Via red-lipstick
La décision de quitter Paris m'est apparue comme une évidence dans la minute qui a suivi l'ouverture de l'enveloppe kraft envoyée par la caisse de retraite.
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Je me suis enfoncée dans le réseau des voies médiévales par la rue des Balances bordée d’hôtels particuliers. La majesté des palais comme celui de Sarret avec sa loggia ouvragée et son imposant escalier de pierre contrastait avec l’enfilade de commerces fermés, de vitrines passées au blanc d’Espagne, de devantures défraîchies. J’ai ralenti en passant en face d’une droguerie dont les carreaux avaient été remplacés par des planches mal jointes sur lesquelles couraient des inscriptions obscènes. Plus loin, des parpaings obturaient la façade d’une bijouterie. Même ambiance aux alentours de la mairie avec son lot de pizzerias et de boulangeries en déshérence. La vieille poste qui faisait face à l’hôtel de ville avait disparu, remplacée par une place minérale et l’arrêt Gabriel-Péri, un abribus déstructuré en tôles de couleur rouille, criblé, comme à la mitraillette, de trous qui formaient les noms de toutes les stations placées sur la ligne. Plus j’approchais des halles, et plus mon regard accrochait les traces du désastre. Pas un passage qui ne recèle deux ou trois boutiques moribondes, alors que me revenaient les images d’hier quand une foule avide se pressait sur les trottoirs et que le moindre espace donnant sur la chaussée regorgeait de marchandises.
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Didier Daeninckx - Retour à Béziers, 2014, Verdier éd.
Didier Daeninckx et Sébastien Calvet - Retour à Béziers, livre interactif, 2014
Mis en ligne par L'Apprimerie
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