George Clausen : Twilight - Interior (Reading by lamplight)
National gallery of Australia"Her finely touched spirit had still its fine issues, though they were not widely visible. Her full nature, like that river of which Cyrus broke the strength, spent itself in channels which had no great name on the earth. But the effect of her being on those around her was incalculably diffusive: for the growing good of the world is partly dependent on unhistoric acts; and that things are not so ill with you and me as they might have been, is half owing to the number who lived faithfully a hidden life, and rest in unvisited tombs."
George Eliot - (les dernières lignes de) Middlemarch, 1872
Trad. fr. Sylvère Monod
Robert Braithwaite Martineau - The Last Chapter, 1863 Birmingham Art Gallery
Middlemarch tient une part de son charme de son côté choral - à l'origine il s'agissait de deux romans distincts, mais Eliot décida finalement d'entremêler l'histoire du Docteur Lydgate et celle de Miss Brooke. Mais cette lente tapisserie a aussi son épaisseur : la relativité des choix moraux, l'ambigüité des sentiments, la labilité des positions sociales, tout cela sondé avec la précision des instruments du bon docteur.
Par un curieux chassé-croisé, Eliot commence Middlemarch au moment même où Flaubert achève l'Education sentimentale. Au coeur de l'Education, le tableau glaçant de la répression qui suit les journées de Juin 1848 - et en arrière-plan de Middlemarch, le luddisme, le bouillonnement de la campagne pour le Reform Act de 1832 - les préludes au mouvement chartiste.
Et pour les amateurs de mini-series, il existe ceci dans le meilleur style BBC, sous-titres anglais seulement :
Anthony page (dir.) Andrew Davies (scén.) - Middlemarch, 1994 Juliet Aubrey (Dorothea Brooke) Patrick Malahide (Rev. Edward Casaubon)
"Mr Casaubon... a sketch of your head would be invaluable to me, I assure you... St Thomas Aquinas"
(chap. XXII)
"Domenica
Giornata prima 7, Luglio 1647.
Ritrovandosi nel quartiere del mercato di Napoli un giovane di 24. anni, casato, huomo spiritoso, e faceto, di mezzana statura, d'occhio nero, piútosto magro, che grasso, con una zazzarina, e mostaccetto biondo, scalzo, in camicia, e calzonetti di tela, un berettino in testa da Marinaro, bello però d'aspetto, animoso, e vivace quanto dir si può, e gli effetti l'han dimostrato; la professionne di lui era di pescar pesciolini con la canna..."
"Dimanche 7 Juillet 1647 - Première journée
Dans le quartier du Mercato de Naples vivait un jeune homme marié de 24 ans, spirituel et facétieux, de taille moyenne, aux yeux noirs, plus maigre que gras, à la tignasse et aux petites moustaches blondes, aux pieds nus, vêtu d'une chemise et d'un pantalon court de toile, coiffé d'un béret marin, de belle apparence cependant et courageux et vif autant que dire se peut, comme la suite le démontra. Il gagnait sa vie en pêchant à la ligne du menu fretin..."
La Révolution de Naples se lit comme John Reed sur La Révolution d'octobre, ou Lissagaray sur la Commune - c'est la relation jour par jour de la décade du 7 au 16 Juillet 1647 qui vit Naples - la deuxième ville d'Europe après Paris au XVIIème siècle - se soulever victorieusement contre son vice-roi espagnol, le duc d'Arcos. Dans les pages de Giraffi, vous lirez comment Tommaso Aniello d'Amalfi, dit Masaniello, conduisit la révolte qui obtint l'abolition des taxes sur les denrées de première nécessité et le rétablissement de la parité des représentants du peuple et de la noblesse dans les assemblées (le rapport était devenu de 1 à 5 en faveur de la noblesse). Comment le vice-roi dut se rendre le 13 juillet à la cathédrale pour capituler publiquement devant ces demandes. Comment Masaniello devint, dit-on, subitement fou au moment où il vit lui échoir les responsabilités d'un pouvoir quasi-absolu (2) et comment il fut assassiné le 17 juillet par un complot de capitaines de quartiers soudoyés par les Espagnols.
Comme Giraffi n'a pas écrit de second tome, vous ne lirez pas ce qui s'ensuivit - comment, les taxes rétablies, la révolte reprit de plus belle et comment l'escadre de Don Juan d'Autriche vint bombarder Naples. Comment les habitants rédigèrent alors le Manifeste du peuple très fidèle de Naples pour en appeler au pape et autres princes d'Europe et comment nacquit en octobre 1647 la Repubblica Napoletana - mais cette fois-ci une république plus anti-espagnole que sociale, avec le soutien des Français et l'arrivée du duc de Guise. Comment cinq mois plus tard ledit duc, sans conviction, perdit la partie - et avec lui le peuple de Naples.
On sait par Colerus, le premier biographe de Spinoza, que ce dernier "s’attacha au dessin, qu’il apprit de lui-même, et il réussissait bien à tracer un portrait avec de l’encre ou du charbon. J’ai entre les mains un livre entier de semblables portraits, où l’on en trouve de plusieurs personnes distinguées qui lui étaient connues ou qui avaient eu occasion de lui faire visite. Parmi ces portraits, je trouve à la quatrième feuille un pêcheur dessiné en chemise, avec un filet sur l’épaule droite, tout à fait semblable pour l’attitude au fameux chef des rebelles de Naples, Mazaniello, comme il est représenté dans l’histoire, et en taille-douce.
A l’occasion de ce dessin, je ne dois pas omettre que le sieur Van der Spyck, chez qui Spinoza logeait lorsqu’il est mort, m’a assuré que ce crayon ou portrait ressemblait parfaitement bien à Spinoza, et que c’était assurément d’après lui-même qu’il l’avait tiré. Il n’est pas nécessaire de faire mention des personnes distinguées dont les portraits crayonnés se trouvent pareillement dans ce livre parmi ses autres dessins" (3).
(1) Mendes, d'origine Trinidadienne par son père, est un fan de cricket, deux raisons de s'intéresser à Netherland. Je reviendrai sur Netherland.
(2) Une tradition populaire veut que sa folie ait été provoquée par un hallucinogène, la proserpina, qui lui aurait été administré à l'occasion d'un banquet.
(3) Jean Colerus - La Vie de Spinoza, tirée des écrits de ce fameux Philosophe et du témoignage de plusieurs personnes qui l’ont connu particulièrement, 1706.
On trouve Middlemarch dans toutes les bibliothèques, un peu partout sur le web en anglais et, dans la traduction de 1890, ici.
Quant au livre de Giraffi, il est ici en italien dans l'édition originale et, s'il a attendu 2010 pour être traduit en français, il était disponible en anglais dès 1650, ici - en effet l'expérience napolitaine intéressait fort les Levellers. Sinon, il coûtera moins cher que le prochain Houellebecq, et fera bien plus d'usage.
Middlemarch tient une part de son charme de son côté choral - à l'origine il s'agissait de deux romans distincts, mais Eliot décida finalement d'entremêler l'histoire du Docteur Lydgate et celle de Miss Brooke. Mais cette lente tapisserie a aussi son épaisseur : la relativité des choix moraux, l'ambigüité des sentiments, la labilité des positions sociales, tout cela sondé avec la précision des instruments du bon docteur.
Par un curieux chassé-croisé, Eliot commence Middlemarch au moment même où Flaubert achève l'Education sentimentale. Au coeur de l'Education, le tableau glaçant de la répression qui suit les journées de Juin 1848 - et en arrière-plan de Middlemarch, le luddisme, le bouillonnement de la campagne pour le Reform Act de 1832 - les préludes au mouvement chartiste.
Et pour les amateurs de mini-series, il existe ceci dans le meilleur style BBC, sous-titres anglais seulement :
Anthony page (dir.) Andrew Davies (scén.) - Middlemarch, 1994 Juliet Aubrey (Dorothea Brooke) Patrick Malahide (Rev. Edward Casaubon)
"Mr Casaubon... a sketch of your head would be invaluable to me, I assure you... St Thomas Aquinas"
(chap. XXII)
A noter que Sam Mendes aurait une adaptation cinématographique de Middlemarch en projet, avec le même Andrew Davies à l'écritoire - ce roman est un rêve de scénariste. Un homme qui a filmé Revolutionary Road et qui a également Netherland (2) dans ses cartons ne peut être complètement mauvais.
Salvator Rosa - Portrait d'un philosophe
Via openlibrary
"Domenica
Giornata prima 7, Luglio 1647.
Ritrovandosi nel quartiere del mercato di Napoli un giovane di 24. anni, casato, huomo spiritoso, e faceto, di mezzana statura, d'occhio nero, piútosto magro, che grasso, con una zazzarina, e mostaccetto biondo, scalzo, in camicia, e calzonetti di tela, un berettino in testa da Marinaro, bello però d'aspetto, animoso, e vivace quanto dir si può, e gli effetti l'han dimostrato; la professionne di lui era di pescar pesciolini con la canna..."
"Dimanche 7 Juillet 1647 - Première journée
Dans le quartier du Mercato de Naples vivait un jeune homme marié de 24 ans, spirituel et facétieux, de taille moyenne, aux yeux noirs, plus maigre que gras, à la tignasse et aux petites moustaches blondes, aux pieds nus, vêtu d'une chemise et d'un pantalon court de toile, coiffé d'un béret marin, de belle apparence cependant et courageux et vif autant que dire se peut, comme la suite le démontra. Il gagnait sa vie en pêchant à la ligne du menu fretin..."
Alessandro Giraffi - (les premières lignes de)
Le Rivolutione di Napoli / La Révolution de Naples, 1647, trad. Jacqueline Malherbe-Galy et Jean-Luc Nardone, Anacharsis éd. 2010 pour l'édition française.
La Révolution de Naples se lit comme John Reed sur La Révolution d'octobre, ou Lissagaray sur la Commune - c'est la relation jour par jour de la décade du 7 au 16 Juillet 1647 qui vit Naples - la deuxième ville d'Europe après Paris au XVIIème siècle - se soulever victorieusement contre son vice-roi espagnol, le duc d'Arcos. Dans les pages de Giraffi, vous lirez comment Tommaso Aniello d'Amalfi, dit Masaniello, conduisit la révolte qui obtint l'abolition des taxes sur les denrées de première nécessité et le rétablissement de la parité des représentants du peuple et de la noblesse dans les assemblées (le rapport était devenu de 1 à 5 en faveur de la noblesse). Comment le vice-roi dut se rendre le 13 juillet à la cathédrale pour capituler publiquement devant ces demandes. Comment Masaniello devint, dit-on, subitement fou au moment où il vit lui échoir les responsabilités d'un pouvoir quasi-absolu (2) et comment il fut assassiné le 17 juillet par un complot de capitaines de quartiers soudoyés par les Espagnols.
Aniello Falcone (ca 1600 - 1665)
Ritratto di Masaniello/Portrait de Masaniello
Ritratto di Masaniello/Portrait de Masaniello
Museo di San Martino
Source : Wikimedia Commons
Comme Giraffi n'a pas écrit de second tome, vous ne lirez pas ce qui s'ensuivit - comment, les taxes rétablies, la révolte reprit de plus belle et comment l'escadre de Don Juan d'Autriche vint bombarder Naples. Comment les habitants rédigèrent alors le Manifeste du peuple très fidèle de Naples pour en appeler au pape et autres princes d'Europe et comment nacquit en octobre 1647 la Repubblica Napoletana - mais cette fois-ci une république plus anti-espagnole que sociale, avec le soutien des Français et l'arrivée du duc de Guise. Comment cinq mois plus tard ledit duc, sans conviction, perdit la partie - et avec lui le peuple de Naples.
On sait par Colerus, le premier biographe de Spinoza, que ce dernier "s’attacha au dessin, qu’il apprit de lui-même, et il réussissait bien à tracer un portrait avec de l’encre ou du charbon. J’ai entre les mains un livre entier de semblables portraits, où l’on en trouve de plusieurs personnes distinguées qui lui étaient connues ou qui avaient eu occasion de lui faire visite. Parmi ces portraits, je trouve à la quatrième feuille un pêcheur dessiné en chemise, avec un filet sur l’épaule droite, tout à fait semblable pour l’attitude au fameux chef des rebelles de Naples, Mazaniello, comme il est représenté dans l’histoire, et en taille-douce.
P. de Jode - Masaniello
Gravure réputée reproduire le dessin de Spinoza
Gravure réputée reproduire le dessin de Spinoza
A l’occasion de ce dessin, je ne dois pas omettre que le sieur Van der Spyck, chez qui Spinoza logeait lorsqu’il est mort, m’a assuré que ce crayon ou portrait ressemblait parfaitement bien à Spinoza, et que c’était assurément d’après lui-même qu’il l’avait tiré. Il n’est pas nécessaire de faire mention des personnes distinguées dont les portraits crayonnés se trouvent pareillement dans ce livre parmi ses autres dessins" (3).
(1) Mendes, d'origine Trinidadienne par son père, est un fan de cricket, deux raisons de s'intéresser à Netherland. Je reviendrai sur Netherland.
(2) Une tradition populaire veut que sa folie ait été provoquée par un hallucinogène, la proserpina, qui lui aurait été administré à l'occasion d'un banquet.
(3) Jean Colerus - La Vie de Spinoza, tirée des écrits de ce fameux Philosophe et du témoignage de plusieurs personnes qui l’ont connu particulièrement, 1706.
On trouve Middlemarch dans toutes les bibliothèques, un peu partout sur le web en anglais et, dans la traduction de 1890, ici.
Quant au livre de Giraffi, il est ici en italien dans l'édition originale et, s'il a attendu 2010 pour être traduit en français, il était disponible en anglais dès 1650, ici - en effet l'expérience napolitaine intéressait fort les Levellers. Sinon, il coûtera moins cher que le prochain Houellebecq, et fera bien plus d'usage.
Et pendant ce temps-là...
...les chats font leurs valises...
...la licence globale, version privatisée, c'est fait.
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