23/05/2008

Le bar du coin : Café Momus


C'est vers 1833 que Thomas Shotter Boys, natif de Pentonville près d'Islington dans les faubourgs de Londres, et parisien d'adoption de 1823 à 1837, peignit à l'aquarelle La rue des prêtres-Saint-Germain l'Auxerrois. A gauche, l'église précédée de boutiques et de la petite chapelle extérieure, détruite en 1838, dont on voit les combles qui servirent de charniers pour le petit cimetière paroissial disparu. Au fond, la Petite rue Saint-Germain-l'Auxerrois menait jusqu'à la rue de la Monnaie. A droite le café Momus, au 17 de la rue.

L'immeuble servit à loger le clergé de la paroisse à la Révolution, quand le presbytère fut confisqué. Peu après
Le journal des débats s'y installe le 3 Pluviôse an VIII (23 Janvier 1800) et y restera jusqu'en 1940. Le café, au rez-de-chaussée, accueille ceux qui y écrivent et devient un des lieux littéraires de la Restauration : Chateaubriand, Benjamin Constant, Saint-Beuve, Balzac, Hugo viennent y boire puis, sous la Monarchie de Juillet, la jeune génération suit les aînés aux mêmes tables, généralement autour d'une seule consommation : Baudelaire, Nerval, Saint-Marc Girardin, Courbet, Wallon, Asselineau, Champfleury et Henry Murger qui fait se dérouler chez Momus une bonne partie des Scènes de la vie de Bohême.

Ce qui est aussi le cas, évidemment, de
La Bohême de Puccini.



Mis en ligne par AliceBathory00
Scala 1979 : la valse de Musette (Quando m'en vo' soletta per la via...) Lucia Popp

Le café ferme en 1861, un marchand de couleurs reprenant le local...


...que le journal récupéra un peu plus tard. Et en 1875 on détruit l'hôtel qu'on voit au fond de l'aquarelle de Boys, avec sa tourelle d'angle du XVIème.

En 1942, un demi-siècle avant Aki Kaurismäki, Marcel L'Herbier adapte La vie de bohême au cinéma. Georges Wakhévitch, le "constructeur de songes", bâtit aux studios de la Victorine à Nice un décor...




...qui s'inspire largement de l'aquarelle de Boys. En 1925 la construction de la Samaritaine fait disparaître la Petite rue Saint-Germain-l'Auxerrois. L'immeuble du café est ensuite occupé par une clinique, puis de nouveau par un café-restaurant et aujourd'hui par un hôtel.


Certains soirs fort tard, on peut voir devant le n°17 le fantôme de Chateaubriand donner le bras à celui de Musette pour qu'elle ne reste pas soletta per la via - puis ils s'en vont, suivis d'un fantôme de chat noir, celui dont parle Champfleury - autre client régulier citant les Mémoires d'Outre-tombe dans son livre le plus célèbre (1) - ce chat qui hantait déjà le vicomte enfant - "les gens étaient persuadés qu'un certain comte de Combourg à jambe de bois, mort depuis trois siècles, apparaissait à certaines époques, & qu'on l'avait rencontré dans le grand escalier de la tourelle. Sa jambe de bois se promenait aussi seule avec un chat noir" (2).



(1) Jules Husson, dit Champleury, Les Chats : histoire, mœurs, observations, anecdotes, p. 39

(2) François-René de Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, 1ère partie, livre III, chap. 3. On peut lire ici l'histoire du marquis de Coëtquen et de sa jambe de bois, et on peut même y voir la momie du chat noir.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

I'm fascinated by the history of the location of Cafe Momus so I'd really love to have this article translated into English, if somebody would be so kind :-)

Anonyme a dit…

I'm fascinated by the history of the location of the famous Cafe Momus and would love to have this article translated into English to relieve my own poor attempts at it, if somebody would be so kind.

H.D a dit…

Merci beaucoup pour ce article, le seul que j'ai trouvé sur internet donnant plus d'information sur ce légendaire Café Momus. C'est comme meme dommage de voir comme une ville change, souvent en pire, au moins pour moi; je l'aurai préféré avec la toute petite rue, la tourelle, et les artistes dans le Momus. Les vieilles images me font penser à Naples d'aujourd'hui, la seule ville qui m'à donné l'impression d'avoir une encore de l'authenticité, en se promenant entre les quartiers espagnols. Encore merci,

H.D