Source : Gallica/BNF
"Ce qui me gêne parfois dans votre revue (pas toujours, cela est sûr)
c’est une certaine complaisance qui finit par rejoindre ce que je n’aime
pas dans la littérature d’aujourd’hui. Quand un producteur bourgeois
bâcle un navet cinématographique qui lui rapportera des millions, grâce
aux rondeurs d’un vedette fabriquée en six mois, pourquoi lui donner
raison en écrivant que ces rondeurs font passer le film. J’ai comme tout
le monde mes idées et mes goûts sur les rondeurs. Mais les rondeurs
sont une chose, la culture de classe une autre, et l’entreprise
dégradante du cinéma bourgeois doit être jugée autrement. De même (ce
sont des détails, mais je les choisis pour me faire comprendre et pour
cela seulement) il est vrai que la belote au bistrot du coin vaut bien
le cocktail mondain. Mais précisément le cocktail mondain ne vaut rien.
Pourquoi donc comparer ? La belote a du bon (pour éclairer le sujet,
j’ajoute que c’est le seul jeu de cartes dont je sois mordu) mais elle
n’a pas besoin d’une revue pour être célèbre. Elle se défend toute
seule."
Albert Camus - Lettre à Maurice Lime du 8 août 1953, destinée à l'origine à la rubrique « Après l’boulot » et non publiée suite à un contretemps.
Parue dans La Révolution prolétarienne, n° 447 de février 1960 (extrait)
1 commentaire:
Je cherchais un article à propos de Goldie, et c'est ce texte qui m'a accroché. J'aime vos pages et vos textes. Une passante...
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