21/02/2014

Paris, ville fantôme (7) : la fille qui venait de nulle part et qui ne voulait pas de propriétaire


Martial Potémont - Petit-Pont : Hôtel-Dieu et quai du Marché-Neuf, 1859, détail
eau-forte
Source : Gallica




Un autre mythe féminin, bien vivant celui-là, habite au tout début des années 1830 une des maisons de la place du Marché-Neuf, en face de la Morgue. 

Elle naît un 28 février de 1821 dans une famille de colporteurs juifs - son père Jacob Félix vend des soieries, sa mère Esther Haya ou Hayer, ses quatre sœurs et son frère l'accompagnent sur les marchés. La famille sort à peine de la misère, vagabondant dans le Sundgau alsacien et la Suisse, puis s'installant à Lyon en 1827, ensuite à Paris rue des Mauvais-Garçons près de la place de Grève, et enfin au Marché-Neuf... 

Et voici ce que dit la légende (1) : à Lyon deux des petites filles, Sarah la grande soeur de neuf ans et Elisa qui en a six, sont envoyées mendier, réciter et chanter des chansons dans les rues et les cafés - avec obligation de ramener chaque jour une recette fixe, sinon leur père les bat. Alexandre Choron, le rénovateur de l'enseignement musical français, entend un soir une fillette chanter dans une rue de Lon, s'enquiert, rend visite à son père. Puis, quant la famille Félix s'installe quelques mois plus tard à Paris, quai du Marché-Neuf, il prend la Elisa sans son école de chant. De là, elle passe au cours d'art dramatique de Saint-Aulaire,  passage Molière. Son père signe pour elle en 1837 un engagement au théâtre du Gymnase pour jouer le vaudeville - sans grand succès, mais Samson, sociétaire du Théâtre Français, la prend sous son aile et en 1838 la fait débuter en 1838 dans le rôle de la Camille d'Horace, sous son futur nom de scène. Au moment où le théâtre classique,  secoué par la vague romantique de 1830, doit se débarrasser de ses boursouflures pour se refaire, il a misé sur 

"cette enfant petite et grêle, trop grêle...


La plus grande star du XIXème siècle est née…





Edouard-Louis Dubufe - Madame R. ou Rachel dans le rôle de Camille, ca 1850
Comédie Française



(...mais bien sûr il y a la légende et il y a la réalité : la discipline de fer et l'acharnement qu'il faut pour faire d'une petite fille presque illettrée une tragédienne classique, la pression constante et rien moins que débonnaire du père-agent, le flair de professeurs hors du commun - Choron est un des initiateurs de la musicologie française - et le travail incessant sur les mêmes rôles raciniens. Car c'est cela au fond que ne supportaient pas ceux qui voulaient à toute force la convertir au catholicisme - et auxquels elle résista jusqu'au bout : c'est au travail obstiné d'une petite juive venue d'on ne sait où que le XIXème siècle dut la rénovation du jeu dramatique et la restauration du théâtre classique.)




Un an après, elle rencontre un soir un écrivain français un peu fêtard, tout à fait charmant et plein d'esprit.


A Mme Jaubert


Un bienfait n'est jamais perdu : en réponse à votre lettre sur Desdémone, je veux vous servir un souper chez Mlle Rachel qui vous amusera peut-être, si nous sommes toujours du même avis. Ma petite scène sera pour vous seule, d'abord parce que la noble enfant déteste les indiscrétions et ensuite parce que, depuis que je vais quelquefois chez elle, on a fait tant de cancans et de bavardages niais que j'ai pris le parti de ne pas seulement dire que je l'ai vue aux Français.



On avait joué Tancrède, et j'étais allé dans l'entr'acte lui faire compliment sur son costume, qui était charmant.



Au quatrième acte, elle avait lu sa lettre avec un accent plus touchant, plus profond que jamais, elle-même m'a dit qu'en ce moment elle avait pleuré et s'était sentie émue à tel point qu'elle avait craint d'être forcée de s'arrêter. Au sortir du théâtre, le hasard m'a fait la rencontrer sous les galeries du Palais-Royal, donnant le bras à Bonnaire et suivie d'un escadron de filles, parmi lesquelles Mlle Rabut, Mlle Dubois, du Conservatoire, etc., etc.



Je la salue et elle me répond : "Je vous emmène souper". 



William Etty - Portrait of Mlle Rachel, 1841-45 
York Art Gallery



Nous voilà arrivés chez elle. Le triste Bonnaire, désolé de la rencontre, s'éclipse, et va noyer son désappointement dans plusieurs petits verres. A ce piteux départ, Rachel éclate de rire. Nous entrons nous nous asseyons, les amoureux de ces demoiselles chacun à côté de sa chacune, moi à côté de la chère fanfan. Après quelques propos insignifiants, Rachel s'aperçoit qu'elle a oublié ses bagues et ses bracelets; elle envoie la bonne les chercher. Plus de bonne pour faire le souper.



Rachel se lève, va se déshabiller et de là à la cuisine. Un quart d'heure après elle rentre en robe de chambre et en bonnet de nuit, un foulard sur l'oreille, jolie comme un ange, tenant à la main une assiette dans laquelle il y a trois biftecks qu'elle a fait cuire elle-même. Elle pose l'assiette au milieu de la table en nous disant : "Régalez-vous".




Frédérique O’Connel - Rachel dans le rôle de Phèdre, 1850




Elle retourne à la cuisine, revient avec une soupière pleine de bouillon fumant, et une petite casserole d'épinards. Voilà le souper. Point d'assiettes ni de cuillères, la bonne ayant les clefs sur elle. Rachel ouvre le buffet, trouve un saladier plein de salade, prend la cuillère de bois, déterre une assiette et se met à manger seule. "Mais, dit la mère qui a faim, il y a des couverts d'étain à la cuisine". Rachel va les chercher et les apporte. Ici commence le dialogue suivant :

LA MÈRE : Ma fille, tes biftecks sont trop cuits.
RACHEL : C'est vrai, ils sont durs comme du bois. Du temps où je faisais notre ménage, j'étais meilleure cuisinière que ça. Tu ne manges donc pas, Sarah?
SARAH, jadis comédienne ambulante, et n'ayant dus aujourd'hui de profession que celle de soeur aînée le Rachel : Non, je ne mange pas avec des couverts d'étain (sic).
RACHEL : Tu ne manges plus avec des couverts d'étain!... c'est donc depuis que j'ai acheté une douzaine de couverts d'argent avec mes économies. Il te faudra bientôt un domestique en livrée derrière toi et un autre par devant. (Montrant sa fourchette.) Je ne chasserai jamais ces couverts de la maison. Ils nous ont trop longtemps servi, n'est-ce pas, maman?
MAMAN, la bouche pleine : Est-elle enfant !





Jean-Baptiste Clésinger sculpt./Ferdinand Barbedienne fond. 
Mlle Rachel dans le rôle de Phèdre
Musée départemental Pierre Corneille de Petit-Couronne


RACHEL, s'adressant à moi : Figurez-vous que lorsque j'étais au théâtre Molière, je n'avais que deux paires de bas, et tous les matins...
(Ici la soeur Sarah baragouine une phrase allemande pour empêcher Rachel de continuer.)
RACHEL, continuant : Point d'allemand ici! il n'y a pas de honte. Je n'avais donc que deux paires de bas, et, pour jouer le soir, j'étais obligée d'en laver une paire tous les matins. Elle était dans ma chambre pendue à une ficelle pendant que je mettais l'autre.
MOI : Et vous faisiez le ménage ?
RACHEL : Je me levais à six heures tous les jours, et à huit heures tous les lits étaient faits. J'allais ensuite à la halle acheter le dîner.
MOI : Faisiez-vous danser l'anse du panier ?
RACHEL : Non, j'étais une très honnête cuisinière, n'est-ce pas, maman ?
MAMAN, toujours mangeant : Oui, ça c'est vrai.
RACHEL : Une fois seulement, pendant un mois, j'ai dit que ce qui coûtait quatre sous en coûtait cinq, et que ce qui coûtait dix en valait douze. Avec cela, au bout du mois, j'ai amassé trois francs.
MOI : Et qu'avez-vous fait de ces trois francs ?
LA MÈRE, voyant que Rachel se tait : Monsieur, elle a acheté avec, les oeuvres de Molière.
MOI : Vraiment ?
RACHEL : Ma foi, oui, j'ai acheté Molière avec mes trois francs. - Pourquoi Mlle Rabut s'en va-t-elle? - Bonsoir Mademoiselle!
(Les trois quarts des ennuyeux s'en vont.)





La bonne revient, apportant les bagues et les bracelets oubliés. On les met sur la table; les deux bracelets sont magnifiques; ils valent bien quatre à cinq mille francs; avec eux arrive une couronne d'or du plus grand prix. Tout cela carambole sur la table avec la salade et les épinards. Pendant ce temps-là, frappé de l'idée du ménage et des lits, je regarde les mains de Rachel, craignant quelque peu de les trouver laides. Elles sont mignonnes, blanches et effilées comme des fuseaux, - vraies mains de princesse.

Sarah, qui ne mange pas, continue de grogner en allemand. (Il est bon de savoir que Sarah s'est échappée de l'aile maternelle avec je ne sais qui, est allée on ne sait où, et n'a obtenu son pardon et sa place à table que sur la prière répétée de Rachel.)


RACHEL, répondant aux grogneries allemandes : Tu m'ennuies, je veux raconter ma jeunesse. (A moi :) Je me souviens qu'un jour je voulais faire du punch dans une de ces cuillères d'étain. J'ai mis ma cuillère sur la chandelle, pour faire chauffer mon punch, et la cuillère m'a fondu dans la main. - A propos, Sophie, donnez-moi du kirsch, je veux faire du punch...
(Ici la bonne se trompe et apporte de l'absinthe au lieu de kirsch.)
LA MÈRE : Mais c'est une bouteille d'absinthe.
MOI : Un instant, c'est mon affaire, donnez-m'en un peu.
RACHEL : Je suis bien contente que vous preniez quelque chose ici.


(Elle me prépare un verre d'absinthe que j'avale d'un trait.)


LA MÈRE : On dit que l'absinthe est très saine ?
MOI : Du tout. C'est malsain et détestable; mais je ne l'en aime pas moins.
SARAH : Pourquoi ?
MOI : Ah! parce que.
RACHEL : Donnez-m'en. (Elle en boit un verre. La bonne apporte un bol d'argent dans lequel Rachel met du sucre, du kirsch, après quoi elle allume son punch et le fait flamber.)






Jean-Auguste Barre - Mademoiselle Rachel (dans le rôle d'Hermione)
Musée du Louvre



RACHEL : J'aime cette flamme bleue.
MOI : C'est bien plus joli quand on est sans lumière.
RACHEL : Sophie, emportez les chandelles.
LA MÈRE : Du tout, du tout, par exemple !
RACHEL . Tu m'ennuies !... Pardon, maman, tu es délicieuse, tu es charmante (Elle l'embrasse), mais je veux que Sophie emporte les chandelles.
(Un monsieur quelconque prend les chandelles et les met sous la table. Effet de crépuscule. La mère, verte et bleue, à la lueur du punch, toujours la bouche pleine, braque ses yeux sur moi. - Les chandelles reparaissent.)
SARAH, pendant que Rachel fait le punch : Mlle Rabut était bien laide ce soir,
MOI : Mais non, elle est assez jolie, il ne lui manque que le bout de son nez.
LA MÈRE : Mlle Rabut est joliment bête.
RACHEL : Pourquoi dis-tu ça? Elle n'est pas plus bête qu'une autre.
LA MÈRE : Je dis qu'elle est bête, parce que c'est une imbécile.
RACHEL : Eh bien, au moins, si elle est bête, elle n'est pas bête et méchante. C'est une bonne fille; laissez-la tranquille. Je ne veux pas de ces choses là ici.
(Le punch est fait. Rachel remplit les verres et en donne à tout le monde; elle verse ensuite le reste dans une assiette creuse et se met à le boire avec une cuillère; après quoi elle prend ma canne, tire le poignard qui est dedans et se cure les dents avec.)

MOI : Comme vous avez lu cette lettre ce soir ! vous étiez bien émue.
RACHEL : Oui, il m'a semblé sentir en moi quelque chose qui allait se briser. Mais c'est égal; je n'aime pas cette pièce deTancrède ; c'est faux.
MOI : Qu'aimez-vous mieux de Corneille ou de Racine ?




Jean-Léon Gérôme - Esquisse de Rachel dans le rôle de Phèdre, détail



RACHEL : J'aime bien Corneille, mais c'est quelquefois trivial et quelquefois ampoulé, tout cela n'est pas vrai.
MOI : Oh! oh!
RACHEL : Oui, tenez. Lorsque dans les Horaces, par exemple, Sabine dit
"On peut changer d'amant mai non changer d'époux". Eh! bien, je, n'aime pas ça, c'est grossier.

MOI : Vous conviendrez du moins que c'est vrai ?
RACHEL : Oui, mais ce n'est pas digne de Corneille. J'adore Racine; c'est si beau, si vrai, si noble! Moi : A propos de Racine, vous souvenez-vous d'avoir reçu, il y a quelque temps, une lettre anonyme sur la dernière scène de Mithridate ?
RACHEL : Oui, et j'ai suivi le conseil qu'on me donnait, et ce n'est que depuis ce temps-là qu'on m'applaudit à cette scène. Est-ce que vous connaissez la personne qui m'a écrit?
MOI : Beaucoup. C'est la femme de Paris qui a le plus grand esprit et le plus petit pied. Quel rôle étudiez-vous maintenant?
RACHEL : Nous allons jouer cet été Marie Stuart pour le public ambulant. Je n'aime pas tous ces rôles de pleurnicheuses. A l'hiver nous jouerons Polyeucte et peut-être...
MOI : Eh bien ?





Auguste Charpentier - Portrait de Rachel



RACHEL, frappant du poing sur la table : Je veux jouer Phèdre. On me dit que je suis trop jeune, que je suis trop maigre, ce sont des sottises. C'est le plus beau rôle de Racine; je veux le jouer.
SARAH : Ma chère, tu as peut-être tort.
RACHEL : Laisse-moi donc tranquille ! Si c'est parce que je suis trop jeune et parce que le rôle n'est pas convenable, parbleu ! j'en dis bien d'autres dans Roxane, et qu'est-ce que ça me fait ? Si c'est parce que je suis trop maigre, je dis que c'est une bêtise. Une femme qui a un amour infâme, mais qui se meurt plutôt que de s'y livrer, une femme qui dit qu'elle a séché dans les feux, dans les larmes, cette femme-là n'a pas une poitrine comme madame Paradol. C'est un contre-sens. J'ai lu le rôle au moins dix fois depuis huit jours; je ne sais pas comment je le jouerai, mais je dis que je le sens. Les journalistes me dégoûtent; ils ne savent qu'inventer pour, me nuire; mais cela m'est égal ; je jouerai s'il le faut pour quatre personnes. (Se tournant vers moi :) Oui, quand on fait des articles francs, en conscience, je ne connais rien de plus beau, de meilleur; mais ceux qui écrivent pour de l'argent, pour calomnier, pour mentir, c'est pis qu'un voleur, pis qu'un assassin; ce sont des gens qui tuent à coups d'épingle; je les empoisonnerais !
LA MÈRE, à moitié assoupie, et en train de digérer : Ma chère, tu ne fais que parler, tu te fatigues. Tu étais debout ce matin à six heures ; je ne sais pas ce, que tu avais dans les jambes : tu as bavardé toute la journée, et encore tu viens de jouer, tu te rendras malade.
RACHEL : Non, laisse-moi, ça me fait vivre. Je te dis que non. M. de Musset, voulez-vous que j'aille chercher le livre ? Nous allons lire la pièce ensemble.
MOI : Ah! certainement je le veux bien.
SARAH : Ma chère, il est onze heures et demie.
RACHEL : Eh bien, va te coucher.
(Sarah va en effet se coucher. Rachel revient avec son Racine, s'asseoit près de moi, mouche la chandelle; la mère s'assoupit en souriant).
RACHEL, ouvrant, le livre avec un respect singulier, et s'inclinant dessus : Comme j'aime cet homme-là! Si on ne mettrait pas son nez dans ce livre, pour y rester deux jours sans boire ni manger!
LA MÈRE : Oui, surtout quand on a bien soupé. 


Rachel et moi, nous commençons à lire, le livre entre nous deux: Tout le monde s'en va. Elle salue d'un signe de tête et continue. - D'abord elle récite d'un ton très monotone, comme une litanie. Peu à peu elle s'anime; nous échangeons nos remarques, nos idées sur chaque passage. Elle arrive à la déclaration; elle étend alors son bras sur la table, et le front posé sur sa main, appuyée sur son coude, elle s'abandonne entièrement. Cependant elle ne parle presque qu'à demi-voix : ses yeux étincellent; elle pâlit, elle rougit; jamais je n'ai rien vu de si beau. et jamais au théâtre elle n'a produit tant d'effet sur moi. La fatigue, un peu d'enrouement, le punch, l'heure avancée, une animation presque fiévreuse sur ces petites joues entourées d'un bonnet je ne sais quel charme inouï répandu dans tout être, ces yeux brillants qui me consultent, un sourire enfantin qui trouve moyen de se glisser au milieu de tout cela, tout enfin, jusqu'à cette table en désordre, cette chandelle qui tremblote, cette mère assoupie, il y avait là à la fois un tableau digne de Rembrandt, un chapitre de roman digne de Wilhelm Meister, et un souvenir qui pour moi ne s'effacera jamais.

Il est minuit et demi, le père rentre de l'Opéra où il vient de voir Mlle Nathan débuter dans la Juive. A peine assis, il adresse à sa fille deux ou trois paroles des plus brutales pour lui enjoindre de cesser sa lecture. Rachel ferme le livre en disant : "C'est révoltant, j'achèterai un briquet et je lirai seule dans mon lit". En disant cela elle avait les larmes aux yeux.

C'était révoltant, en effet, de voir traiter ainsi une pareille créature. Je me suis levé et je suis parti, plein d'admiration, de respect et d'attendrissement.

Et en rentrant chez moi, je vous fais à la hâte ce récit tout chaud, avec la fidélité d'un sténographe, et je vous l'envoie en vous priant de ne le communiquer à personne; mais persuadé que vous en sentirez tout le prix, qu'il sera en sûreté chez vous, et qu'un jour on le retrouvera.

Agréez, Madame, etc..."


Alfred de Musset, 30 Mai 1839,  Œuvres posthumes (1)



Rachel ne deviendra officiellement sociétaire du Français qu'en 1841, non sans mal car pour cela il faut justifier d'une identité et elle est née nulle part c'est-à-dire, non pas en Pologne mais en Suisse, charmant pays qui à l'époque n'inscrit pas les enfants Juifs sur les registres d'état civil. Il faudra une intervention diplomatique pour faire témoigner la sage-femme et la veuve de l'aubergiste du village de Mumpf. Neuf ans plus tard le roi de Prusse, membre actif du fan-club, élève de son vivant à la petite juive une statue dans son parc du château de l'île des paons près de Potsdam - et cette statue aura par la suite bien du mal avec  les antisémites allemands.


Rachel est morte à trente-six ans de la tuberculose, épuisée après sa tournée en Amérique, mère de deux enfants dont l'un se trouvait être le petit-fils de Napoléon et de Marie Walewska. Et le père du garçon, Alexandre Walewski, plus tard ministre de Napoléon III, amant trop possessif au goût d'une Rachel plus partageuse, reste pour la postérité la cible d'une célèbre réplique : "je suis comme ça, je veux bien des locataires, mais pas de propriétaire".




Rachel faisant un pied de nez
Musée Carnavalet



En 1838 Rachel, désormais à l'aise financièrement, emménage au 23 galerie Véro-Dodat - mais oublie-t-on la pauvreté des débuts ? Toute sa vie elle sera connue pour son âpreté à négocier ses cachets et, en même temps, pour sa générosité - oublie-t-on facilement les sombres murailles du quai du Marché-Neuf ?



Martial Potémont - Quai du Marché Neuf : Maisons à l'angle du Petit-Pont, 1850
eau-forte
Source : Gallica





Le 8 Mai 1842 eut lieu un terrible accident du chemin de fer de Paris à Versailles. "Mademoiselle Rachel a été à la Morgue voir les restes qu'on y avait déposés; Beauvallet, instruit de cette visite, en parlait à la tragédienne, elle voulut d'abord nier cette course, mais elle finit par en convenir. - "Il y avait bien du monde, disait-elle. - C'est qu'on savait que vous jouiez", répondit Beauvallet
Eugène Briffault, Historiette contemporaines, Courrier de la ville, n°5, 31 Mai 1842.







(1) En remerciant le site  de l'ASIJA.

3 commentaires:

Patricia a dit…

Je découvre Mademoiselle Rachel et aussi les écrits d'Alfred de Musset. En ce 21 février, vous rendez un bel hommage à cette demoiselle.
L'oeil des chats est un palais de découvertes toutes plus exquises les unes que les autres.
J'espère que sont nombreux les visiteurs à lire vos articles bien documentés tant en textes qu'en images. Mais bon, comme vous l'écrivez quelque part, qui lit aujourd'hui ?
Merci infiniment pour tout ce que vous mettez à notre disposition, ici.
Je m'en vais découvrir l'avant-dernier chapitre sur Paris, ville fantôme.

Patricia a dit…

Mademoiselle Rachel était née un 21 février (pour les lectrices et lecteurs du blog).

loeildeschats a dit…

Merci Patricia - j'ai peut-être rajeuni Rachel d'une semaine. J'ai suivi la biographie universelle de Michaud qui donne le 28 février comme date de naissance, je n'avais pas remarqué que Wikipédia donne le 21. L'Encyclopaedia Britannica et la Jewish Women Archive donnent aussi le 28, mais si ça se trouve elles doivent suivre Michaud... Du coup je ne sais pas trop quelle date donner.... Voilà voilà, et merci encore.