Une des filles de Niobé - Tête de statue, ère augustéenne
Via The History Blog
Les sept statues des Niobides étaient tombées au fond de la piscine, peut-être à la suite d'un tremblement de terre. La piscine était celle d'une villa de Ciampino (Latium) appartenant à Marcus Valerius Messalla Corvinus, consul en -31, qui eut une carrière politique contrastée mais caractéristique des aristocrates romains de son époque - anticésarien avec Brutus, défait avec lui à Philippes où il commandait une légion, rallié à Marc-Antoine avec lequel il fit le voyage d'Orient, puis à Octavien pour lequel il combattit le même Marc-Antoine à Actium, second amiral après Agrippa - et abandonnant sa charge de préfet de Rome au bout de quelques jours sur ce commentaire final : "le pouvoir me dégoûte" (1).
Les archéologues travaillant pour la Soprintendenza regionale du Latium ont annoncé leur découverte début Janvier. D'après ce qu'on peut lire de leurs déclarations les statues décoraient probablement les quatre côtés de la piscine, et peut-être aussi son centre. Deux d'entre elles représenteraient des jeunes hommes.
Les archéologues travaillant pour la Soprintendenza regionale du Latium ont annoncé leur découverte début Janvier. D'après ce qu'on peut lire de leurs déclarations les statues décoraient probablement les quatre côtés de la piscine, et peut-être aussi son centre. Deux d'entre elles représenteraient des jeunes hommes.
Source : Repubblica
Richissime, Messalla fut le protecteur d'Ovide à ses débuts mais aussi de Tibulle et de sa propre nièce Sulpicia (dite Sulpicia 1), la seule poétesse latine de ce temps dont les échos nous soient parvenus - et si vous pensez que c'est vieillot vous vous trompez, tenez, lisez Il est arrivé, mon stupide anniversaire... (en anglais) ou encore ici en français (un peu trop châtié) et latin d'origine.
L'histoire des Niobides est une des plus sinistres de la mythologie : Niobé, reine de Thèbes et mère d'une flopée de filles et garçons (en nombre égal mais variant selon les sources - sept et sept chez Ovide) raille la déesse Latone qui n'a que deux enfants, Diane et Apollon. Ces derniers vengent leur mère en massacrant tous les enfants de Niobé dont le mari se suicide et qui, de douleur, se change en statue.
Anicet-Charles-Gabriel Lemonnier - Les Enfants de Niobé tués par Apollon et Diane, 1772, Huile sur papier
Musée des beaux-Arts de Rouen - Source
Nullos movet aura capillos,
in vultu color est sine sanguine, lumina maestis
stant inmota genis, nihil est in imagine vivum.
ipsa quoque interius cum duro lingua palato
congelat, et venae desistunt posse moveri;
nec flecti cervix nec bracchia reddere motus
nec pes ire potest; intra quoque viscera saxum est.
flet tamen et validi circumdata turbine venti
congelat, et venae desistunt posse moveri;
nec flecti cervix nec bracchia reddere motus
nec pes ire potest; intra quoque viscera saxum est.
flet tamen et validi circumdata turbine venti
in patriam rapta est: ibi fixa cacumine montis
liquitur, et lacrimas etiam nunc marmora manant.
liquitur, et lacrimas etiam nunc marmora manant.
Benjamin Britten - Six Métamorphoses d'après Ovide : Niobé
Hautbois : Nicholas Daniel
Mis en ligne par nicholasdanieloboe
Déjà le vent n'agite plus ses longs cheveux. Son sang s'est arrêté, et son visage a perdu sa couleur. Son œil est immobile. Tout cesse de vivre en elle. Sa langue se glace dans sa bouche durcie. Le mouvement s'arrête dans ses veines. Sa tête n'a plus rien de flexible; ses bras et ses pieds ne peuvent se mouvoir. Ses entrailles sont du marbre. Cependant ses yeux versent des pleurs. Un tourbillon l'emporte dans sa patrie. Là, placée sur le sommet d'une montagne, elle pleure encore, et les larmes coulent sans cesse de son rocher.
Ovide, Métamorphoses, Live VI, vv. 303-312
(1) Selon Saint Wiki qui cite une note d'un éditeur anglais de l'Apocoloquintose. Saint Jérôme, dans sa version de la Chronique d'Eusèbe de Césarée, dit que Messalla démissionna de la préfecture incivilem potestatem esse contestans : parce qu'il la jugeait inconstitutionnelle, dirions-nous. Octavien (Auguste) avait transformé cette charge honorifique en une véritable préfecture de police, avec des pouvoirs répressifs étendus - dans le but de contenir les esclaves et cette partie du peuple dont l’esprit remuant
et audacieux ne connaît de frein que la crainte (c'est Tacite, un expert, qui le dit). Il semble qu'Octavien ait voulu profiter de la popularité de Messalla pour faire accepter cette évolution. Tacite prétend de son côté que le démissionnaire était en fait nescius exercendi - incapable d'assurer la fonction - perfidie de l'historien, ou peut-être excuse invoquée par Messalla lui-même. Personnage intéressant, ce Messalla.
1 commentaire:
Un massacre, comme tant d'autres... J'avais lu, en anglais, le lien que vous aviez indiqué dans l'un de vos commentaires sur "On ne se débarrasse pas de moi comme ça". Et en effet, on peut considérer que Diane et Apollon sont deux serial killers, dans ce contexte. Merci infiniment de ce bel article, M. Chat.
Enregistrer un commentaire