Henry Somm - L'Élégante Japonaise, ca 1880 Source : Wikimedia Commons
François Clément Sommier dit Henry Somm (1844-1907), qui participa à la quatrième exposition impressionniste, fut un ami de Lautrec, un membre actif des Incohérents et un habitué du Chat Noir, où il eut l'idée de ce théâtre de marionnettes qu'Henri Rivière transforma en théâtre d'ombres. Il était proche de Bracquemond et cela se sent dans ses aquarelles, comme cette élégante-ci ou encore cette autre-là...
«...un convive assure avoir entendu Denis Kessler, président du groupe Scor, menacer un manifestant : "Si tu m'empêches d'entrer tu reçois un coup de boule, connard !" Finalement tout est rentré dans l'ordre. Seule entorse à la tradition : le sacro-saint apéritif a été supprimé.»
James Tissot - La demoiselle de magasin, 1883-85 Art Gallery of Ontario Source
Le tableau fait partie d'une série de quinze grandes peintures, intitulée La Femme à Paris et exposée à la galerie Sedelmeyer en 1886. Tissot a vécu à Londres pendant onze ans après avoir fui la France en 1871, probablement pour échapper aux persécutions qui frappaient les Communards (1). Il revient précipitamment à Paris après la mort, le 9 novembre 1882, de l'amour de sa vie, Kathleen Newton (2). En cinq jours il fait ses bagages, abandonne sa grande maison de St John's Wood en y laissant son matériel et ses tableaux inachevés, et part pour Paris où, le jour même de son retour, il vient confier sa peine à Edmond de Goncourt.
Dès 1883, il tente de retrouver la position d'artiste à succès qu'il vient d'abandonner à Londres, et installe au Palais de l'Industrie cent deux tableaux de sa période anglaise - l'accueil est glacial. Il se lance alors dans cette grande série de La femme à Paris qu'il exposera trois ans plus tard.
Treize ans plus tôt en arrivant en Angleterre, Tissot, qui connaissait bien Whistler et avait déjà travaillé pour Vanity Fair, savait déjà probablement quel genre de produit offrir sur le marché de la peinture de genre. Il dut s'adapter au goût anglais, et notamment éclaircir sa palette. Mais il savait aussi comment se distinguer de la concurrence. Par rapport aux Conversation pieces et aux traditionnelles scène moralisantes et familiales il amenait du nouveau : pas seulement sa technique fouillée, sa maîtrise des tissus - mais aussi un sens de la composition qui vient, lui, d'assez loin dans la peinture de genre française - penser à Chardin, à Greuze, à Debucourt qu'aimait bien Baudelaire, ou au mésestimé Boilly. Et à Degas bien sûr, penser à La famille Bellelli... (3)
Chez Tissot les lignes de force du tableau se lisent aussi dans les regards qui se cherchent, se jaugent ou se détournent, entre individus, comme dans La Fille du capitaine ou entre groupes, dans Too early. De chaque scène émane une tension interne, mais retenue comme la technique, qui s'interdit tout éclat stylistique. Les classes se frôlent comme dans Reading the news - et les spectateurs victoriens y étaient plus sensibles que nous, plus que Tissot lui-même - les prétentions et les allures se confrontent dans une paix sociale armée qui s'installe à travers les espaces libres ménagés au centre de ses tableaux, dans Ball on shipboard, par exemple.
Une fois revenu en France, Tissot tente de s'adapter, cette fois-ci à ce qu'il pense être le marché parisien : la mode est aux scènes de spectacle ou de cirque, il exposera Les femmes de sport, Ces dames des chars et L'acrobate. La palette s'obscurcit, la touche se fait plus visible. Et Tissot joue une sorte de va-tout en radicalisant ses formules. Parmi celles-ci, le regard d'un personnage, généralement féminin, qui se retourne vers le spectateur - une continuité problématique entre deux espaces. Cet artifice, déjà présent au début de la période londonienne, se multiplie dans les tableaux de la vie quasi-recluse avec Kathleen Newton, et devient systématique dans La femme à Paris en culminant, pour la Demoiselle de magasin, dans la mise en scène de la vision subjective.
Revenons à ce tableau plus effrayant qu'il n'en a l'air, comme le commerce qui en est le sujet. Le client va sortir, il a probablement déjà réglé. La vendeuse lui ouvre obligeamment la porte, par où l'on voit le cocher qui l'attend en faction, et les deux chevaux de sa voiture proprement sectionnés, une formule que le peintre affectionne, qu'il a probablement prise à Degas. Un temps d'arrêt et le regard se porte sur le paquet déjà enveloppé, de là sur la main qui le tient, sur le visage de la vendeuse. Si vous doutez du fait que le Client évalue le prix de la vendeuse comme il a fait de celui du paquet, reportez-vous aux deux autres personnages masculins, de l'autre côté de la vitrine, en train de jauger la seconde demoiselle de magasin, celle qui lève les bras dans une pose suggestive que nous imaginons sans la voir - et si vous doutez encore votre regard se porte sur le mannequin exposé, tout aussi suggestif, probablement, que la demoiselle. De là, l'oeil descend vers le tas de ruban qui éclaire la gauche du tableau - notez la langue avide que tire la petite chimère soutenant la console, à hauteur de cuisse (et de main enserrant doucement la poignée) de la demoiselle - suit le tissu qui se dévide et le découvre par terre enroulé en forme de coeur - à ramasser, ou plutôt à vendre, le même ruban qui doit se trouver dans le paquet... D'ailleurs ici tout est à vendre,paquet, demoiselle et tableau, on n'attend qu'un client solvable. Mais l'exposition de La femme à Paris sera, également, un échec.
En 1885, pour préparer Musique sacrée, le dernier tableau de sa série, Tissot visite Saint-Sulpice pendant la messe. Durant l'élévation, il ferme les yeux, le Christ lui apparaît et jusqu'à la fin de sa vie le présumé Communard va se blottir dans l'ombre de l'Eglise. A la même époque il pratique le spiritisme, cet autre hobby du XIXème siècle finissant. Le médium William Eglinton lui fait rencontrer la forme spectrale de Kathleen Newton, qui lui donne des baisers. Il fait de son apparition un tableau qu'il garde comme un talisman, qu'il détruira avant de mourir, il en reste des reproductions gravées par lui. Il passe peu à peu de l'autre côté du miroir, croisant le Christ couronné d'épines dans les allées du Bois de Boulogne, installant chez lui au dernier étage (4) un petit cabinet d'occultiste pour ses entretiens avec ce qui est probablement l'ultime manifestation psychique de Kathleen Newton. Et il se met à son dernier grand oeuvre, La Bible de Tissot.
James Tissot - Ce que notre sauveur vit du haut de la croix, ca 1886-94 Source
Pas moins de 365 illustrations pour le Nouveau Testament, puis 400 prévues pour l'Ancien dont Tissot ne réalisera qu'une partie avant de mourir. Trois voyages en Palestine pour se documenter, une première exposition en 1894 au Salon du Champ-de-Mars. Cette fois-ci le succès est immédiat, phénoménal (5). Des visiteuses en transe s'agenouillent devant les aquarelles, Tissot est fait chevalier de la Légion d'honneur, la vente des éditions française, anglaise et américaine lui rapportera plus d'argent que toute sa carrière londonienne. Etrange production d'ailleurs, croisement de l'art Sulpicien et de l'orientalisme, où de vraies réussites comme Les Rois Mages en voyage et de belles étrangetés voisinent avec pas mal de trucs sérieusement givrés. Plus tard, D. W. Griffith utilisa ces illustrations pour préparer Intolerance, ce qui fait de Tissot un précurseur du peplum cinématographique.
A la fin du Nouveau Testament, Tissot détaille heure par heure l'agonie du Christ, y plaçant une des plus bizarres crucifixions que l'on connaisse, en vue subjective "da su" : Ce que notre sauveur vit du haut de la croix. Et ce qu'il voit, ce sont ses pieds, une mater déjà dolorosa, le petit groupe formé par Jean et les saintes femmes et au-delà une humanité qu'on n'éprouve pas une folle envie de sauver - on sent dans le regard de Dieu (le fils) un temps d'hésitation, comme d'ailleurs dans celui du Client de la Demoiselle : mettez-vous à ma place...
Les sujets de ces deux tableaux sont très proches : l'Achat (de ruban, éventuellement de Demoiselle) et le Rachat (la mort de Dieu en échange des péchés du pauvre monde). Deux transactions peintes au moment où la vente est parfaite, au sens du Code Civil (6), mais où les parties n'ont pas encore pris congé. C'est un moment un peu vide, où l'on suppute les conséquences sans savoir qui a vraiment gagné à l'affaire, où on s'imagine pouvoir faire machine arrière quand les jeux sont déjà faits. Tissot, dans ses bons moments, peint ces temps de suspens sociaux, ces anges qui passent avec des coups d'oeil en biais. Ce sens du léger dérèglement, c'est ce qui lui donne sa profondeur, et qui le distingue des Helleu, Blanche, Gervex, Stevens, De Nittis, Zandomeneghi... et même de Whistler quand il travaille à la chaîne.
Encore faut-il y ajouter, ici, la vue subjective. Tissot la frôle souvent, ainsi dans La Mondaine qui anticipe la construction de la Demoiselle de magasin. Mais dans les deux tableaux dont je m'occupe la différence est que cette vue subjective est en tant que transaction le sujet même du tableau. De cela il existe chez Tissot un précédent intéresssant...
James Tissot - Le Premier Tué que j'ai vu (souvenir du siège de Paris), 1876
...c'est le titre de ce dessin qui en souligne le dispositif - non pas mon Premier Tué, mais le premier que j'ai vu.
On en connaît l'histoire par les souvenirs de Forain : au siège de Paris en 1870, lors des combats de la Malmaison, Tissot qui était en première ligne remarque, parmi les dix-sept tués, le corps du sculpteur Cuvelier, un ami de Degas. Il en fait un dessin, qu'il lui rapporte : «Degas étend le bras, la main, écarte son papier, refuse de le voir "vous auriez mieux fait de le ramasser..."» (7). Ce serait en fait un autre dessin que Tissot a repris pour graver, dans ses Souvenirs du siège, Le Premier Tué... Pourtant l'anecdote est éclairante, on peut broder dessus : Tissot risque sa vie, voit le corps d'un artiste mort qui pourrait être lui, se voit mort en fait et ne sort de cette sidération qu'en faisant de son propre regard (que j'ai vu) le sujet de son dessin. Il est sauvé, puisqu'il se dessine regardant sa fin possible - et en rapportant ce dessin à Degas c'est lui-même qu'il ramène du royaume des morts.
Remarquez que la Demoiselle de magasin fonctionne sur le même mode. Au moment où il la peint parions que Tissot sait qu'il n'arrive plus à se vendre, tant sur le marché de l'art - l'échec de son exposition de 1883, qui se répètera pour celle de 1886 - que sur celui de l'amour - lisez les pages où Edmond de Goncourt relate au même moment les naufrages sentimentaux du peintre, avec la jeune équilibriste dont il fera son modèle dans L'acrobate, ou avec Mlle Riesener (8).
Tissot est-il dans le regard du client ou dans celui de la vendeuse ? Va-t-il rester avec son tableau sur les bras ? Le client, comme le peintre, est-il arrivé à l'âge où l'amour des jeunes femmes s'achète d'une façon ou d'une autre ? Allez savoir, mettez-vous à ma place... Tissot s'est-il vu en miché dédaigné, en marchandise au rebut, en ne s'en sortant que par ce tour de passe-passe, cet échange de regards entre l'offre et la demande, temps figé, instantané de froide libido commerciale ? Voyez (9) comme il est loin le paillasson de la sortie, quand il n'est plus question de sentiment, on fait affaire ou pas, c'est tout. En vérité, ce paillasson est un vrai Golgotha et cette sortie de boutique, un chemin de Damas.
Si la Demoiselle de magasin signe la grande année de crise, 1885, débouchant sur la conversion à Saint-Sulpice, Ce que vit notre Sauveur... n'est pas plus une illustration de la foi retrouvée. C'est le moment, juste avant le Rachat, où Dieu n'existe après tout que dans le regard des incroyants - vas-y, fais-nous ton numéro... S'installer dans l'oeil de Dieu, à cet instant, est moins un acte de foi qu'un sacré doute avant le grand saut. La subite conversion de Tissot, pour théâtrale qu'elle soit, est tout aussi opaque (10) que sa participation à la Commune. Cet homme avait tout de même peint par deux fois la série du Fils prodigue bien avant de trouver Dieu, ce qui dénote une certaine prescience. Cet homme qui, tout en dessinant l'Evangile continuait les pastels de demi-mondaines, qui présentait sa Marie-Madeleine pécheresse à Goncourt en plaisantant "elle est un peu vannée" était un artiste à double ou triple fond, ce qui fait d'ailleurs son intérêt : ces regards de complicité, en coulisse ou parfois comme ici en direct, entre la vie et la mort, l'offre et la demande, l'Enfer et le Paradis. Qu'il s'agisse d'élégances Victoriennes, de Femme de Paris ou de Bible au kilomètre, ce que ce peintre vend en réalité, c'est du malaise, et les clients en redemandent. Diable d'homme.
(1) On ignore son degré réel d'engagement dans la Commune, le fait est que, trois ans plus tard seulement, il fait un Portrait du Prince Impérial et sa mère en exil en Angleterre. Certains, comme Jacque-Emile Blanche dans ses souvenirs, l'ont accusé d'avoir pactisé avec les insurgés pour préserver sa maison et son patrimoine. Invérifiable, d'autant que pour beaucoup de gens il était inimaginable qu'un fils de famille riche, lui-même artiste à succès comme Tissot passe par conviction du côté de la révolte.
(2) Bref amour, et longue vie. On ne sait pas exactement quand Tissot et Kathleen Newton se rencontrèrent, probablement autour de 1875-76 et certainement pas avant qu'elle revienne des Indes pour s'établir à St John's Wood, soit en 1871. Elle meurt de la tuberculose à l'âge de vingt-huit ans et Tissot, de dix-huit-ans son aîné, lui survivra jusqu'en 1902. Kathleen Newton, dont la vie mal connue ressemble à un mythe Victorien, naît en 1854 dans une famille irlandaise, d'un père officier de l'armée des Indes. Elevée dans un couvent, à la mort de sa mère elle est envoyée aux Indes - c'était le sort commun des jeunes filles à marier - pour y épouser une connaissance de son frère, Isaac Newton, médecin de l'Indian Civil Service. Sur le bateau elle tombe amoureuse d'un capitaine nommé Palliser. A l'arrivée, elle épouse son médecin mais s'enfuit immédiatement avec le capitaine, dont elle est bientôt enceinte et qui l'abandonne. Le docteur Newton décide de divorcer et la renvoie en Angleterre - pour sa classe et son époque elle est devenue une intouchable. Elle met au monde sa fille Muriel et se réfugie chez sa soeur, Mrs Hervey, à St John's Wood où vit aussi Tissot. C'est probablement là qu'il la rencontre et tombe fou amoureux. Elle aura un autre enfant, un garçon nommé Cecil George dont rien ne prouve formellement qu'il soit le fils du peintre. Les enfants restant dormir chez Mrs Hervey, les deux amants vivront en reclus dans la grande maison de Tissot. De la jeune Irlandaise qui avait l'âme romantique et les poumons en charpie, il fit alors des portraits qui comptent parmi les plus poignantes déclarations d'amour qu'un peintre ait jamais faites.
(3) Ian Dunlop, dans Degas (Ides et Calendes, Neuchâtel, 1979 pp. 42-43) fait une comparaison entre la Famille Bellelli et Past and present n°1 d'Augustus Egg qui montre bien l'écart entre le style anglais de l'époque et ce qu'apportait de neuf Degas, entre autres. On sait Tissot proche de Degas, qui lui proposera de participer à la première exposition des impressionnistes. Henri Loyrette (Degas, catalogue RMN de l'exposition de 1988, pp. 144.145) expose l'apport de Tissot dans l'élaboration et les retouches d'Intérieur (Le Viol). Tissot, "ce peintre plagiaire" comme disait Goncourt, donnait aussi des conseils...
(4) Edmond de Goncourt relate ainsi une visite chez Tissot où, après avoir vu ses dessins de l'Ancien Testament, "nous montons un moment, avec Mme Daudet, voir l'arrangement de l'intérieur du haut qu'il a bâti, quand il a cru se marier avec Mlle Riesener. C'est très joliment arrangé dans le goût anglais, dans des compartiments de bois au mur, en fenêtres garnies de lierre. Et dans le crépuscule, se refusant à chercher des allumettes, avec une voix qui se fait tout à fait mystérieuse et des yeux vagues, il nous montre une boule en cristal de roche et un plateau d'émail, qui servent à des évocations, où l'on entend, assure-t-il, des voix qui se disputent. Il tire d'une commode des cahiers, où il nous montre des pages entières, contenant l'historique de ces évocations, et nous montre enfin un tableau représentant une femme aux mains lumineuses, qu'il dit être venue l'embrasser et dont il a senti sur sa joue ses lèvres, des lèvres pareilles à des lèvres de feu. Mme Daudet écoute cela avec curiosité, pendant que moi, qui ai horreur et peur de ces conversations charentonnaises, je la tire par sa manche pour la faire redescendre, comme un enfant qui en a assez du monsieur chez lequel sa mère l'a mené en visite." (Journal, entrée du 3 février 1890).
(5) Goncourt (Journal, entrée du Dimanche 6 mai 1894) rapporte une discussion sur ces dessins, Zola déclarant qu'il avait été "complètement empoigné" et Daudet qu'ils l'auraient "converti, s'il n'avait pas la tête en pomme". Ce qui fascinait les contemporains dans ces images était un mélange typiquement fin-de-siècle de mysticisme et de réalisme pseudo-scientifique.
(6) Art. 1583 : "la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix..."
(7) Souvenirs de Jean-Louis Forain, cités par Bertrand Tillier, La Commune de Paris, révolution sans images ? p. 118.
(8) Entrée du 24 janvier 1885 pour l'équilibriste. Et même année le 24 octobre : "la fille de Riesener, une fille déjà d'un certain âge, son mariage convenu, arrêté avec le peintre Tissot et Tissot ayant déjà fait enlever son toit de sa maison de l'avenue de l'Impératrice pour agrandir le logis du futur ménage, un jour, sur la vision de la silhouette vieillotte du dos de Tissot décrochant son paletot dans une antichambre, elle lui faisait dire par sa mère que son envie de se marier était passée..."
(9) Au risque de la surinterprétation bien sûr mais ces tableaux ne sont-ils pas faits pour ça ? Tissot réimporte aussi dans cette série ce que les anglais appellent le problem picture - le tableau de signification délibérément ambigüe - au moment même où la peinture française ne veut pas en entendre parler. Dans le même ordre d'idées, le client de la Demoiselle pourrait être une Cliente, que cela ne changerait rien au fait qu'elle porterait, elle aussi, le regard du peintre.
(10) Degas n'avait probablement pas tort, qui sur la fin le traitait de marchand du Temple et s'affirmait prêt à le peindre comme tel.
dansé le 8 mars (1626 ?) au Louvre, à l'Arsenal et à l'Hôtel de Ville
Daniel Rabel (1578-1637) travailla au service de Gaston d'Orléans, de Louis XIII et de Mazarin. Il fut dessinateur de théâtre et de ballets, dans la veine grotesque, et l'un des premiers maîtres français de la peinture de fleurs - ainsi ces tulipes...
...ne méritent-elles pas le sonnet de Malherbe ?
A Rabel, peintre, sur un livre de fleurs. Sonnet.
Quelques louanges nonpareilles Qu'ait Apelle encore aujourd'hui, Cet ouvrage plein de merveilles Met Rabel au-dessus de lui.
L'art y surmonte la nature, Et si mon jugement n'est vain, Flore lui conduisoit la main Quand il faisoit cette peinture.
Certes il a privé mes yeux De l'objet qu'ils aiment le mieux, N'y mettant point de marguerite;
Mais pouvoit-il être ignorant Qu'une fleur de tant de mérite Auroit terni le demeurant ?
(Quant à savoir qui était cette Marguerite, les paris sont ouverts sachant que le sonnet a été écrit en 1624 par un Malherbe de soixante-neuf ans).
On peut voir iciles albums d'entrées de ballet dessinées par Rabel, et deux d'entre elles, plus précisément, là chez Miss Langostino. Pour imaginer ce qu'était un opéra-ballet sous Louis XIII, ne pas manquer le livret du Grand Bal de la Douairière de Billebahault, avec les dessins de Rabel, sur opéra baroque.
Mimi Perrin (deuxième à partir de la droite parmi) Les Double Six - Tickle Toe (ou) Le racket et les balles Musique de Lester Young, enregistrement basé sur l'interprétation par Count Basie et son orchestre
Dans l'ordre sur la photo : Jean-Claude Briodin, Eddy Louiss, Ward Swingle, Claude Germain, Mimi Perrin, Claudine Barge (voc), accompagnement George Arvanitas (p), Michel Gaudry (b), Daniel Humair (d), Paul Piguilhem (g) Paris, fin 1961
Paroles : Mimi Perrin
Mis en ligne et paroles retranscrites par ingridvayne
Dans la nuit du 15 au 16 novembre, Mimi Perrin a définitivement quitté Paris et les jazz(wo)men d'ici-bas.
Faufile-toi voyou, pas d'affolement, viens dans la foule et tout ira, va. (Perds pas d'temps).
Cours à toute allure, mon ami, sur la point' des pieds tu t'en iras, là. (Par là, par là).
Solo de saxo ténor de Frank Foster, par Eddy Louiss
Ben, tout d'même moi je n'voudrais pas qu'pas bonté pour un bonhomme patibulaire on tape dans l'tas. Permettez-moi d'vous parler de mon aventure avec la bande à Rio.
Faufile-toi voyou, parle donc pas tant, viens dans la foule et tout ira, va. (Perds pas d'temps).
Cours a toute allure, mon ami, sur la point des pieds tu t'en iras, là. (Par là, par là).
Solo de trompette de Joe newman par Claudine Barge Tu n'peux pas pourtant, crois-moi bien, palabrer pour très longtemps car dis-toi qu'ton compte est bon mon ami si la bande a Rio vient.
Solo de saxo ténor de Frank Foster, par Eddy Louiss
Ben vous voyez j'vous l'avais dit de n'pas tant vous mouiller pour moi. Tout a débuté dans un p'tit bar au fond du port par une belle apres-midi oui, pour avoir longtemps trop bavardé, pauvre malin pourtant vraiment on m'avait rien demandé! Tenez bon, car il y avait, parole d'homme, une poupée pas mal du tout, l'air abandonné pres de moi, qui me regardait, riant tout l'temps a belles dents, pour de bon elle m'a demandé: ''Viens donc, mon p'tit Louis, parlons d'aller nous balader, partout t'trouveras les gars d'Rio t'attendant là, prêts tu les verras a te tirer une balle dans l'dos. Pour le moment, c'est embêtant car les voilà qui viennent d'entrer. Va donc fuis pas devant, tu y as droit car ils t'ont pris pres de moi, me parlant.'' Dites voilà comment, les gars, pour l'amour d'une pépée j'dois m'tirer tambour battant.
N'parle donc, n'parle donc, n'parle donc, n'parle donc pas tant. (Parle pas tant). [4x]
Solo de trompette de Joe newman par Claudine Barge
Pourrais bien t'retrouver au Paradis, dis p'tit brigand, pardi il y a pourtant un bon moment qu'l'on t'avait dit de te tailler pendant qu'il était temps.
N'donne pas tant d'détails, n'donne pas tant d'détails, n'donne pas tant d'détails, donne pas tant d'détails. (Mon bonhomme allons tu vois t'es bon, t'y a droit...) Pars donc! (Pars où tu veux). Tiens, pars donc! (Pars où tu peux). Tiens, par là, par là, par là, par là. Tiens p'tite tête on t'l'avait dit, oui!
Faufile toi voyou, on t'l'avait dit, viens dans la foule et tout ira, là. (T'es perdu).
Tu n'as pas filé à temps, ballot, maint'nant te voilà répandu, là. (Toi là, toi là).
Près d'abandonner tout, prions pour que Rio comme toi, pour une bath pépée, oui, prenne deux trois balles dans la peau. (T'as pas d'pot!).
Pour une bath pépée, oui, prenne deux trois balles dans la peau. (T'as pas d'pot!).
Kyra Markham (1891-1967), née Elaine Hyman, étudie l'art à Chicago puis, en compagnie de Theodore Dreiser, part pour New York où elle fréquente l'Arts Students League. Elle est un temps actrice, et y trouvera l'inspiration pour des scènes de coulisses et de burlesque. De 1935 à 1937 elle participe au fameux Graphic Arts Division Workshop de New York dans le cadre du Federal Arts Project avec d'autres artistes femmes comme Mabel Dwight, qui jouent un rôle non négligeable dans ce bref "âge d'or de la lithographie". Les débats de l'année 40, puis l'entrée en guerre des Etats-Unis sonnent le glas de ces petits cercles du radical art de l'estampe (1). Markham cesse de produire en 46 et s'installe dans une ferme du Vermont, puis à Haïti. Voir aussi précédemment.
Francesco Zefferino, né à Bari en 1969, vit et travaille à Acquaviva delle Fonti. Sa peinture traite principalement de l'anxiété, il mélange des psychotropes aux pigments et solvants qu'il utilise pour peindre et donne souvent pour titre à ses tableaux le nom d'un principe actif. Delorazepam est un autre nom du Chlordesmétyldiazépam, un anxiolytique de la classe des Benzodiazépines.
(1) Helen Langa - Radical art, printmaking and the left in 1930s New York, University of California Press, 2004.
D'abord de Robert Kramer (1939-1999) pour signaler la publication dvd par Capricci de ses deux plus grands films, Ice - une réflexion sur la pulsion de mort dans l'action politique - et surtout Milestones, grand chant de trois heures vingt et manuel de (sur)vie du mouvement communautaire américain après le grand échec de la fin des années 60 - soudainement, tout le monde s'est mis à faire des enfants...
...de Grace Paley (1922-2007) se souvenant de son voyage au Nord-Vietnam en 1969. Avec trois autres activistes antiguerre, elle avait été choisie pour en ramener trois prisonniers étatsuniens...
Biéler est un peintre Suisse de la même génération que Vallotton et de dix ans plus jeune que Ferdinand Hodler. Après une période plutôt symboliste et art nouveau qu'il passe en aller-retours (tant géographiques que stylistiques) entre son atelier de Paris et celui de Savièse, il se réinstalle définitivement dans le Valais où sa manière se fixe dans un réalisme régionaliste et archaïsant, ainsi des Têtes Valaisannes. C'est aussi un grand décorateur de bâtiments publics, voyez nos amis écolos helvètes devant sa fresque du Grand Conseil de Sion. Et, oui, il y a eu des artistes en Suisse avant Jean-Luc Godard.
La chanson des feuilles mortes, et le kimono de Setsuko Hara Yasujiro Ozu - (la fin de) Fin d'automne/Akibiyori, 1960
Ayako se marie et Akiko (Setsuko Hara), sa mère, reste seule malgré les intrigues d'Hirayama et ses deux amis entremetteurs, Mamiya et Taguchi. Le restaurant, dans la scène du début, donne sur le lac Haruna, que Kawase Hasui a dessiné le 26 août 1935, et dont il a produit deux versions...
cette dernière étant plus automnale :
Kawase Hasui - Le lac Haruna, 1935
Le Haruna est un lac de caldeira qui occupe le cratère inférieur d'un double volcan. Le cratère supérieur, si caractéristique, a été surnommé le Haruna-Fuji.