31/12/2012

Bang : Yamamura Toyonari


Yamamura Toyonari - Feu d'artifice pour une nuit de festival, 1924
Via Yama-Bato 

Paris, le froid Paris : le fog


Joel Yale - Paris in the fog, France, 1948
Life Photo Archive Via Facie Populi (ex-Luz Fosca)

30/12/2012

Passage du jour et de la nuit


Adolphe Théodore Jules Martial Potémont - Passage de l'Opéra - Boulevard des Italiens 
Les Boulevards de Paris, 1877
Eau-forte, rehauts d'aquarelle
(Via BibliOdissey)


"... Il était triste, à en juger par ses sourcils froncés, sa large bouche moins distendue et moins lippue qu'à l'ordinaire, et la manière entrecoupée de brusques pauses dont il arpentait le double passage de l'Opéra. Il était triste. "
Charles Baudelaire - Comment on paie ses dettes quand on a du génie (in Le Corsaire-Satan, 24 novembre 1845)


 Gustave Doré - Le passage de l'Opéra une nuit de bal
Le Journal Illustré n°53 du 12 février 1865


"C'est pendant les nuits de carnaval que le passage de l'Opéra est curieux à observer. On sait que l'Opéra donne des bals masqués tous les samedis et que ces bals, conduits par l'archet du célèbre Strauss, ont une réputation européenne. (...)
 
  

Gustave Doré - Le passage de l'Opéra une nuit de bal 
détail de la précédente
Source : Richard Sennett

 
(...) C'est à minuit que l'Opéra ouvre ses portes pour le bal; à partir de onze heures le passage de l'Opéra est littéralement encombré par les masques et les travestis qui se préparent au plaisir de la danse en échangeant les propos les plus joyeux et les plus bizarres, tandis que les promeneurs, que ce spectacle attire, se rangent prudemment de côté pour les laisser passer. Les magasins se ressentent de cette animation, les cafés restent ouverts toute la nuit ; tout est bruit, éclats de rire, gaité, jusqu'à ce que les premières lueurs de l'aube aient remplacé les feux expirants du gaz."


Passage de l'Opéra (1822-1925)
Source : Richard Sennett



"Un jour, jour de détresse suprême, Baudelaire vendit au bouquiniste du Passage de l’Opéra pour 20 francs de bouquins, de musique et jusqu’à des autographes de nos amis. Le bouquiniste en riait lui-même. Il en avait sa charge. "Et quand je pense, disait-il, que je donne 20 francs de tout cela ! qu’est-ce que j’en ferai ?" "
Charles Asselineau, Baudelaire, Recueil d'anecdotes, in Eugène Crépet, Baudelaire, étude biographique, 1906




29/12/2012

The cat's meow : Sixto Rodriguez


Sixto Rodriguez - Cause, 1971
Mis en ligne par madiskrt


Cause I lost my job two weeks before Christmas
And I talked to Jesus at the sewer
And the Pope said it was none of his God-damned business
While the rain drank champagne

My Estonian Archangel came and got me wasted
Cause the sweetest kiss I ever got is the one I've never tasted
Oh but they'll take their bonus pay to Molly McDonald,
Neon ladies, beauty is that which obeys, is bought or borrowed

Cause my heart's become a crooked hotel full of rumours
But it's I who pays the rent for these fingered-face out-of-tuners
and I make 16 solid half hour friendships every evening

Cause your queen of hearts who is half a stone
And likes to laugh alone is always threatening you with leaving

Oh but they play those token games on Willy Thompson
And give a medal to replace the son of Mrs. Annie Johnson

Cause they told me everybody's got to pay their dues
And I explained that I had overpaid them
So overdued I went to the company store
and the clerk there said that they had just been invaded
So I set sail in a teardrop and escaped beneath the doorsill

Cause the smell of her perfume echoes in my head still
Cause I see my people trying to drown the sun
In weekends of whiskey sours
Cause how many times can you wake up in this comic book and plant flowers?



Voir le site de Sixto Rodriguez
Le film de Malik Bendjelloul

28/12/2012

Ciel... Loxton Knight


Edward Loxton Knight - Road to the Borders
Huile sur toile 
Source

27/12/2012

Instantané


Explosion nucléaire filmée par une caméra Rapatronic moins d'une milliseconde après la détonation, 1952




La caméra Rapatronic fut fabriquée en 1940, sa durée d'exposition pouvait descendre jusqu'à 10 nanosecondes.

L'explosion fait partie des quatre tirs terrestres de l'opération Tumbler-Snapper. Quatre tirs effectués du 7 mai au 5 juin 1952 sur le Site de Test du Nevada à partir d'une tour. On la devine au bas de la photo. 

Cette opération est restée (tristement) célèbre du fait de la participation de quelque 7000 soldats dont une partie furent utilisés comme cobayes.

On les avait disposés jusqu'à 3 miles seulement de Ground Zero. Sans équipement protecteur, et obligés de sortir de leurs tranchées aussitôt après l'éclair pour marcher vers le point d'impact. 

Tumbler-snapper était la septième série d'essais états-uniens. La huitième eut lieu quelques mois plus tard, c'était l'opération Ivy.

Je me souviens assez précisément de 1952, c'est mon premier souvenir, disons, géopolitique. Au vu d'une chronologie rétrospective c'était, j'imagine, le jour d'après celui des morts. A la table du repas du soir mon père faisait une drôle de tête en dépliant le journal. En première page il y avait un champignon auquel un dessinateur plutôt expressionniste avait donné une tête hurlante. J'avais quatre ans et le bonjour d'Ivy Mike, la première bombe thermonucléaire, larguée l'avant-veille sur le Pacifique à Eniwetok.
  
Les tests dans le Nevada ne se sont pas arrêtés pour autant - jusqu'en 62 en aérien et en 92 encore, sous terre.

Las Vegas était à 105 kilomètres. Lors des explosions les touristes s'approchaient jusqu'à la limite de la zone interdite. Pour boire, chanter et danser

En attendant l'aube mortelle de l'éclair. Cela s'appelait les Dawn bomb parties. 


26/12/2012

Société du spectacle : Saint-Genois encore


Charles-Albert de Saint-Genois - John Hewelt avec ses marionnettes
Via Underpaintings 

25/12/2012

A une passante : penchée d'hiver


Jacques-Emile Blanche – Portrait de femme, ou portrait de Madame Henri Wallet, 1887 
Pastel sur toile
Musée d'Orsay
Via pterjean


Madame Wallet n'est pas toujours penchée, mais il faut avouer que cela lui donne de l'expression. On peut la croiser jusqu'au 27 janvier, là-bas.

24/12/2012

Garde rouge : le pour et le contre


Carl Olof Petersen - Die rote garde / La garde rouge
Dessin paru dans Simplicissimus, p. 629, n°50 du 12 mars 1918 
Source : Simplicissimus (en remerciant The Linosaurus)

Le numéro de Simplicissimus est publié neuf jours après la signature du traité de Brest-Litovsk. 




Aleksandr Vasilievich Alexandrov & Osip Kolichev - Эшелонная / Le chant du train militaire, 1933
Mis en ligne par Kalinin1917

L'Echelonnaïa (Эшелон, Echelon, c'est un train militaire) est aussi appelée Боевая красногвардейская, Chant de guerre de la garde rouge, ou encore Chanson pour Vorochilov - en l'honneur de la part prise par Kliment Vorochilov dans la bataille de Tsaritsine, à l'automne de 1918, où les convois ferroviaires donnèrent l'avantage aux rouges. Tsaritsine, au fait, c'est Stalingrad. 


Mme Chat : C'est un post de Noël, Ça ?

M. Chat : Ben, tu as vu les petits bonnets (phrygiens ?) des loups de Carl-Olof Petersen ?

Mme Chat : Oui, et alors ?

M. Chat : Ils me font penser aux bonnets de Père Noël des caissières de l'Inno, tu sais, elles sont obligées de les porter pendant les fêtes...

Mme Chat : Non mais, n'importe quoi, Vorochilov à Noël, vraiment n'importe quoi...

M. Chat : Bon, dans ce cas, je terminerais plutôt comme ça... Quart de rouge et bonnes fêtes à tous...



Nino Ferrer - Mao et moi
Mis en ligne par garageland66


Mme Chat : Mmmouais... à la rigueur...

M. Chat : A propos, tu savais que j'avais été maoïste pendant un an de février 1971 à février 1972 ?

Mme Chat : Oh ça va, passe-moi la bûche et le rhum, dans cet ordre.

(M. Chat s'exécute - on entend des glou-glou.)

Mme Chat (rassérénée) : Et bonnes fêtes à tous !

23/12/2012

Ciel... Modest Urgell


Modest Urgell- El toc d'oració / La cloche de prière, ca 1876
Museu Nacional d'Art de Catalunya 
Source : Wikimedia Commons

22/12/2012

Dans la Loire / Manquer le train


Jean-Luc Courcoult - La maison dans la Loire, 2007
Via designetrecherche - licence CC by-nc-sa 2.0




Jacques Bertin - Je parle pour celui qui a manqué le train, 1970 
Mis en ligne par guillaume bergonzi

21/12/2012

20/12/2012

The cat's meow : James Booker


James Booker - Please Send Me Someone To Love, 1977 
Mis en ligne par george corneliussen

19/12/2012

L'art de la lecture : Comme Napoléon


Adam Thirlwell – Kapow !  Visual Editions, 2012
Source : VisualEditions, via poets.org


Comme Napoléon, le grand révolutionnaire contre-révolutionnaire, inventeur de son célèbre Code dans lequel, disait Léon Bloy, "l'inexistence du pauvre est présupposée". Il avait interdit la mendicité "il avait aboli le Pauvre, et ce fut son crime - perpétué".
(trad. les chats)

Le texte cité par Thirlwell est le suivant :

"...Napoléon qui ne voulait pas qu’il y eût des mendiants en France et qui fit un code célèbre où l’inexistence du pauvre est supposée. (...) La mendicité est interdite. Il avait biffé le Pauvre et ce fut son attentat — perpétué."
Léon Bloy - Le sang du pauvre


Kapow!, livre dépliant, digressif et typographiquement expérimental, quatrième ouvrage d'Adam Thirlwell, traite - entre autres choses - des révolutions arabes en cours.



Kapow! by Adam Thirlwell: In 12 Seconds 
Mis en ligne par VisualEditions

18/12/2012

Duos : avec vue sur la mer


Victor Hugo - Marine Terrace, 21 mai 1855
Lavis représentant la maison de Jersey habitée par Victor Hugo d'août 1852 à octobre 1855, avec les monogrammes entrelacés de Juliette Drouet et de l'auteur 
Via ajourneyroundmyskull


A voir avec bien d'autres choses jusqu'au 20 janvier à l'exposition Entrée des médiums, Maison de Victor Hugo, place des Vosges à Paris. 

Quand Hugo habitait Marine Terrace, Juliette Drouet était logée non loin, à Nelson Hall puis Plaisance Terrace.

17/12/2012

L'art de la lecture : Rudolf von Alt


Rudolf von Alt - La bibliothèque du Comte Lanckoronski à Vienne, Riemergasse 8, 1881
Aquarelle, gouache et mine de plomb
Cooper-Hewitt National Design Museum
Source : Wikimedia Commons


A voir, à côté de ces deux autres aquarelles de von Alt, au Musée de la vie romantique qui reprend jusqu'au 13 janvier les vues d'intérieur de l'exposition House Proud au Smithsonian.
 

16/12/2012

Transports en commun : Nissky


Georgy Grigorievich Nissky - Полустанок / La petite gare, 1958
Via real-funny-lady

15/12/2012

Le greffe : Léonor Fini


Léonor Fini - Jeune femme au chat, n/d 
Via amare-habeo

14/12/2012

Et plus tard un ange : Giotto


Giotto – Vie du Christ - Lamentation, 1304-06, détail
Fresques de la chapelle Scrovegni, Padoue
Source: Wikimedia Commons

13/12/2012

Signes et prodiges : Raymond Roussel



Petit gâteau sec en forme d'étoile à cinq branches, placé dans une boîte d’argent spécialement fabriquée selon sa forme, avec un couvercle de cristal, l’habitacle ainsi constitué fermant par un minuscule cadenas. 
À l'anneau de suspension situé à l'extrémité d'une branche est attachée une pièce de peau de vélin sur laquelle est inscrit à la plume et encre noire : « Étoile provenant d'un déjeuner que j'ai fait le Dimanche 29 Juillet 1923 à l'Observatoire de Juvisy chez Camille Flammarion qui présidait. Raymond Roussel. »
Le gâteau est brisé.


Via Le Blog de Shige (et suite de la description chez Sotheby's pour la première vue)

12/12/2012

Le voyage de Tissot : pinacle


Jacques (James) Tissot - Jésus porté sur le pinacle du Temple, ca 1886-1894
Aquarelle opaque sur graphite sur papier vélin gris 
Via Sugar+Meows

11/12/2012

L'art de la fenêtre : William Coldstream


William Coldstream - Window in Hampstead, 1981-882
British Council Collection
Via ThorsteinUlf

10/12/2012

Chambre d'enfant : Henry Darger


Jessica Yu - In the realms of the unreal, 2004  (Trailer) 
Documentaire sur la vie et l'oeuvre d'Henry Darger 
Mis en ligne par DocuChick (via Marigold and Muse)




09/12/2012

08/12/2012

Portrait craché : avec les couleurs de Dossiékine


Casimir Malévitch - Portrait de femme, motif de 1909 modifié en 1928-1929
Huile sur contreplaqué
Musée russe, Saint-Pétersbourg


Au dos : "K. Malevic Malewicz. Motif de l'année 1909 (corrigé en 1919) (1). Peint avec des pigments de Dosekin. [blanc de] Paul Véronèse, céruse, cadmium, rose Pelikan 'Elido' foncé [en allemand]" (2).

Selon Andréï Nakov la radiographie du tableau montre ses évolutions successives à partir d'un véritable portrait symboliste, dans le sens d'une simplification/abstraction grandissante. Comme d'autres productions de la même époque, mais ici de façon particulièrement émouvante, ce portrait "enjambe" donc la période proprement suprématiste et fait le lien entre le Malévitch pré-cubiste et celui des années 29-30, celles de l'image nouvelle.

Dosekin (ou Dossiékine en transcription française traditionnelle) était un des principaux fabricants de couleurs de la Russie pré-révolutionnaire.


(Et, à propos de Malévitch, voir également Le dieu des fourmis et la dernière relève)


(1) Selon Jean-Claude Marcadé (Malévitch, Nouvelles Editions Françaises 1993,  Ill. n°401, légende p. 263) la date de 1919 vient corriger en rouge celle de 1909.

(2) Informations figurant au catalogue d'Andréï Nakov, Kazimir Malewicz, Adam Biro éd. 2002, p. 395. Le tableau porte le n°PS-207 dans le catalogue de Nakov.

05/12/2012

The cat's meow : Dave Brubeck


Dave Brubeck (6 déc. 1920 - 5 déc. 2012) - Zen is when (Jazz impressions of Japan, 1964)
The Dave Brubeck Quartet (Dave Brubeck - p, Paul Desmond - as, Eugene Wright - b, Joe Morello - d) 
Mis en ligne par cruela63



"One of the reasons I believe in jazz, is that the oneness of man can come through the rhythm of your heart. It’s the same anyplace in the world, that heartbeat. It’s the first thing you hear when you’re born — or before you’re born — and it’s the last thing you hear.

Poésie illustrée : sur la route de Withernsea

Harry Clarke - Illustration pour le poème de H. H. Abbott - Black and White
The Year's at the Spring, An anthology of recent poetry,
Turnbull & Spears, Edinburgh, 1920
Source : Art of Narrative via Thorsteinulf



Black and white

I met a man along the road
       To Withernsea;
Was ever anything so dark, so pale
    As he?
His hat, his clothes, his tie, his boots
  Were black as black
      Could be,
And midst of all was a cold white face,
And eyes that looked wearily.

The road was bleak and straight and flat
      To Withernsea,
Gaunt poles with shrilling wires their weird
      Did dree;
On the sky stood out, on the swollen sky
   The black blood veins
     Of tree
After tree, as they beat from the face
Of the wind which they could not flee.

And in the fields along the road
      To Withernsea,

Swart crows sat huddled on the ground
      Disconsolately,
While overhead the seamews wheeled, and skirled
      In glee;
But the black cows stood, and cropped where they stood,
      And never heeded thee,
O dark pale man, with the weary eyes,
      On the road to Withernsea.



H. H. Abbott

04/12/2012

Automne ou hiver ?












Reflets de bambous
Mais la carpe koï les trouble
Automne ou hiver ?

03/12/2012

J'ai fait un rêve


Dmitri Kantor - Мне приснилась / J’ai fait un rêve, 2000
Chanté par Lisa
Mis en ligne par DvoinoiBekar (Via Stengazeta)


Мне приснилась тишина и покой...
Сну не сбыться никогда.
Мои мысли далеко-далеко
По твоим зашли следам.


J’ai fait un rêve de silence et de paix…
Ce rêve ne se réalisera jamais.
Loin, loin, mes pensées,
Dans ton sillage, se sont enfoncées.


(...)

А к тебе мои дороги не ведут,
Тает в сердце образ твой.
Жизнь проходит чередой неясных дум
Мимо взора моего.


Mais, vers toi, mes routes ne mènent pas,
Dans mon cœur ton image se défait.
La vie, au fil de brumeuses pensées,
Passe au loin de moi.


Paroles et musique : Dmitri Kantor 
Traduction : Sarah P. Struve (texte intégral sur son site)

02/12/2012

Le gauchisme, objet d'art


Olivier Assayas - Après Mai, 2012
photographie de plateau © Carole Bethuel


Dans le bric-à-brac années septante qu'Olivier Assayas a rassemblé pour décorer son film - tentures indiennes, ronéos du PSU et lycée-collège modèle Pailleron - un objet bizarre se détache aux yeux du souvenir, un objet nommé VLR. Les lycéens qu'on voit s'agiter sur l'écran sont précisément ceux de l'année 71, l'année de Richard Deshayes. Et le destin que le film leur assigne, sous des dehors esthétisants, est bien un destin politique. Expliquons.

Vive la Révolution - VLC puis VLR pour les intimes - est ce groupe qui avait évolué en très peu d'années (de 69 à 71) d'une position maoïste inventive mais somme toute classique, vers une pratique qu'on pourrait appeler mouvementiste. Soit une immersion réfléchie et volontaire dans tout ce que les léninistes imperturbables considéraient comme centrifuge et faisant-diversion : mouvements anti-autoritaires de jeunes, collectifs homosexuels, féminisme naissant, contre-culture.

Après Mai est un film sur l'inaboutissement et en même temps un roman de formation. S'y mêlent les amours contrariées, les organisations politiques en voie de désagrégation et les vocations artistiques en zigzag. Côté politique le FLJ/Tout! dans un bahut banlieusard, côté art l'inaptitude d'un jeune peintre à se satisfaire de sa production. Et côté cœur, tout ce qui est prévisible à cet âge. Formation et/ou inaboutissement, c'est le sens de la phrase de Pascal qu'Assayas met en exergue de son film, dans la bouche d'un prof soumettant aux héros ce sujet de dissertation : "Entre nous et le ciel, l'enfer ou le néant, il n'y a donc que la vie qui est la chose au monde la plus fragile."

Au long du film, échec politique et impasse artistique se répondent : ainsi, au graffitage du lycée et au gâchis violent qui s'ensuit répondent les dessins sur Canson, insatisfaisants les uns après les autres. Mais comme il y a roman de formation,  il faut une morale. C'est celle du changement de médium : du Canson à l'écran, de la peinture au cinéma, le parcours autobiographique du héros - avec, comme point d'inflexion, un light-show musical dans un amphi de Censier reconstitué aux Beaux-Arts.

J'aime beaucoup cette séquence du light-show. Pas seulement parce qu'elle réveille des souvenirs où ces amphis se transformaient en salles de spectacle - leur fonction la plus utile mises à part les assemblées générales. Mais aussi parce que ces formes mouvantes peintes à la gélatine, projetées derrière l'orchestre, sont une parfaite métaphore de ces années. De leurs mouvements protozoaires, étirant un pseudopode tantôt vers une usine par-ci ou un lycée par-là. De cette zone mobile bordée de barricades temporaires. De ces vies suspendues en rupture de destin social.

Entre septembre 1970 (premier numéro de Tout!) et avril 1971 (autodissolution du groupe) le changement de médium de VLR prit en tout et pour tout deux trimestres. Le groupe sortait tout juste  de la culture de la ronéo et du petit journal gauchiste...




Vive la Révolution, Juillet-Août 1969




...pour faire ce que Roland Castro appelait "un France-Soir rouge" (1) ou, selon l'expression de Pierre Haski, "un mélange de la pop culture américaine, du spontanéisme italien et d'autres choses" (2). Un mélange du Chicago Seed et du meilleur de Lotta Continua.








Et ce fut un succès, le seul journal de masse qu'ait connu le gauchisme français - voyez les scènes de distribution de Tout! dans le film d'Assayas, elles sont tout à fait véridiques.








Luc Moullet a dit un jour que "la morale est affaire de travelling". Mais le choix d'un nouveau médium est tout autant affaire de morale - il y faut d'abord beaucoup de renoncement à tout ce que permettait l'ancien médium, à sa voie tracée, à sa noblesse ancienne. Dans le cas du héros d'Assayas, abandonner la peinture pour se retrouver Xème assistant sur le plateau d'un film débile. Et c'est un renoncement qui vaut condamnation : à ce point, où l'on préfère se saborder plutôt que de répéter les messages déjà transmis par d'autres, cela tient d'un choix entre le juste et l'injuste, l'esthétique pour une fois frôle le bien ou le mal ("entre nous et le ciel, l'enfer ou le néant, il n'y a donc, etc...")


De même en politique. Il n'a pas fallu plus de deux trimestres pour que les gens de VLR constatent que les questions de la vie quotidienne, une fois posées par leur France-Soir rouge, ne trouvaient pas de réponse dans leur propre organisation - elles étaient simplement insolubles dans la dictature du prolétariat. Ce sont des épisodes connus : quand paraît le n°12 de Tout! sur la sexualité...





...le groupe de la Base Ouvrière de Renault-Flins refuse de le diffuser au motif que les travailleurs ne seraient pas prêts... Au même moment, les militantes du groupe femmes de VLR se révoltent ouvertement contre leurs chefs politiques, ce qui conduit l'organisation à s'auto-dissoudre à la mi-Mai 71.

Le vrai changement de médium de VLR, c'est l'auto-dissolution - qui résonna comme un coup de tonnerre dans le petit monde de l'extrême-gauche. Faisant partie à ce moment-là d'un petit groupe qui envisageait de fusionner avec VLR/Tout!, je me souviens de discussions assez dramatiques - certains d'entre nous participèrent à l'auto-dissolution et nous quittèrent, puis notre journal publia un article assez infect, orthodoxe et moralisateur - classique réaction de défense. Je perdis des amis - et du temps. Moins de six ans plus tard nous avions le même débat après maintes tribulations, et fermions boutique à notre tour. Changement de médium : le passage de la ronéo au journal underground de masse, à la BD et à la vidéo c'était vraiment la fin du marxisme-léninisme (3).



(1) Interview de Gilles Dinnematin, in Manus McGrogan, Tout! in context 1968-1973: French radical press at the crossroads of far left, new movements and counterculture, PhD thesis, University of Portsmouth, 2010, p. 88.

(2) Interview in Manus McGrogan, ibid. p. 90.

(3) Il est intéressant d'analyser les organisations politiques en tant que médias. Ainsi, on peut rappeler que le Que Faire de Lénine, ce classique, n'est pas tant une théorie de la conscience de classe qu'une tentative de réponse à ces deux questions : pourquoi faire un journal, et comment ?


Mis à part deux mémoires de maîtrise, il n'existe pas d'étude spécifique consacrée à VLR en français. En revanche, on trouve en ligne l'excellente thèse de PhD de Manus McGrogan, Tout! in context... à laquelle j'ai déjà renvoyé en note. Elle est basée sur des interviews nouvelles des divers intervenants, et contient une bibliographie exhaustive (les chats eux-mêmes y sont cités, c'est dire...)
Sauf indication contraire, les affiches et illustrations de Tout! reproduites ici viennent de cet ouvrage.