01/02/2013

L'art de la rixe : A une passante (et le point de vue d'Albert Camus sur les rondeurs, la culture de classe et la belote)


La Révolution Prolétarienne, n°1,  Janvier 1925
Source : Gallica/BNF


"Ce qui me gêne parfois dans votre revue (pas toujours, cela est sûr) c’est une certaine complaisance qui finit par rejoindre ce que je n’aime pas dans la littérature d’aujourd’hui. Quand un producteur bourgeois bâcle un navet cinématographique qui lui rapportera des millions, grâce aux rondeurs d’un vedette fabriquée en six mois, pourquoi lui donner raison en écrivant que ces rondeurs font passer le film. J’ai comme tout le monde mes idées et mes goûts sur les rondeurs. Mais les rondeurs sont une chose, la culture de classe une autre, et l’entreprise dégradante du cinéma bourgeois doit être jugée autrement. De même (ce sont des détails, mais je les choisis pour me faire comprendre et pour cela seulement) il est vrai que la belote au bistrot du coin vaut bien le cocktail mondain. Mais précisément le cocktail mondain ne vaut rien. Pourquoi donc comparer ? La belote a du bon (pour éclairer le sujet, j’ajoute que c’est le seul jeu de cartes dont je sois mordu) mais elle n’a pas besoin d’une revue pour être célèbre. Elle se défend toute seule."


Albert Camus - Lettre à Maurice Lime du 8 août 1953, destinée à l'origine à la rubrique « Après l’boulot » et non publiée suite à un contretemps.
Parue dans La Révolution prolétarienne, n° 447 de février 1960 (extrait)

1 commentaire:

  1. Je cherchais un article à propos de Goldie, et c'est ce texte qui m'a accroché. J'aime vos pages et vos textes. Une passante...

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