23/02/2013

Je pourrais dire d'autres choses, si je voulais vraiment blesser.


Eve Beglarian - Almost human, d'après Henri Michaux - Je vous écris d'un pays lointain
Maya Beiser, violoncelle - Alexandra Montano, chant 
Mis en ligne par skatingpragmatist


I
Here, we have only one sun a month, and for just a little while. We rub our eyes days ahead. But in vain. Inexorable time! Sunlight arrives only at its own hour. Then we have a world of things to do, as long as there is light, in fact we hardly have time to look at one another a bit. The trouble for us is that we must work during the night, and we really must work: dwarves are born continually. 

II
When you walk in the countryside, you may encounter substantial masses in your path. These are mountains, and sooner or later you'll have to bend your knee to them. Resisting will do no good. You could go no further, even if you were to hurt yourself. I do not say this in order to wound. I could say other things if I really wanted to wound. 

I
Nous n'avons ici, dit-elle, qu'un soleil par mois, et pour peu de temps.
On se frotte les yeux des jours en avance.
Mais en vain.
Temps inexorable.
Soleil n'arrive qu'en son heure.
Ensuite on a un monde de choses à faire, tant qu'il y a de la clarté, si bien qu'on a à peine le temps de se regarder un peu.
La contrariété, pour nous, dans la nuit, c'est quand il faut travailler, et il le faut : il naît des nains continuellement.

II
Quand on marche dans la campagne, lui confie-t-elle encore, il arrive que l'on rencontre sur son chemin des masses considérables.
Ce sont des montagnes, et il faut tôt ou tard se mettre à plier les genoux.
Rien ne sert de résister, on ne pourrait plus avancer, même en se faisant du mal.
Ce n'est pas pour blesser que je le dis.
Je pourrais dire d'autres choses, si je voulais vraiment blesser.


Henri Michaux, 1937

2 commentaires:

Patricia a dit…

Magnifique !

loeildeschats a dit…

Oui, Michaux bien sûr; Eve Beglarian, j'ai découvert récemment.