15/07/2010

Une semaine de whisky (4) : Cedar tavern



Quand il publie City life, Barthelme vit depuis huit ans à New-York (1) où il a emménagé en octobre 1962, appelé par le critique d'art Harold Rosenberg pour y travailler comme editor du magazine Location. Rosenberg est celui qui a baptisé en 52 l'action painting - avec son pair et  rival Clement Greenberg ils formaient alors le duo des théoriciens de l'expressionnisme abstrait. Pollock était le poulain de Greenberg, Willem De Kooning celui de Rosenberg - et le héros de Barthelme par voie de conséquence.



Willem De Kooning
Mis en ligne par recassorosa


Barthelme avait déjà très probablement un problème d'alcool avant de quitter Houston, mais c'est à New-York qu'il se met à boire régulièrement, comme le remarque Helen Moore, sa seconde femme "dès mon arrivée à New-York, je réalisai immédiatement que Don buvait maintenant de façon excessive. A Manhattan, il y avait sans fin des raisons de boire, parmi lesquelles les clubs de jazz..." (2). Mais aussi les buffets des vernissages, et Rosenberg fonctionnant imperturbablement au scotch, et les soirées chez Elaine de Kooning. Et le Cedar Tavern dans ses heures de gloire.

C'est tout juste la fin de la grande époque - au Cedar les expressionistes ont depuis longtemps suffisamment d'argent pour passer de la bière au whisky, le studio d'Elaine de Kooning est au centre de ce petit monde, on y voit même JFK se faire faire le portrait et avant que le tableau soit fini, il est tué, Elaine s'arrête de peindre pendant un an. 

L'expressionisme abstrait est en un sens déjà fini - chez Sidney Janis l'exposition de Willem de Kooning, en mars 62, a été un flop et les prix baissent. Six mois plus tard la même galerie expose les boîtes de soupes Campbell d'Andy Warhol et le marché de l'art se tourne vers de nouvelles valeurs. Franz Kline meurt en mai 62, Pollock n'est déjà plus de ce monde. Le vieux Cedar Tavern du 24 University Park  ferme en avril 63 pour réouvrir quelques blocs plus loin, mais la magie s'est envolée. Et Location, la revue que voulait Rosenberg, ne durera pas plus de deux numéros.



Michelangelo Antonioni - La notte, 1961
Mis en ligne par paradeschannel


Pourtant, c'est en cet automne de 63 que Barthelme place au New-Yorker une première nouvelle, L'lapse (3) une satire des films d'Antonioni, en forme de script (La notte avait été programmée à New-York l'année précédente). Un critique de cinéma, Marcello, apprend les astuces du métier à sa protégée, Anna (elle a tendance à sucer son pouce).

ANNA (removes thumb): But, Marcello, I didn't like the picture. I was bored.
MARCELLO: Look, sweets, it doesn't matter you were bored. The point is, you were bored in a certain way. Like brilliantly.




(à suivre)

(1) Auparavant il a toujours habité sa ville natale, Houston,  Texas, où il a dirigé le Musée d'art contemporain.

(2) Helen Moore Barthelme - Donald Barthelme, the genesis of a cool sound, Texas AM University Press, 2001, p. 141.

(3) Republié dans The teachings of Don B., 1992.

Aucun commentaire: