‘Twas brillig, and the slithy toves Did gyre and gimble in the wabe; All mimsy were the borogoves, And the mome raths outgrabe. “Beware the Jabberwock, my son! The jaws that bite, the claws that catch! Beware the Jubjub bird, and shun The frumious Bandersnatch!” He took his vorpal sword in hand; Long time the manxome foe he sought — So rested he by the Tumtum tree, And stood awhile in thought. And, as in uffish thought he stood, The Jabberwock, with eyes of flame, Came whiffling through the tulgey wood, And burbled as it came! One, two! One, two! And through and through The vorpal blade went snicker-snack! He left it dead, and with its head He went galumphing back. “And hast thou slain the Jabberwock? Come to my arms, my beamish boy! O frabjous day! Callooh! Callay!” He chortled in his joy. ‘Twas brillig, and the slithy toves Did gyre and gimble in the wabe; All mimsy were the borogoves, And the mome raths outgrabe.
Il était grilheure; les slictueux toves
Gyraient sur l'alloinde et vriblaient:
Tout flivoreux allaient les borogoves;
Les verchons fourgus bourniflaient.
«Prends garde au Jabberwock, mon fils!
A sa gueule qui mord, à ses griffes qui happent!
Gare l'oiseau Jubjube, et laisse
En paix le frumieux Bandersnatch!»
Le jeune homme, ayant pris sa vorpaline épée,
Cherchait longtemps l'ennemi manziquais...
Puis, arrivé près de l'Arbre Tépé,
Pour réfléchir un instant s'arrêtait.
Or, comme il ruminait de suffêches pensées,
Le Jabberwock, l'oeil flamboyant,
Ruginiflant par le bois touffeté,
Arrivait en barigoulant.
Une, deux! Une, deux! D'outre en outre!
Le glaive vorpalin virevolte, flac-vlan!
Il terrasse le monstre, et, brandissant sa tête,
Il s'en retourne galomphant.
«Tu as donc tué le Jabberwock!
Dans mes bras, mon fils rayonnois!
O jour frabieux! Callouh! Callock!»
Le vieux glouffait de joie.
Il était grilheure; les slictueux toves
Gyraient sur l'alloinde et vriblaient:
Tout flivoreux allaient les borogoves;
Les verchons fourgus bourniflaient.
Les chats rêvent, les chats hument les extérieurs, les chats repeignent leurs volets; les chats s'introspectent, les chats sont en vacances, retour dans une quinzaine; profitez du printemps.
Longtemps après qu'ils ont disparu, que leurs mains ont lâché ta bride, ils restent affichés dans tes rues, statufiés sur tes places, appris à tes enfants.
Wang Ziwei - Sans titre (Tête Marylin & Mao), 2006
Acrylique sur toile
Leurs médecins briseront le secret, leurs valets feront leurs confidences, les prisonniers libérés auront le temps, bref, d'un hurlement. Mais malgré tout ils resteront dans vos mémoires. Il seront comme les bornes, comme les stèles, immuables. Et quand on les briserait, d'autres les relèveront sans presque le vouloir, comme en rêve.
Le ressentiment des contemporains, les frissons des enfants, la curiosité des petits-enfants - et, pour les artistes, sujet inépuisable. Ils ne disparaîtront pas, ils se mêleront à leur contraire, ils se fondront dans le futur sans perdre de l'âcreté du passé, ils s'évanouiront en laissant leur empreinte. Chaque jour vous prêterez l'oreille à leur silence et la nuit ils reviendront, dans vos rêves.
« Goebbels vient dans mon usine. Il fait se ranger le personnel à droite et à gauche. Je dois me mettre au milieu et lever le bras pour faire le salut hitlérien. Il me faut une demi-heure pour réussir à lever le bras, millimètre par millimètre. Goebbels observe mes efforts comme s’il était au spectacle, sans applaudir ni protester. Mais, quand j’ai enfin le bras tendu, il me dit ces cinq mots : “Votre salut, je le refuse”, fait demi-tour et se dirige vers la porte. Je reste ainsi, dans mon usine, au milieu de mon personnel, au pilori, le bras levé. C’est tout ce que je peux faire, physiquement, tandis que mes yeux fixent son pied-bot pendant qu’il sort en boitant. Jusqu’à mon réveil, je reste ainsi. »
Rêve de Monsieur S. le troisième jour après la prise du pouvoir par Hitler
in Charlotte Beradt - Das Dritte Reich des Traums, 1966 (rêves recueillis entre 1933 et 1939, cachés derrière une bibliothèque, transmis à l'étranger et publiés dix-sept ans plus tard)
Rêver sous le IIIème Reich, Payot éd. 2002, traduction de Pierre Saint-Germain, p. 37.
"Monsieur S., la soixantaine, propriétaire d'une entreprise de taille moyenne (...) homme droit, conscient de sa valeur, presque despotique. Ce qui faisait le prix et le contenu de sa longue vie, c'était son entreprise où, lui-même social-démocrate, il employait depuis vingt ans nombre de ses vieux camarades du parti. (...) (Il) fit un rêve dans lequel il fut brisé tout en demeurant physiquement intact".
Ibid. pp.37-38.
Tous ceux qui pensent que leurs vies sont et resteront platement individuelles et de leur propre affaire, que nos nuits nous appartiennent, que nos rêves ressortent de nos affaires privées, tout au plus familiales et professionnelles, que la domination a per se des limites, l'humiliation des bornes, et que la main d'autrui jamais ne serrera le licou au plus intime de leurs désirs et de leurs peurs inavouées - tous ceux-là devraient lire le livre de Charlotte Beradt. Car cela se soigne. Et, à propos de Charlotte Beradt, ici, là et aussi là.
Agence Grey - pour la campagne The right book will always keep you company Via Book Patrol
Dans la campagne publicitaire pour les librairies israéliennes Steimatzky, les lecteurs endormis rêvent en compagnie de Gandalf, Don Quichotte, Sherlock Holmes et Fifi Brindacier. Et de quelques autres, qui sont d'un commerce nocturne plus problématique.
Agence Grey, pour la même campagne (le cadre stressé rêve avec le moine qui vendit sa Ferrari)
Mme Chat : Ouaaaah ! Fifi Brindacier, ouaaiiiis... - Avec quel gourou en développement personnel craindrais-je le plus de cauchemarder, du moine qui vendit sa Ferrari ou du bon Joseph Vissarionovitch ? se demande M. Chat... ...car si le moine qui vendit sa Ferrari est écrit à l'intention des cadres stressés, le discours de Staline, autre faribole, se penche avec la même bonhomie sur ces mêmes cadres tout aussi angoissés... Mme Chat - Pour faire de beaux rêves faut pas être cadre, c'est pourtant simple, je te l'avais bien dit... M. Chat - Mmmm... (il boude, il écrit une note de bas de page) (1). Mme Chat - Et Fifi Brindacier, elle se couche et se lève où et quand elle veut...