Felice Casorati - Il sogno del melograno / Le rêve du grenadier, 1912-1913 Via vintagespirit Merci à Patricia Tutoy pour avoir rectifié le titre de ce tableau
Les chats seront en vacances en Septembre, d'abord par là, puis un peu n'importe où au hasard. Retour vers le 28 Septembre...
"Her finely touched spirit had still its fine issues, though they were not widely visible. Her full nature, like that river of which Cyrus broke the strength, spent itself in channels which had no great name on the earth. But the effect of her being on those around her was incalculably diffusive: for the growing good of the world is partly dependent on unhistoric acts; and that things are not so ill with you and me as they might have been, is half owing to the number who lived faithfully a hidden life, and rest in unvisited tombs."
L'édition originale de 1871-72 en huit magazines, 5 shillings chacun.
Via Finebooks Magazine
" Son esprit marqué de noblesse gardait son attachement à de nobles causes, même si elles n'étaient pas d'une grande visibilité. Sa riche nature, tel le fleuve dont Cyrus brisa la violence, se répandait par des canaux qui ne portent pas de grands noms sur cette Terre. Pourtant l'effet de son être sur ceux qui l'entouraient était d'une incalculable étendue. Car la croissance du bien dans le monde dépend en partie d'actes qui n'ont rien d'historique; et si les choses vont moins mal qu'elles ne le pourraient pour vous et moi, on le doit un peu au nombre d'êtres qui mènent fidèlement une vie cachée avant de reposer dans des tombes délaissées. "
George Eliot - (les dernières lignes de) Middlemarch, 1872
Trad. fr. Sylvère Monod
Robert Braithwaite Martineau - The Last Chapter, 1863 Birmingham Art Gallery
Middlemarch tient une part de son charme de son côté choral - à l'origine il s'agissait de deux romans distincts, mais Eliot décida finalement d'entremêler l'histoire du Docteur Lydgate et celle de Miss Brooke. Mais cette lente tapisserie a aussi son épaisseur : la relativité des choix moraux, l'ambigüité des sentiments, la labilité des positions sociales, tout cela sondé avec la précision des instruments du bon docteur.
Par un curieux chassé-croisé, Eliot commence Middlemarch au moment même où Flaubert achève l'Education sentimentale. Au coeur de l'Education, le tableau glaçant de la répression qui suit les journées de Juin 1848 - et en arrière-plan de Middlemarch, le luddisme, le bouillonnement de la campagne pour le Reform Act de 1832 - les préludes au mouvement chartiste.
Anthony page (dir.) Andrew Davies (scén.) - Middlemarch, 1994 Juliet Aubrey (Dorothea Brooke) Patrick Malahide (Rev. Edward Casaubon) "Mr Casaubon... a sketch of your head would be invaluable to me, I assure you... St Thomas Aquinas" (chap. XXII)
A noter que Sam Mendes aurait une adaptation cinématographique de Middlemarch en projet, avec le même Andrew Davies à l'écritoire - ce roman est un rêve de scénariste. Un homme qui a filmé Revolutionary Road et qui a également Netherland (2) dans ses cartons ne peut être complètement mauvais.
"Domenica Giornata prima 7, Luglio 1647. Ritrovandosi nel quartiere del mercato di Napoli un giovane di 24. anni, casato, huomo spiritoso, e faceto, di mezzana statura, d'occhio nero, piútosto magro, che grasso, con una zazzarina, e mostaccetto biondo, scalzo, in camicia, e calzonetti di tela, un berettino in testa da Marinaro, bello però d'aspetto, animoso, e vivace quanto dir si può, e gli effetti l'han dimostrato; la professionne di lui era di pescar pesciolini con la canna..."
"Dimanche 7 Juillet 1647 - Première journée Dans le quartier du Mercato de Naples vivait un jeune homme marié de 24 ans, spirituel et facétieux, de taille moyenne, aux yeux noirs, plus maigre que gras, à la tignasse et aux petites moustaches blondes, aux pieds nus, vêtu d'une chemise et d'un pantalon court de toile, coiffé d'un béret marin, de belle apparence cependant et courageux et vif autant que dire se peut, comme la suite le démontra. Il gagnait sa vie en pêchant à la ligne du menu fretin..."
Alessandro Giraffi - (les premières lignes de)
Le Rivolutione di Napoli / La Révolution de Naples, 1647, trad. Jacqueline Malherbe-Galy et Jean-Luc Nardone, Anacharsis éd. 2010 pour l'édition française.
La Révolution de Naples se lit comme John Reed sur La Révolution d'octobre, ou Lissagaray sur la Commune - c'est la relation jour par jour de la décade du 7 au 16 Juillet 1647 qui vit Naples - la deuxième ville d'Europe après Paris au XVIIème siècle - se soulever victorieusement contre son vice-roi espagnol, le duc d'Arcos. Dans les pages de Giraffi, vous lirez comment Tommaso Aniello d'Amalfi, dit Masaniello, conduisit la révolte qui obtint l'abolition des taxes sur les denrées de première nécessité et le rétablissement de la parité des représentants du peuple et de la noblesse dans les assemblées (le rapport était devenu de 1 à 5 en faveur de la noblesse). Comment le vice-roi dut se rendre le 13 juillet à la cathédrale pour capituler publiquement devant ces demandes. Comment Masaniello devint, dit-on, subitement fou au moment où il vit lui échoir les responsabilités d'un pouvoir quasi-absolu (2) et comment il fut assassiné le 17 juillet par un complot de capitaines de quartiers soudoyés par les Espagnols.
Aniello Falcone (ca 1600 - 1665) Ritratto di Masaniello/Portrait de Masaniello
Comme Giraffi n'a pas écrit de second tome, vous ne lirez pas ce qui s'ensuivit - comment, les taxes rétablies, la révolte reprit de plus belle et comment l'escadre de Don Juan d'Autriche vint bombarder Naples. Comment les habitants rédigèrent alors le Manifeste du peuple très fidèle de Naples pour en appeler au pape et autres princes d'Europe et comment nacquit en octobre 1647 la Repubblica Napoletana - mais cette fois-ci une république plus anti-espagnole que sociale, avec le soutien des Français et l'arrivée du duc de Guise. Comment cinq mois plus tard ledit duc, sans conviction, perdit la partie - et avec lui le peuple de Naples.
On sait par Colerus, le premier biographe de Spinoza, que ce dernier "s’attacha au dessin, qu’il apprit de lui-même, et il réussissait bien à tracer un portrait avec de l’encre ou du charbon. J’ai entre les mains un livre entier de semblables portraits, où l’on en trouve de plusieurs personnes distinguées qui lui étaient connues ou qui avaient eu occasion de lui faire visite. Parmi ces portraits, je trouve à la quatrième feuille un pêcheur dessiné en chemise, avec un filet sur l’épaule droite, tout à fait semblable pour l’attitude au fameux chef des rebelles de Naples, Mazaniello, comme il est représenté dans l’histoire, et en taille-douce.
P. de Jode - Masaniello Gravure réputée reproduire le dessin de Spinoza
A l’occasion de ce dessin, je ne dois pas omettre que le sieur Van der Spyck, chez qui Spinoza logeait lorsqu’il est mort, m’a assuré que ce crayon ou portrait ressemblait parfaitement bien à Spinoza, et que c’était assurément d’après lui-même qu’il l’avait tiré. Il n’est pas nécessaire de faire mention des personnes distinguées dont les portraits crayonnés se trouvent pareillement dans ce livre parmi ses autres dessins" (3).
(1) Mendes, d'origine Trinidadienne par son père, est un fan de cricket, deux raisons de s'intéresser à Netherland. Je reviendrai sur Netherland.
(2) Une tradition populaire veut que sa folie ait été provoquée par un hallucinogène, la proserpina, qui lui aurait été administré à l'occasion d'un banquet.
(3) Jean Colerus - La Vie de Spinoza, tirée des écrits de ce fameux Philosophe et du témoignage de plusieurs personnes qui l’ont connu particulièrement, 1706.
On trouve Middlemarch dans toutes les bibliothèques, un peu partout sur le web en anglais et, dans la traduction de 1890, ici.
George Fontenis (27 avril 1920 - 9 août 2010) fit partie de ces veilleurs...
Georges Fontenis
...qui, pendant le long cauchemar des guerres coloniales livrées à reculons (dix-sept ans : du 8 mai 1945, Sétif et Guelma, au 19 mars 1962, cessez-le-feu en Algérie) conformèrent leurs actes à leurs convictions en soutenant les insurgés - ils n'étaient pas bien nombreux, quelques sartriens, une poignée de trotskystes, et pas mal de libertaires comme Fontenis...
Le Libertaire censuré sur la guerre d'Algérie, en 1956 Via R.A. forum
Pierre Morain, sujet de l'article de bas de page, était un militant communiste libertaire de l'entreprise Carrette-Duburcq de Roubaix, arrêté le 29 juin 1955 pour avoir distribué un tract en défense du MNA et participé à la manifestation du 1er mai aux côtés de ce groupe. Il fut le premier militant anticolonialiste français emprisonné pour avoir défendu des militants algériens après le 1er novembre 1954.
Affiche de la fédération Communiste Libertaire, Novembre 1954 Via R.A. forum
...qui avait travaillé avec ses camarades de l'O.P.B. (1) à radicaliser la vieille Fédération Anarchiste et à la transformer en Fédération Communiste Libertaire, et qui fut emprisonné pendant un an pour son soutien au mouvement algérien de libération. Et, dans le même courant...
Daniel Guérin (19 mai 1904 - 14 avril 1988) photo : Jean-Marc de Samie (et merci à Alain Paire pour me l'avoir signalé)
...Daniel Guérin, qui fit ce qu'il put à l'époque pour essayer de rapprocher la Fédération de Fontenis et Messali Hadj. Daniel Guérin qui était toujours là vingt ans plus tard quand nous avions besoin de lui. Et à leurs côtés aussi...
Armand Robin (19 janvier 1912 - 30 mars 1961)
...cet autre fantôme, le poète, guetteur des ondes, Armand Robin (2). Robin qui déambulait dans Paris, en 56-57, en criant "Je suis un fellagha ! Je suis un fellagha !" (3). Souvent les veilleurs se sentent, à raison, étrangers.
L'ÉTRANGER Je ne suis qu'apparemment ici. Loin de ces jours que je vous donne est projetée ma vie. Malhabile conquérant par mes cris gouverné, Où vous m'apercevez je ne suis qu'un étranger. Gestes d'amour partout éparpillés Je me fraye une voie isolée, désertée. D'une science à l'autre j'ai pris terrier, Lièvre apeuré sentant sur lui braqué Le fusil savant et sûr de la destinée. Aucune terreur ne m'a manqué.
(2) On trouvera dans la biographie d'Anne-Marie Lilti, Armand Robin le poète indésirable, éditions Aden, 2008, pp. 230-231, une lettre jusque-là inédite témoignant du soutien de Robin à Fontenis et ses camarades. Robin écrira de temps à autre dans le Libertaire, et cela quasiment jusqu'au passage de la FCL dans la clandestinité. Lors de son adhésion en 1945 à la Fédération Anarchiste "ancien style" Robin fut secrétaire du groupe du 15ème arrondissement, celui de Georges Brassens.
Je suis un étranger dans ce monde et il y a, dans mon exil, une sévère solitude et un pénible isolement. Je suis seul, mais dans cette solitude, je contemple un pays inconnu et enchanteur, et cette méditation emplit mes rêves des fantômes d'un grand et lointain pays que mes yeux n'ont jamais vu.
Je suis un étranger dans ce monde. J'ai parcouru l'Univers d'un bout à l'autre, mais je n'ai pu trouver un endroit où reposer ma tête. Et je n'ai connu aucun des humains que j'ai rencontrés, ni personne qui ait voulu prêter l'oreille à mon âme.
Gibran Khalil Gibran
Kamilya Jubran, arabe israélienne, est née en 1963 à Akka (St Jean d'Acre) d'une mère couturière et d'un père luthier. Elle a participé au groupe musical palestinien Sabreen, chante seule depuis 2002 et joue aussi du oud. Voir son site.
Martin Lewis - Glow of the city, 1929, pointe sèche Source : Futurisms via Miss Folly (et bien d'autres)
C'est la plus connue des œuvres de Lewis et la plus impressionnante par sa maîtrise. Un sommet de la gravure Art déco, célébrant un autre chef-d'oeuvre de l'Art déco New-Yorkais, le Chanin building dans le fond.
Le Chanin était à l'époque un repère immanquable dans le ciel de Midtown, à cause de son toit illuminé et du fait que le Chrysler building n'était pas encore construit.
Selon Paul McCarron (1) le clocher de la gravure est celui d'une église qui n'existe plus et qui se trouvait à l'emplacement de l'entrée côté Manhattan du Queens-Midtown Tunnel. D'après l'orientation, je suppose que les tenements figurés par Lewis devaient se situer non loin de 1st Avenue, peut-être près de la 33ème ou 34ème rue Est. Dans ce cas, la dame à la pose égyptienne regarde du côté de l'East River.
(1) Paul McCarron, The prints of Martin Lewis, a Catalogue Raisonné, M. Hausberg, Bronxville NY, 1995, n°77.
Le pigeon migrateur, ectopistes migratoriusà ne pas confondre avec le pigeon voyageur, est - ou plutôt était - une espèce à part entière, et peut-être celle à la population la plus nombreuse parmi les oiseaux - selon les estimations entre trois et cinq milliards d'individus aux début du XIXème siècle dans son aire géographique de l'est de l'Amérique du nord.
Hayashi et Toda - Passenger Pigeon, Ectopistes migratorius, female, ill. pour Charles Otis Whitman - Orthogenetic Evolution in the Pigeons, 1920
Un vol de pigeons migrateurs comprenait des millions d'oiseaux et pouvait effectivement dans certains cas obscurcir le ciel. Quant aux colonies de nidation, elles atteignaient bien, selon les témoignages d'époque, les dimensions décrites par le poème. C'est d'ailleurs cette propension d'ectopistes migratorius à se rassembler en masse qui en fit la proie d'une chasse devenue industrielle au milieu du XIXème. Les pigeons étaient chassés au filet, selon des méthodes qu'on peut voir détaillées ici ou là. Un chasseur pouvait ramener jusqu'à 2000 oiseaux par jour, qui se vendaient 50 cents la douzaine à Chicago ou New-york : la viande de pigeon était la seule accessible aux esclaves et aux pauvres.
Les habitudes massivement grégaires de l'espèce lui permettaient de survivre aux animaux prédateurs, mais non à la chasse industrielle. A la fin du XIXème siècle le développement du chemin de fer permettait le transport de quantités importantes de viande salée et on estime que la chasse aux pigeons faisait vivre entre 5.000 et 10.000 chasseurs. En cinquante ans l'espèce disparut complètement - les derniers spécimens en liberté furent observés en 1900.
John J. Audubon - Passenger pigeon (Columba Migratoria) Upper bird, female; lower, male
Le pigeon migrateur pratiquait la nidification et l'élevage collectifs : les individus en captivité n'étaient pas capables de se reproduire à une échelle suffisante pour survivre. Ils périclitèrent et se réduisaient en 1909 à trois oiseaux du zoo de Cincinnati : deux mâles dont l'un était baptisé George et une femelle, Martha (2). En 1910 seule cette dernière survivait. Le mardi 1er Septembre 1914 à 13h locales, elle était retrouvée morte sur le sol de sa cage. Elle est conservée, naturalisée, à la Smithsonian institution et elle a sa statue à Cincinnati.
Silke Scheuermann, née en 1973, a obtenu le prix Leonce-und-Lena en 2001 et fait partie de la génération des jeunes poètes allemands qui n'ont publié qu'après 2000.A l'oiseau autrefois le plus répandu sur la terre est extrait de Der Tag an dem die Möwen zweistimmig sangen (Suhrkamp Verlag, 2001). Le jour où les mouettes chantèrent à deux voix - qui donne son titre au recueil - est un des plus beaux poèmes que je connaisse.
Dix poèmes de Scheuermann ont été traduits en français par François Mathieu dans le n°180 (Juin 2005) d'Action Poétique, Huit jeunes poètes de langue allemande. Il n'existe pas d'autre traduction à ma connaissance. Quant à la tentative ci-dessus pour mettre en français A l'oiseau autrefois... seuls les chats sont à blâmer.
(1) Dénommé également tourtre ou tourte voyageuse, colombe voyageuse en français, passenger pigeon en anglais, wandertaube en allemand.
(2) La femme de George Washington se prénommait Martha.
Percée en 1904 sur l'emplacement de l'ancien Hôpital Trousseau, lui même construit à la suite de l'Hôpital des Enfants-Trouvés.
Tous imberbes alors, sur les vieux bancs de chêne Plus polis et luisants que des anneaux de chaîne, Que, jour à jour, la peau des hommes a fourbis, Nous traînions tristement nos ennuis, accroupis Et voûtés sous le ciel carré des solitudes, Où l’enfant boit, dix ans, l’âpre lait des études. - C’était dans ce vieux temps, mémorable et marquant, Où forcés d’élargir le classique carcan, Les professeurs, encor rebelles à vos rimes, Succombaient sous l’effort de nos folles escrimes Et laissaient l’écolier, triomphant et mutin, Faire à l’aise hurler Triboulet en latin. — - Qui de nous en ces temps d’adolescences pâles, N’a connu la torpeur des fatigues claustrales, - L’œil perdu dans l’azur morne d’un ciel d’été, Ou l’éblouissement de la neige, — guetté, L’oreille avide et droite, — et bu, comme une meute, L’écho lointain d’un livre, ou le cri d’une émeute ?
C’était surtout l’été, quand les plombs se fondaient, Que ces grands murs noircis en tristesse abondaient, Lorsque la canicule ou le fumeux automne Irradiait les cieux de son feu monotone, Et faisait sommeiller, dans les sveltes donjons, Les tiercelets criards, effroi des blancs pigeons...
Charles Baudelaire - (A Sainte-Beuve), ca 1844, Poésies de jeunesse et poésies diverses
'E Zezi, "groupe ouvrier" comme son nom l'indique, s'est formé en 1975 dans (et autour de) l'Alfasud de Pomigliano d'Arco près de Naples. L'usine automobile Alfasud, dont la première pierre fut posée en 1968 par Aldo Moro (ce sont des choses qui ne s'inventent pas) employait cinq mille ouvriers venant pour partie d'entreprises petites ou moyennes de la proche Campanie (1) et pour l'autre part directement de la campagne, de l'hinterland autour de Pomigliano. D'où un choc des cultures - ouvrière qualifiée et syndicale d'un côté, paysanne et clientéliste de l'autre - aussi rétives l'une que l'autre à la chaîne de montage et à la parcellisation des tâches. D'où, aussi, une série de luttes âpres et très spécifiques qui donnèrent naissance à une figure archétypale, celle de l'ouvrier du sud "absentéiste et microconflictuel", en révolte contre le travail, ‘a fatica (2).
'E Zezi présente une sorte d'allégorie musicale de cette situation - dans une forme traditionnelle, la tammuriata, une expression ouvrière des rapports sociaux sur un site industriel. Une tarentelle de la révolte, comme cette Tammuriata qui donne son nom à leur premier disque, et qui pourrait être simplement le son et le chant d'un cortège interne, d'une manifestation dans l'usine. Mais venant de beaucoup plus loin.
(1) Dont une bonne quantité de maçons qui avaient travaillé à la construction des ateliers.
(2) En italien standard, en promessisposi comme dirait René Ehni, la fatica c'est la peine, l'effort, la difficulté. Pour le Napolitain qui ne connaît pas l'immatériel lavoro,‘a fatica c'est tout simplement le travail - profonde sagesse, qui n'a pas besoin de deux mots pour suggérer que travailler fatigue.
'E Zezi a trente-cinq ans d'existence, a vu passer plus de deux cents musiciens et chanteurs, a survécu aux inévitables différends et tribulations... voir l'Officialuèbsait du groupe.
et un disque qu'on peut se procurer via il Manifesto : diàvule a quàtto
et un texte d'Angelo de Falco, un des fondateurs du groupe, sur le site de Daniele Sepe (qui a aussi participé) : ‘O stabbilimento ‘a fatica - l'usine, le travail.
Enchanté du succès (1) d'Atalante, Iasos la reconnut enfin comme sa fille; mais, lorsqu'elle arriva au palais, les premiers mots du roi furent : "Mon enfant doit prendre un mari !" C'était une phrase désagréable car l'oracle de Delphes l'avait prévenue de ne pas se marier. Elle répondit : "Père, j'y consens à une seule condition : c'est que tout prétendant à ma main devra me vaincre à la course, sinon, si c'est moi qui suis victorieuse, je le tuerai." "D'accord", dit Iasos.
Michael Maier - Atalanta Fugiens, fugue n°26
"Le fruit de la sagesse humaine est l’arbre de vie" - Rachel Platt (soprano) Emily Van Evera (soprano) Rufus Muller (tenor) Richard Wistreich (bass and Director)
De nombreux princes infortunés périrent ainsi, car elle était la plus rapide des mortelles; mais Mélanion, fils d'Amphidamas l'Arcadien, demanda l'assistance d'Artémis. Elle lui donna trois pommes d'or et lui dit : "Tu retarderas Atalante en laissant tomber ces pommes d'or, l'une après l'autre, pendant la course." Le stratagème réussit. Atalante s'arrêta à chaque fois pour ramasser une pomme et atteignit le poteau d'arrivée après Mélanion.
Le mariage fut célébré, mais l'avertissement de l'oracle se trouva justifié car un jour, comme ils passaient devant un sanctuaire de Zeus, Mélanion persuada Atalante d'y entrer et là, il s'unit à elle. Indigné que son sanctuaire ait été profané, Zeus les changea tous deux en lions : car les lions, croyait-on alors, ne s'unissent pas entre eux mais avec des léopards, et ainsi ils furent privés du corps l'un de l'autre. C'était là la punition d'Aphrodite à l'égard d'Atalante, d'abord parce qu'elle s'était obstinée à vouloir rester vierge et ensuite parce qu'elle avait été ingrate dans l'affaire des pommes d'or.
Michael Maier - Atalanta Fugiens, fugue n°37
"Trois choses suffisent pour le magistère : la fumée blanche, qui est l’eau, le lion vert ou airain d’Hermès, et l’eau fétide"
Ars cameralis, Ad vocem and Guests
Mis en ligne par agir3
Mais d'aucuns disent qu'avant cela, Atalante avait été infidèle à Mélanion et qu'elle avait donné à Méléagre un enfant nommé Parthénopaeos, qu'elle exposa sur la même montagne où elle avait été elle-même allaitée par une ourse. Il survécut, lui aussi et, par la suite, vainquit Idas, en Ionie, et marcha avec les Sept contre Thèbes. Selon d'autres, c'est Arès et non pas Méléagre, qui était le père de Parthénopaeos; le mari d'Atalante n'était pas Mélanion mais Hippoménès; quant à elle, elle était la fille de Schoenée qui régnait à Onchestos, en Béotie. On ajoutait qu'Atalante et Hippoménès avaient profané un sanctuaire, non de Zeus mais de Cybèle qui les changea en lions et les attela à son char.
Robert Graves - Les mythes grecs, n°80 : le sanglier de Calydon, 1958.
Traduit de l'anglais par Mounir Hafez, 1967, Librairie Arthème Fayard.
Michael Maier - Atalanta Fugiens - Emblème 21
"Du mâle et de la femelle, fais un cercle, puis, de là, un carré, et ensuite
un triangle ; fais un cercle et tu auras la Pierre des Philosophes" Source : Wikimedia commons
Michael Maier (1568-1622), médecin de l'empereur Rodolphe II, fut un des grands alchimistes de Prague. Son livre, Atalanta fugiens ou L'Atalante fugitive (1617) est un traité des nouveaux emblèmes chimiques des secrets de la nature. Atalante et Hippomène, pour certains commentateurs de la tradition alchimique, symbolisent deux principes qui se poursuivent, s'attirent et se repoussent (2). L'Atalanta Fugiens comprend cinquante emblèmes gravés sur bois, dont l'auteur est probablement Johann Theodor de Bry (1561-1623) ou peut-être son beau-fils, Matthäus Merian l'ancien.
Michael Maier - Atalanta Fugiens - Emblème 17
"Le quadruple globe régit cette œuvre du feu" Source : Wikimedia commons
Il y a peu de suites gravées aussi fascinantes que l'Atalanta, et ceci est probablement dû au fait qu'à chaque emblème sont associés, outre un discours explicatif, un épigramme en vers et surtout une fugue à trois voix, dont deux seulement en canon : la première (vox fugiens, voix en fuite - ainsi la désigne Maier) étant celle d'Atalante, la seconde (vox sequens) Hippomène. La troisième voix en cantus firmus est celle des pommes d'or, fruits de la connaissance, étape ultime du Grand Oeuvre.
Michael Maier - Atalanta Fugiens
Emblème 14 - "Voici le dragon qui dévore sa queue" Source : Wikimedia commons
Michael Maier - Atalanta Fugiens, fugue n°14 Ars cameralis, Ad vocem and Guests
Ainsi du Guide à l'alchimiste, entre 1612 et 1617, Demoiselle et Damoiseau se poursuivent pour des pommes - d'amour et et de discorde, mais pommes philosophales...
L’audacieux jeune homme emporta le trésor
Du jardin d’Hespéros quand des mains de Cypris
II eut reçu le triple fruit.
La vierge fuit ; il suit et lance sur le sol
La pomme qui l’attire et ralentit sa course.
Vite il bondit ; mais elle, vite, le devance,
Plus prompte que l’Eurus. Il sème devant elle
De nouveaux présents d’or. La vierge un court instant
S’attarde, mais bientôt elle fuit de plus belle,
Jusqu’à ce que, l’amant renouvelant les poids,
Noble prix, Atalante à son vainqueur se rende.
Hippomène est la force du soufre ; la vierge,
Mercure fugitif ; le mâle vainc la femme.
Lorsque, saisis d’amour, ils s’étreignent tous deux,
Au temple de Cybèle, irritant la déesse,
Elle se venge en les vêtant de peaux de lions
Qui font rougir leurs corps et les rendent sauvages.
Pour exprimer au mieux ce que fut cette course
Ma muse t’offre ici les trois voix de la fugue.
L’une est simple et durable ; elle est fruit qui retarde ;
Mais la seconde fuit, que poursuit la troisième.
Des oreilles, des yeux accueille ces emblèmes,
Puis guide ta raison vers leurs signes secrets.
J’ai mis devant tes yeux l’appât de ces images :
L’esprit doit y trouver les choses précieuses.
Les biens de l’univers, les remèdes qui sauvent
Te seront tous donnés par ce double lion.
Michael Maier - Atalanta Fugiens, Epigramme de l'auteur, version française
...qu'ils ne goûteront peut-être même pas d'ailleurs, mais tout est dans l'art de la fugue, et cette fuite ne vous rappelle-t-elle pas une autre Atalante ?
(2) Ainsi, pour Dom Pernety, le fixe et le volatil. Atalante personnifierait ainsi le mercure volatil (ou la Lune), et Hippomène le soufre actif (ou le Soleil).
On trouvera une belle interprétation du tableau de Guido Reni chez Angèle Paoli, et l'étude la plus complète de l'Atalanta Fugiens (dans une perspective jungienne) chez Hervé Delboy. Egalement, la reproduction des emblèmes colorés chez Adam McLean. On peut lire l'Atalanta Fugiens ici ou là sur internet sans trop de peine - outre le lien vers la version française indiqué plus haut, on trouvera à feuilleter l'original latin ici dans l'Internet Archive.