John Taylor Arms - Loop the Loop, 1920 Aquatinte Source
"Car ils n’ont pas besoin d’argent; ce n’est pas après l’argent qu’ils courent, pas plus qu’après la gloire, parce que la gloire, ça ne peut durer que jusqu’à la course suivante, c’est-à-dire peut-être pas même jusqu’au lendemain. Et ils n’ont pas besoin d’argent sauf de temps en temps quand ils entrent en contact avec l’espèce humaine, comme dans un hôtel pour dormir ou manger de temps en temps ou encore pour acheter un pantalon ou une jupe afin de tenir la police à distance. Parce que l'argent, ce n'est pas ce qui est dur à gagner : ce n'est pas l'argent qui est là-haut à quatorze pieds et demi du sol dans un virage à la verticale autour d'un pilier d'acier à la vitesse de deux ou trois cents milles à l'heure dans un sacré moucheron d'une précision de montre suisse, dont la vitesse maxima n'est pas déterminée par un chiffre sur un petit cadran mais par le moment où vous grillez le moteur ou celui où le moteur se détache des ailes et du train d'atterrissage. Un virage autour du dernier pylône sur le bout de l'aile dont la toile tremble comme une jeune épousée, à bord d'une de ces cages à poules de quatre mille dollars bonne tout au plus pour cinquante heures de vol si l'une d'elles a jamais duré aussi longtemps, et cinq avions en course et le premier prix d'au moins deux cent-trente huit dollars et cinquante-deux cents, moins les pénalités, les droits d'engagement, les commissions et les pourboires. Et tous les autres, femmes, enfants, mécanos, planté sur l'aire à regarder, comme si on les avait dérobés à la vitrine d'un magasin est habillés de combinaisons kaki maculées de graisse, sans même penser à la note d'hôtel laissée en ville ni à l'endroit où on ira manger si on ne gagne pas ni comment on va aller au prochain meeting si le moteur fond et s'écoule par le tuyau d'échappement. Et Shumann n'est même pas propriétaire de son avion."
William Faulkner - Soirée dans New Valois, in Pylône, 1935 Traduction française de R.-N. Raimbault et G.L. Rousselet revue par François Pitavy.
Vingt-trois ans plus tôt, Cynthia Brown figurait déjà dans un portrait de groupe, My friends in the studio (1948, Butler Institute of American Art) qu'on peut voir ici dans une médiocre reproduction en couleurs et là, un peu mieux, en noir et blanc; Cynthia Brown y est le premier personnage à partir de la gauche.
"Les espagnols sont heureux d'avoir leur propre état. Ils nous aideront sûrement à avoir aussi notre propre état pour avoir autant de bonheur qu'eux." Inscription murale en catalan, au coin de Carrer Riera de Sant Vicenç et de Carrer de l'Horta Vella, Cadaquès, 24/10/2015.
Mme Chat - Il est où, le concert ? M. Chat - Patience et tendons l'oreille...
Ce soir là, c'était Ethioda Mme Chat - Mais Akalé Wubé, c'est très bien aussi M. Chat - Oui, très très bien... Mme Chat - très très très... M. Chat - Il n' y a plus rien à boire ? Mme Chat - Où ça ? M. Chat - C'est bien ce que je disais...
Joseph Hirsch - Painted Man, 1963 Lithographie Source
Chez Hirsch, comme chez Luks d'ailleurs, les clowns ne sont ni gais ni tristes. Ils nous observent avec un certain recul, avec perplexité aussi et, peut-être, une pointe de commisération.
Il faut un certain temps avant que l'on remarque la couleur des vêtements que porte l'Homme nu, le livret qu'il tient à la main et, autour de son cou, l'étiquette faite de ce carton brun tellement américain - uniforme, livret militaire et premier matricule. L'Homme nu, pas encore soldat mais déjà plus civil, attend devant la chaise vide d'un quelconque bureaucrate fourrier qu'on veuille bien noter son nom. Au sol, des flèches rouges balisent le parcours qui mène, le cas échéant, au théâtre des opérations.
Quand Hirsch commence ce tableau, la guerre de Corée n'est finie que depuis six ans, mais depuis quatre années déjà les Etat-Unis envoient leurs conseillers militaires au Viêt-Nam. Quand il le termine les militaires états-uniens y sont au nombre de 15.000. Deux ans plus tard, l'incident du Golfe du Tonkin donnera le signal de l'intervention massive, y compris au sol et draftees inclus (1). L'Homme nu est le soldat potentiel d'une guerre pas si froide que ça.
Revenu, lui, depuis longtemps du théâtre des opérations, voici le plus banal des héros. C'est le dernier lundi de Mai, Memorial Day, en 1939 ou 1940. Un ancien de la guerre de 1917-1918 a revêtu son vieil uniforme pour vendre des coquelicots au bord du cortège, au profit des vétérans handicapés. Les coquelicots, on le sait depuis les massacres napoléoniens, sont les fleurs qui poussent le mieux sur les champs dévastés par les batailles. La borne d'incendie vient à la fois souligner l'immobilité et suggérer l'avertissement : en 1939-40, le feu est à venir.
(1) Les draftees sont les conscrits non-volontaires, à distinguer des volunteers. Parmi ces derniers on peut aussi isoler les pure volunteers des draft-induced volunteers qui se portaient volontaires, par exemple, pour éviter d'être envoyés d'office dans l'infanterie. On estime que les draftees ont représenté 25% des troupes servant au Viêt-Nam, et 30% des morts au combat.
(2) On peut en avoir un aperçu dans les planches 116 à 124 du recueil Men Without Guns, 1945. Dans ce billet est cachée une photographie prise par Larry Burrows (1926-1971). On peut entendre et voir Larry Burrows ici. Et voir ses photos là.
Joseph Hirsch - Monument, 1963 Lithographie Source
Monument statufie un homme à terre, un homme qui est tombé mais qui va peut-être se relever - tout étant dans ce peut-être figé dans la pierre. Hirsch, né en 1910 à Philadelphie, étudia auprès de George Luks, un des Huit ou, plus précisément un des cinq d'entre les huit qui formèrent l'Ashcan School. A la suite de Luks, et comme tous ceux qui ont subi l'influence des cinq, Hirsch est classé dans ce qu'on appelle le social realism états-unien des années 30 et 40. Il travaille pour la WPA pendant la grande crise, puis comme War artist pendant la seconde guerre.
Hirsch ne dessine pas de combattants héroïques, mais les presque-vaincus, les survivants, ceux qui serrent dans leur poing un morceau de dignité. De Luks il a appris cet équilibre si particulier entre le réalisme des personnages et la stylisation des attitudes, cette sensibilité faite de recul, cette absence de pathos et de déclamation jusque dans les scènes les plus brutales.