11/03/2014

Société du spectacle : Billy Sunday


George Bellows - Billy Sunday, 1923, lithographie




Ceci est la réédition d'un billet de Décembre 2008, dont la partie sonore était devenue inaudible, ce qui était bien dommage.  Je ne réédite pas systématiquement, seulement quand  l'original est devenu en partie ou totalement inaccessible.

Joueur de base-ball célèbre, Billy Sunday fut touché par la grâce par un après-midi de 1886, alors qu'assis sur le trottoir après avoir descendu quelques bières il écoutait un prêcheur à un coin de rue de Chicago. Devenu lui-même le plus populaire de ces évangélistes urbains qui installaient leurs tentes aux portes des grandes villes, il drainait des foules à partir de 1896 et jusqu'à la fin de la première guerre mondiale - époque où les premières salles de cinéma se mirent à concurrencer les "tabernacles" de bois où il réunissait ses ouailles. Mais il continua jusqu'à sa mort en 1935, et on estime qu'au long des ces quarante ans il avait pu faire dans les cent millions d'entrées, contribuant de façon significative à l'adoption du 18ème amendement, c'est-à-dire de la prohibition.

C'était un fondamentaliste de son temps, ennemi du darwinisme, de la danse, des jeux de carte, de la lecture des romans et de l'intervention de l'état dans l'économie. Mais c'était aussi un homme d'affaires pragmatique à l'écoute de sa clientèle, capable en 1925, à Memphis, d'organiser des soirées distinctes - l'une admettant les noirs dans une zone ségréguée, et l'autre à l'intention du Ku-Klux-Klan.

A part les fondamentalistes de notre temps (certes nombreux, grâce à eux on peut réécouter ses sermons ici et y réassister ) qui se souviendrait de Billy Sunday s'il n'avait pas inspiré les artistes ? Il ya les deux gravures de Bellows, bien sûr, mais aussi les romans de Sinclair Lewis. Il n'est pas sûr que les évangélistes itinérants de Babbitt...


...et surtout d'Elmer Gantry...


...soient directement inspirés de Billy Sunday - mais ce qui est sûr c'est que ce dernier, après la parution de Gantry, classa Lewis "dans la cohorte de Satan". Et après tout il y a fort à parier que Sunday était au premier abord tout aussi sympathique que ce personnage, tenez...


)
Burt Lancaster, dans le rôle d'Elmer Gantry, chante I'm on my way to Canaan's land,
avec ses nouveaux amis afro-américains.

Réalisateur : Richard Brooks 1960, d'après le roman de Sinclair Lewis
Mis en ligne par Zaychatina.



Et puis il y a ces deux chansons.

La première, Chicago, est écrite par Fred Fisher en 1922 et rendue célèbre par Frank Sinatra...



)
Mis en ligne par Ian Barrett



"Chicago... the town that Billy Sunday couldn't shut down" : où la Babylone des grands lacs clame, par la voix du copain de Sam,  sa résistance à la moralisation. Il paraît que certains des cantiques favoris de Sunday, comme "Brighten the Corner Where You Are", étaient détournés en chansons à boire dans les bars clandestins de l'ère de la prohibition.

Chicago, Chicago that toddling town
Chicago, Chicago I will show you around - I love it
Bet your bottom dollar you lose the blues in Chicago, Chicago
The town that Billy Sunday couldn't shut down

On State Street, that great street, I just want to say
They do things they don't do on Broadway
They have the time, the time of their life
I saw a man, he danced with his wife
In Chicago, Chicago my home town

Chicago, Chicago that toddlin' town
Chicago, Chicago I'll show you around - I love it
Bet your bottom dollar you lose the blues in Chicago, Chicago
The town that Billy Sunday could not shut down

On State Street, that great street, I just want to say
They do things that they never do on Broadway -- say
They have the time, the time of their life
I saw a man and he danced with his wife
In Chicago, Chicago, Chicago -- that's my home town.




La deuxième, c'est le Billy Sunday (The blues by the Jews) de Leonard Cohen :




Mis en ligne par PAUL T. Lynch


My name is Billy Sunday I speak in the name of God.
They call me Billy Sunday I speak in the name of God
And God is always angry
Just in case you think He's not

He's angry at your body

For reasons that are His

He doesn't like your body
According to reasons that are only His
I'd like you to know He's very very angry
But that's just the way He is
He's angry at the spirit

That is turned away from Him

He's angry at the spirit
That's turned away from Him
If He ever gets His Hands on it
He's gonna tear it limb from limb


They call me Billy Sunday
I speak in the name of God
They call me Billy Sunday

I speak in the name of God
And God is always angry

Just in case you think He's not



Les premières traces connues de cette chanson Billy Sunday (The blues by the Jews) remonte à une série de concerts (Birmingham, Manchester, etc.) de Décembre 1979. La chanson fait partie des prestations live de Cohen qui n'ont jamais été gravées sur disque, mais dont certains possèdent des enregistrements qui circulent ici ou là - ici la version du concert de Dublin, ma préférée.


He's angry at the universe
He drives him up the wall
I could say for a fact
He's not pleased with this universe
He drives him up the wall
He's sorry that He ever thought of you and me at all

He's angry when you're dying
And He's angry when you're dead
And you're always one or the other
He's angry when you're dying
And He's angry when you're dead
And He's furious at me
For everything I've ever said
If you feel His anger some night
Let's say in a Motel room at three a.m.
If you feel His awesome anger
In your Hotel room let's say at three a.m.
It turns out that He's still very angry
That you took so long to be afraid of Him

They call me Billy Sunday
I speak in the name of God
They call me Billy Sunday
I speak in the name of God
I came here to tell you that God is always angry
Just in case you think He's not

If you fall asleep some night
Which everybody does
If you have the nerve to go to sleep one tired night
Which most everybody does
And you happen to have some silly dream
To Him it's very serious.
And if some lonely night you ask yourself
Where all the pretty girls are gone ?
Some night you're gonna ask yourself where where
Where are those pretty girls gone
Then He blows away the little scraps of paper
That they write their names and numbers on
Then you find that you get down on your knees
And you want to renounce for all time a woman's sweet caress
You have some vocation that makes you kneel down
And renounce for eternity a woman's sweet caress
Then He causes you do touch yourself
As soon as you undress

They call me Billy Sunday
I speak in the name of God
They call me Billy Sunday
I speak in the name of God
And God is always angry
Just in case you think He's not.



Voilà, c'est le printemps avant terme, pour les chats comme pour les chiens, pour les pécheurs et pour les saints, et même pour les évangélistes. Profitez-en, car ça vaut mieux, bien mieux que de ressentir l'épouvantable colère de Dieu, seul dans une chambre de motel à trois heures du matin.

5 commentaires:

Patricia a dit…

Malgré ce bel article, j'ai le sentiment que Billy Sunday fut un opportuniste et un baratineur.

loeildeschats a dit…

Et même pire que ça... J'espère ne pas avoir donné l'impression de faire son éloge...

Patricia a dit…

J'ai essayé de minimiser mes propos quant au personnage.
Non, l'article ne donne pas l'impression d'un éloge, sauf peut-être une partie de phrase qui pourrait être mal interprétée : ..."qui se souviendrait de Billy Sunday s'il n'avait pas inspiré les artistes ?".

loeildeschats a dit…

Il les a inspirés, si l'on peut dire, contre son gré - par exemple il y a un beau poème de Carl Sandburg : To Billy Sunday et ce poème correspond tout à fait à votre réaction

Patricia a dit…

En effet, c'est un beau poème que celui de Carl Sandburg. Une phrase que je retiens car elle confirme mon sentiment : "I won't take my religion from a man who never works except with his mouth and never cherishes a memory except the face of the woman on the American silver dollar"...