06/04/2011

Ciel... des amoureux

Charles Demuth - Aucassin and Nicolette, 1921
Columbus Museum of Art, Ohio


La douce ironie des titres de Demuth fournit aux critiques d'art suffisamment d'énigmes pour les préserver du chômage, longtemps encore après sa mort en 1935. D'un côté, les deux héros aux amours contrariées d'un chantefable picard (1)...


 Aucassin et Nicolette, roman de chevalerie provençal-picard, trad. Alfred Delvau, 
Bachelin-Deflorenne éd. Paris, 1866, p. 39
Source : Gallica


...de l'autre, l'accolade d'un réservoir d'incendie et d'une cheminée d'usine. Sont-ils là pour rappeler la chambre voûtée et la tour dans lesquelles les amoureux sont respectivement emprisonnés par le sinistre comte Garin de Beaucaire ? N'est-il pas évident que le symbolisme est bien plus directement physique et sexuel ? Mais  après tout, de ces deux excroissances architecturales, laquelle est Nicolette, ou Aucassin ? N'oublions pas que l'histoire des deux amoureux se termine par un travestissement, et que pour un artiste gay états-unien des années 20, le double entendre était une figure obligée et féconde...



Fritz Kreisler - Aucassin et Nicolette, Medieval Canzonetta
Mis en ligne par VictrolaCredenza


(1) Il est possible que Demuth ait pris connaissance d'Aucassin et Nicolette grâce à son ami le poète William Carlos Williams.

3 commentaires:

Patricia a dit…

Demuth a une imagination très fertile et aussi très phallique pour représenter Aucassin et Nicolette. En bas du tableau, à droite, il y a une fenêtre et il semblerait qu'une silhouette s'en détache. Peut-être est-ce un effet d'optique, tant le souhait de voir un homme et une femme sur cette toile...
Très agréable à écouter la canzonetta médiévale. J'ignorais que le provençal et le picard formaient une langue... Merci de ces belles découvertes en un article.

loeildeschats a dit…

En fait le qualificatif "provençal-picard" a été forgé par Delvau, l'éditeur du roman au XIXème. Le Chantefable est bien écrit en Picard, c'est le sujet qui est provençal, localisé à Beaucaire, avec des allusions à Aigues-Mortes (surnommée Torelore dans le texte). Selon certains les prénoms d'Aucassin et Nicolette prouveraient l'origine provençale, également.

Patricia a dit…

Merci de ces précisions.