11/11/2016

Une semaine de lecture (4) : n'en est-on pas au même point, aujourd'hui...


Harry Langdon dans The strong man / titre français : L'athlète incomplet, 1926 
(dir. Frank Capra)
Mis en ligne par Johnny Flattire


Le renoncement au moi, cependant, n'est encore qu'un seul aspect des rapports entre le comique et l'objet. On retrouve en réalité l'ambiguïté qui préside à ses rapports avec le mannequin : à tour de rôle un joyeux animisme poétique et une lutte sans merci, où l'objet ne cherche qu'à priver l'homme de ses pouvoirs. L'éclatement du Moi traduit en même temps un espoir et une crise : un désarroi de l'individu dans un monde qui échappe à son contrôle. C'est certes aussi là un simple reflet de l'antagonisme "primitif" entre l'homme et la nature, celui dont l'Amérique du début de ce siècle, à peine sortie du temps des pionniers, a encore une notion très concrète. Derrière, cependant, se dessine le retournement contre l'homme de ses propres créations, le tour aliénant que prend la civilisation industrielle pour n'avoir su "humaniser" la nature que d'une manière possessive. Quand, dans The Strong Man, le public applaudit Langdon en attendant qu'il fasse devant lui un numéro d'haltères, le comique, pour sa part, ne peut que désigner timidement du doigt ces haltères eux-mêmes : eux seuls sont compétents et décideront du sort du numéro. N'en est-on pas au même point, aujourd'hui, avec l'ensemble des choses qui sont issues de nos mains ?

Petr Kràl - Le burlesque ou la morale de la tarte à la crème, 1984, Stock éd.

Les haltères sont à 59'30" du film. 


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