimant même son effigie des pièces de monnaie, Bahadur Shah Zafar s'était réfugié dans la mystique et la poésie amoureuse - jusqu'au jour du 10 mai 1857 où les Cipayes se révoltèrent, le proclamèrent leur chef, furent écrasés et massacrés jusqu'au siège final de Delhi, lors duquel furent détruits bien des monuments dépeints dans le Delhi Book. Shah Zafar passa devant un tribunal anglais, fut condamné à la déportation à Rangoon, et ses dix enfants furent exécutés.

Sur ce sujet on peut aussi en lire un peu plus (en anglais) chez Publius Aelius et encore par ici ou par chez William Darlymple, chroniqueur du Guardian (1). Du même, vient d'être traduit chez Noir sur Blanc, avec des Cipayes sur la couverture...

 


 

...où l'on apprend comment se construire un empire commercial et militaire, chez les autres. L'ouvrage couvre la période précédente, entre 1756 et 1803, et explique entre autres que l'un des tout premiers mots indiens à entrer dans la langue anglaise fut le mot loot, qui signifie pillage.

 

 

(1) Et auteur du Dernier Moghol, sur les dernières années de Bahadur Shah et de l'âge d'or de Delhi.




 

13/11/2022

Les vacances du bestiaire : redoutable symétrie


Kōichi "Tiger" Tateishi - A tiger in the land of dreams, 1984
Via 50 Watts
 

Tyger Tyger, burning bright,
In the forests of the night;
What immortal hand or eye,
Could frame thy fearful symmetry ?

William Blake, Songs of experience, 1794






12/11/2022

Les intérieurs sont habités : Desmazières


Érik Desmazières - Le vent souffle où il veut, 1989 
Eau-forte et aquatinte
 
 
Et d'Érik Desmazières, déjà.
 

11/11/2022

Que vous lirez peut-être


10/11/2022

L'art de la cuisine : confiture, finnoise, sur bois


Teija Lehto - Hillonkeitto / Pour cuire la confiture, 2016 
Gravure sur bois

 

09/11/2022

De temps en temps, une republication : Pierrot Lunaire

De temps en temps, une republication d'il y a combien ? Onze ans et des poussières ? Parce que - par exemple - il faut retrouver des liens de vidéos disparues, des adresses de blogs perdus dans un brouillard alzheimérien, etc.... Et puis on se relit et mon Dieu mon Dieu, non seulement tu n'existe pas mais j'avais tout oublié... Non, pas tout, on se souvient de l'affect et du sentiment mais en détail, voyez-vous... J'avais écrit ça, vraiment ? Il ne faudrait pas appeler ça Je me souviens mais J'avais un peu oublié et est-ce que ça s'était vraiment passé comme ça... Voilà, je republie, c'est tout (y compris un piège temporel, il y a là-dedans une petite erreur de chronologie délibérée, au lecteur de trouver les indices - tout ceci est un jeu, finalement). 
 
Et puis La mineure de l'aube, Το μινόρε της αυγής, franchement, si ça ne vous fend pas le cœur, je m'inquiète pour vous...
 
 

Ivan Stepanovich Ivanov-Sakachev - Une étudiante en histoire de l'art


Je me souviens de l'année 1967-68 - nous avions été finalement un petit groupe à quitter l'Hôtellerie, rêveusement nous achevions (c'est le mot) une licence de philosophie, et pour  changer du Buffet nous avions opté pour le certificat d'esthétique. 

A  l'époque cela se passait dans l'architecture uchronique de l'Institut d'art. On s'immergeait dans un océan de jeunes filles à col de dentelle (non, pas toutes, je fantasme a posteriori) qui avaient sur nous l'avantage de connaître les œuvres et qui, de surcroît, nous snobaient. Nous regardions défiler dans le clic-clac des diapositives Poussin, Juan Gris, Fernand Léger et le Quattrocento. Au programme cette année-là, le cubisme...

Juan Gris - Fantômas, 1915
National Gallery of art, Washington
Source : Wikimedia Commons


...les Vanitas...



Antoine Steenwinkel - Vanitas, autoportrait de l'artiste, XVIIème s.
Musée royal des beaux-Arts, Anvers
Source : dianalehti


...et Schönberg.


Eine Nacht. Ein Leben, téléfilm d'Oliver Herrmann, 1999 mus. : Arnold Schönberg, Pierrot lunaire, 1912 - Christine Schäfer, soprano
sur des paroles d'Albert Giraud, trad. Otto Erich Hartleben
Ensemble InterContemporain, Pierre Boulez
Mis en ligne par eins54 Film


 
Nous écoutions Bernard Lamblin, et Revault d'Allonnes.

Olivier Revault d'Allonnes (1923-2009) fut pour tous ceux qui l'approchèrent un peu plus qu'un simple professeur. Arrière-petit-fils d'Ernest Renan, il était de cette école d'esthétique qui s'efforçait  de résister aussi bien aux ankyloses du marxisme qu'au structuralisme ambiant. Et il fut un des rares enseignants de l'Université à soutenir ses étudiants au point de se fendre dès le 7 mai 1968 d'une lettre personnelle au recteur de Paris : "j'ai manifesté avec eux dans la rue et continuerai à le faire" (1).

C'est en écoutant Revault que, pour la première fois à la Sorbonne ou dans ses dépendances, nous entendions citer ce nom :



Theodor Wiesengrund Adorno
Pièces pour piano
Mis en ligne par Rebecca Farulli



En ce temps-là à Paris, l'école de Francfort n'était pas vraiment hype. Ce qui était hype, c'était Althusser chez les maoïstes (et/ou les staliniens), Lukács chez les trotskistes - et SouB chez les autres. Tout le monde lisait aussi un peu Henri Lefebvre, et beaucoup l'I.S. achetée à un kiosque bien précis du Boulevard Saint-Michel.  Mais pas les Francfortois.

(Même de Walter Benjamin, on ne trouvait en français que deux minces volumes traduits par Maurice de Gandillac, et d'Adorno que la Philosophie de la nouvelle musique et l'Essai sur Wagner.)

Il y avait des ayants droit, des blocages de traduction - surtout, à ce moment-là, sur la Dialectique négative - je me souviens de Revault pestant encore et encore contre ces embûches, avec une indignation non feinte. Mais comme d'habitude l'écume juridique ne faisait que recouvrir les causes plus profondes de cette surdité. Revault fit un patient travail, et efficace, pour soulever les éteignoirs (2). C'est grâce à lui que la Théorie esthétique...





...n'attendit pas pour être traduite aussi longtemps que d'autres livres d'Adorno : trente ans pour les Minima moralia, et la même punition pour la Dialectique de la raison si on prend comme point de départ sa première édition, états-unienne. Mais depuis, comme je disais, tout cela est devenu hype, et comme pour tout ce qui est hype, il y a déjà un peu de poussière qui se dépose, dessus.

Quand les lumières se rallumaient après les diapositives, et que Revault embrayait sur la Théorie Critique, nous jouissions d'un avantage temporaire sur la tribu des cols de dentelle : Hegel était pour nous un terrain moins glissant que Braque ou Pieter Claesz. Pourtant, nous cachions notre surprise - ainsi, nos précédents maîtres nous avaient caché des choses ? Nous déléguâmes un germaniste  dans la 
 
 

 
 
Il revint, secoua ses sandales et nous confirma, dans ce sabir khagneux qui nous collait à la peau, que c'était trapu mais siouxe - traduire : difficilement compréhensible pour les béotiens, mais d'une intelligence supérieure. Je confirme également, je fais encore mine de frotter mon côté béotien à cette écorce plutôt rude - chacun peut d'ailleurs s'en faire une idée, ici.

Une ou deux fois par semaine, on s'asseyait dans cette salle, Revault détaillait des séries d'images, on écoutait Pierrot Lunaire - puis nous faisions connaissance avec cette dialectique déroutante qui, comme le scorpion dans le cercle de feu, se pique de son propre dard, mais pour renaître - scorpion/phénix : "plus la pensée, au nom de l'inconditionné, se ferme avec passion à ce qui risque de la conditionner, plus elle se livre, inconsciemment mais d'autant plus fatalement, au monde. Même sa propre impossibilité, elle doit la comprendre par amour du possible. Comparée à l'exigence à laquelle elle doit faire face, la question concernant la réalité ou l'irréalité de la rédemption devient presque indifférente"(3).



A la fin de l'année, Revault se retournait vers ses étudiants et questionnait innocemment

"Alors, qui veut devenir chômeur intellectuel ?"

Comme toute galère, la Théorie Critique avait besoin de rameurs ; nous étions des poltrons, nous n'avons pas levé le doigt. Par ailleurs nous étions en avril 68, le temps passa d'abord très vite, puis plus lentement. Et je n'ai plus jamais croisé Revault que dans ses livres, mais je lui serai éternellement reconnaissant pour ce scorpion, et ce phénix.







On peut facilement trouver sa thèse de 1973, récemment rééditée, c'est incroyable comme un livre de presque quarante ans a peu vieilli - si quelques passages détonnent, c'est simplement que l'époque actuelle s'est avachie autour de cette pensée. Qui d'autre que Revault pouvait essayer de transcrire des chants de rossignol dans la notation Hornbostel-Souriau, simplement pour vérifier que les Hymnes de passereaux au lever du jour ou les Oiseaux exotiques, de Messiaen, n'étaient pas réalistes ? Il y a aussi dans ce livre un essai lumineux sur Picabia, une analyse de l'Arrêt Bonnard (4) qui se lit comme un roman policier, et le premier chapitre sérieux publié en France sur le Rébétiko...



Το μινόρε της αυγής / La mineure de l'aube (Spyros Peristeris/Minos Matsas), 1947 (5)
Chant : Apostolos Chatzichristos, Markos Vamvakaris, Giannis Stamoulis
Bouzouki : Kostas Kaplanis
Mis en ligne par de es sempe

 
Et cela se termine par un parallèle entre Lénine et Jerry Rubin à l'avantage de ce dernier (6) et par cette conclusion : "...le rétrécissement croissant de la zone de création dans la vie des hommes ne peut que réaliser les conditions d'une créativité encore inconnue. La détermination est finalement toujours remise en question par la création, et ceci d'autant plus radicalement qu'elle détermine plus étroitement. (...) Toutes les nécessités de l'art, matérielles, techniques, traditionnelles, sociales, idéologiques, n'ont jamais abouti à autre chose qu'à la nécessité de les détruire. Ce sont les oppressions qui suscitent les sursauts, et ceux-ci ne sont possibles que parce que les oppressions, qui se veulent ou se croient totales, ne le sont jamais. Simplement, plus elles cherchent à s'exercer sur la totalité, plus elles s'engagent à être totalement rejetées. (...) La grande loi de la création artistique, c'est que sa puissance est proportionnelles à celle des systèmes qui veulent l'étouffer. Plus les règles s'étendent, et plus elles commandent, plus s'élargit le champ où l'art nouveau va les déborder, et plus s'accroît la force qui les brisera. Il est probable que cette loi n'est pas limitée à l'activité esthétique, pas plus que cette dernière n'est limitée, dès aujourd'hui, au domaine de l'art. Dans une société qui tend à abolir toute création, l'abolition de cette société devient la seule création possible" (8). 


 Vadim Zakharov - Adorno Denkmal/Monument Adorno, 2003
Theodor-W.-Adorno-Platz, Frankfurt am Main
Sur le bureau du philosophe, le métronome et l'exemplaire de la Dialectique négative.





 
 
(1) Lettre ouverte à M. le Recteur, journal Combat, 10 mai 1968. Dans la même lettre Revault, qui était encore simple assistant et qui avait aussi soutenu les militants algériens pendant la guerre de libération, faisait clairement le rapprochement à propos du comportement de la police parisienne qui s'était "fait la main pendant huit ans contre les Algériens".

(2) Il ne fut pas le seul, il y eut aussi Jean-Michel Palmier, Jean-Marie Vincent et Miguel Abensour.

(3) T. W. Adorno, Minima moralia, réflexions sur la vie mutilée, fragment 153, trad. Eliane Kaufholz, Payot éd. 1983.

(4) Dalloz 1953, pp. 405-408. L'arrêt, du 17 janvier 1953,  déniait au peintre la liberté de décider par lui-même ce qui dans sa production relevait de l'œuvre achevée, par opposition aux ébauches. Les juges confièrent cette répartition à des experts.  Le litige portait sur la dissolution de la communauté de biens entre Bonnard et son épouse décédée : les ébauches restaient propriété exclusive du peintre, ce qui n'était pas le cas des œuvres achevées.
 
(5) La (tonalité) mineure de l'aube (ou l'aube en La mineur, comme vous voudrez).

Μινόρε της Αυγής Ξύπνα, μικρό μου,
κι άκουσε κάποιο μινόρε της αυγής,
για σένανε είναι γραμμένο
από το κλάμα κάποιας ψυχής.
 
Το παραθύρι σου άνοιξε
ρίξε μου μια γλυκιά ματιά
Κι ας σβήσω πια τότε, μικρό μου,
μπροστά στο σπίτι σου σε μια γωνιά. 
 
Réveille-toi, ma petite
Et écoute la douce mineure de l'aube
Elle a été écrite pour toi
Par une pauvre âme en pleurs
 
Ouvre ta fenêtre
Et jette-moi un doux regard 
Et laisse-moi m'effacer, ma petite, 
Près de ta maison, dans un coin

(6) Du moins dans sa période pré-yuppie reaganien. La transformation rapide de l'auteur de Do it en néolibéral investissant dans Apple est-elle un exemple de retournement dialectique, ou la preuve qu'une certaine dialectique peut justifier n'importe quoi (7) ?

(7) Et que de temps en temps un petit retour à Kant au coin du feu (de bois, ramassé ou volé dans la forêt toute proche) ne fait pas de mal, il existe de bons auteurs sur le sujet. Tout cela faisant partie des quæstiones disputatæ depuis deux siècles, ce qui n'enlève rien à la pertinence de la citation référencée ci-dessous. Bon, j'arrête.

(8) Olivier Revault d'Allonnes, La création artistique et les promesses de la liberté, Klincksieck éd. 1973, rééd. 2007, pp. 290-291.


07/11/2022

Et maintenant, quatre images pour composer votre propre histoire (une semaine Hawkins, bonus du huitième jour)


Harold Frederick Weaver Hawkins - Queue, 1920
Pointe sèche et aquatinte




Coffee Stall



Reading, ca 1920-22
Eau-forte




Woman asleep, ca 1926-28
Gravure sur bois

 

06/11/2022

Tout est vanité, mais tout va bien quand même


Weaver Hawkins - Broken things, 1945
Huile sur carton
 
 
Broken things : deux objets cassés fortement symboliques. Le vase, image du corps physique (1) et le miroir, image de soi - et le vase, justement, s'y reflète. Le corps de l'artiste, brisé par la guerre, cassé et recassé par les chirurgies.
 
Une année également symbolique, 1945, Hawkins malade, empêché de peindre puis retrouvant suffisamment la santé pour produire, en tout premier, ce tableau. 

1945 également, la fin de la seconde guerre - mais aussi l'année où l'humanité découvre toute l'étendue de ce dont elle est capable, à Hiroshima et Auschwitz-Birkenau.

Et un tableau qu'on pourrait lire comme une Vanitas, mais une Vanitas sauvée par la couleur.

Une Vanitas gaie, en quelque sorte...
 
 
 
 
 
(1) Lucrèce, et à sa suite une longue tradition : 
Quippe etenim corpus, quod uas quasi constitit eius,
Cum cohibere nequit conquassatum ex aliqua re
Ac rarefactum detracto sanguine uenis...
 
Le corps est pour ainsi dire le vase de l'âme ; s'il ne peut plus la contenir
quand un choc le bouleverse, ou quand le retrait du sang
hors des veines le rend poreux...
 
Lucrèce, De natura rerum, 441-443, trad. Clouard
 

 

05/11/2022

La ligne rouge (une semaine Hawkins, #6)



Harold Frederick Weaver Hawkins - Lisbon, 1958 
Huile sur isorel

 

Hawkins utilise le contour en couleur complémentaire, non seulement pour faire ressortir les motifs, comme dans Another day, mais aussi, et de plus en plus au fil de sa carrière, pour affirmer un style de composition linéaire, parfois de façon quasiment provocatrice. Dans ces deux tableaux les tables et les chaises viennent souligner en transparence l'essentiel : qu'un jeu de couleur sur une surface plane vient signifier un espace tridimensionnel organisé.


 

Figures in a garden, 1948 
Huile sur toile

 

04/11/2022

Enveloppez-moi ça (une semaine Hawkins, #5)


Harold Frederick Weaver Hawkins - The Pack, 1927
Aquarelle et crayon
 
 

Le dessin est construit pour de façon à converger sur un chien isolé, au centre. le ragard suit brièvement la meute, au fond vers la gauche, mais revient immédiatement sur le personnage accroché à la barrière pour éviter les chevaux : celui qui est véritablement menacé par cette chasse, c'est lui.

Les scènes de sport, chez Hawkins, sont souvent inscrites dans un mouvement ou une enveloppe circulaire... 

 

 


Descent, 1964
Huile sur carton

 

...faisant ressortir le mouvement à travers l'équilibre momentané des tensions.


Finishing Post, 1957
Aquarelle et technique mixte sur papier

 

 


Football, 1952
Huile sur carton

 

 

 

03/11/2022

Du trauma selon ses différents aspects, et de la difficulté à l'étaler sur un mur (une semaine Hawkins, #4)


Harold Frederick Weaver Hawkins - Warfare / Guerre, 1945
Huile sur carton
 
 
Peint en Australie, à un moment où le second conflit mondial avait réveillé chez Hawkins les angoisses du premier, ce tableau devait probablement être le carton préparatoire à un mural, c'est d'ailleurs ainsi qu'il fut catalogué lors d'une première exposition. Aucun des murals de Hawkins ne fut réalisé, la peinture d'idées explicite et le réalisme n'ayant pas leur place, au sortir de la guerre, dans l'horizon d'attente du public australien qui réclamait du romantisme ou du décoratif.
 
Composition en deux parties : à l'arrière-plan, les causes et les effets : de droite à gauche les décideurs, les porteurs de sacs, les blessés et infirmes, le cimetière. Devant, les affects qui les accompagnent : violence, esprit de lucre, exhortation religieuse, deuil, sexe et alcool. Au premier plan, le personnage nu représente l'expérience traumatique, telle que l'artiste se la remémore.