31/01/2021

30/01/2021

Une chanson pour le vieux clocher

L. S. Lowry - The Tollbooth, Glasgow, 1947

 

Le Tollbooth dans la tradition des villes écossaises, c'est le bâtiment municipal avec sa salle du conseil, son tribunal et sa prison (pour dettes, notamment). Et donc du Tollbooth de Glasgow il ne reste que le clocher mais de 1626 à 1814, ça ressemblait à ça :


 


 

Et c'était évidemment environné de pubs où on chantait peut -être...

 

 



Robert Burns - What Can a Young Lassie ?
 
 
 
Et, à propos de Robert Burns, déjà.
 
De L. S. Lowry, déjà aussi

29/01/2021

Les transports intimes


David Carmack Lewis - Study, 2002
 
 
 
 
David Carmack Lewis - Three Directions, 1998

 

 

De la série Psychodramas, 1995-2004

 

 

Et de Carmack Lewis, déjà.

27/01/2021

Un billet pour l'Underground

Charles White – General Moses (Harriet Tubman), 1965

Encre sur papier

Collection privée
 

 

Harriet Tubman, (ca1822 - 1913), elle-même esclave fugitive, prit part à l'organisation de l'Underground Railroad entre le Maryland et la Pennsylvanie. Elle sauva ainsi quelque soixante-dix esclaves en treize expéditions, ce qui lui valut le surnom de Moïse. Elle participa activement à la Guerre Civile du côté des Fédérés.

L'administration Obama avait prévu de faire figurer son portrait sur le billet de 20$ à la place d'Andrew Jackson. La présidence suivante jugea que ce n'était pas une priorité. D'après une récente déclaration, Harriet Tubman devrait bien être un jour la première personne noire à figurer sur un billet états-unien. Elle ne sera pas la première la femme, car Pocahontas se faufile sur le billet de 10$ dans les années 1869 à 1880, tandis que Martha, épouse de George Washington, est en majesté mais à prix réduit sur le 1$ de 1886.

Mais, si l'on prend en compte les billets émis par la Confédération, la première femme à apparaître sur du papier-monnaie dans les contrées aujourd'hui états-uniennes est Lucy Pickens, sur le billet confédéré de 100$ en 1864 (1). Lucy Pickens, First Lady de Caroline du sud, était blanche, possédait une grande plantation et 276 esclaves.

 

Lucy Pickens, qui fut propriétaire

 

 

Harriet Tubman, qui fut propriété
(projet, dessin préliminaire du Trésor états-unien, rendu public par le New York Times. Andrew Jackson, qui lui aussi posséda des esclaves, devrait demeurer au verso)

 

 

On trouvera sur cette page une photo récemment retrouvée d'Harriet Tubman.

Et de Charles White, déjà. Et à propos d'Harriet Tubman, déjà aussi.

 

 

 

(1) Les billets sudistes portaient la mention "two years after the ratification of a treaty of peace between the Confederated States and the United States of America the Confederated States will pay to the bearer..." car la Confédération ne disposait pas de réserves d'or ou d'argent suffisantes pour garantir leur convertibilité. De la monnaie de singe, mais de singe esclavagiste. Quelqu'un dans la salle me souffle que les singes n'ont pas d'esclaves et que seuls les hommes... Mes excuses aux singes. Et d'autres excuses encore parce que.

26/01/2021

Un petit coup de fatigue


Léon Spilliaert - Le masque fatigué, 1919

Aquarelle et gouache sur papier

25/01/2021

Les journées de Pénélope : à moins de tomber tout simplement folle ou d'épouser un disc-jockey


Remedios Varo - En brodant le manteau terrestre, 1961

Huile sur panneau

 

 

Il s'agit du panneau central d'un triptyque, également connu pour avoir été cité par Thomas Pynchon dans son roman Crying of lot 49 / Vente à la criée du lot 49. Comme on sait, les deux personnages centraux sont Oedipa Maas et son boy-friend millionnaire (mais mort) Pierce Inverarity, et... 

 

À Mexico, ils étaient entrés par hasard dans une galerie de tableaux où exposait Remedios Varo, une splendide réfugiée espagnole. Sur le panneau central d’un triptyque intitulé Bordando el Manto Terrestre, on pouvait voir un groupe de frêles jeunes filles aux visages en forme de cœur, avec des yeux immenses, des cheveux d’or filé, elles étaient prisonnières au sommet d’une tour circulaire, et elles brodaient une sorte de tapisserie qui pendait dans le vide par une meurtrière, et qui semblait vouloir désespérément combler le vide : car toutes les maisons, toutes les créatures, les vagues, les navires et toutes les forêts de la terre étaient contenus dans cette tapisserie, et cette tapisserie, c’était le monde. Œdipa s’était mise à pleurer en regardant ce tableau. Personne ne l’avait remarquée ; elle portait des lunettes vert sombre. Si les larmes restaient prisonnières derrière les lunettes, elle conserverait ainsi ce moment de tristesse, voyant le monde s’iriser à travers ses larmes, celles de cet instant, comme si des indices de réfraction encore inconnus pouvaient varier d’une crise de larmes à l’autre. 


 

Edition paperback de 1967

Elle avait regardé à ses pieds et compris, grâce à un tableau, que cette matière qu’elle foulait avait été tissée à peut-être trois mille kilomètres de là dans sa propre tour, que c’était devenu Mexico par le plus grand des hasards, si bien que Pierce ne l’avait arrachée à rien, et qu’elle ne s’était pas échappée. À quoi souhaitait-elle tant échapper ? Une telle captive, avec tout son temps pour penser, comprend bientôt que sa tour, sa hauteur, son architecture, sont purement accidentelles, comme sa personnalité : elle comprend que ce qui la retient où elle est est de nature magique, anonyme et maligne, et que cela lui est imposé sans raison. Sans rien d’autre que l’angoisse qui lui tord le ventre et son intuition féminine pour déchiffrer cette magie informe, en comprendre le mécanisme, en mesurer les champs magnétiques, en compter les lignes de force, elle risque de tomber dans la superstition, ou encore de se consacrer à un passe-temps utile comme la broderie, à moins qu’elle ne tombe tout simplement folle ou qu’elle épouse un disc-jockey. Si la tour est partout et si le cavalier par qui viendra la délivrance est vulnérable à cette magie, alors… 

trad. de Michel Doury, Seuil éd. 1987

 

Pynchon a probablement vu le triptyque exposé à Mexico en 1962 ou 1964. Quant aux écarts entre le panneau et l'interprétation qu'en fait Oedipa/Pynchon, on peut les voir analysés par là

Ajoutons que si vous n'avez pas eu votre content de complots et de conspirations en ouvrant votre journal du matin, vous vous régalerez à la lecture ou à la relecture (voire à l'infinie dissection) de Vente à la criée du lot 49.

 


 

24/01/2021

Le printemps des poètes

Yokoyama Seiki - Mésange sur une branche de saule, 1826

Gravure sur bois, encre et couleurs sur papier

Minneapolis Institute of Art
 

  

 

La mésange illustre une collection de 101 poèmes. L'édition a été financée par une association poétique, peut-être à l'occasion d'un rassemblement d'auteurs. Etait-ce réellement au printemps, comme l'indiquent les fleurs de saule ? C'était en tout cas en la sixième année du règne calamiteux de l'empereur Daoguang et les mésanges, les poètes et les saules n'avaient plus que quinze ans de tranquillité devant eux.

 

 

Mais pendant ce temps-là...

...on se demande bien si Vinclair ne va pas /

bientôt devoir donner une suite à cela 

 

 

 

23/01/2021

Le greffe : Bang (en plus, ça ne coûte rien...)


Ill. de couverture par Elrik


C’était quoi, le chat de Schroedinger ? Eh bien, expliqua le physicien qui déposa devant nous la première fois que sortit l’affaire, Schroedinger était un type qui avait découvert un machin appelé mécanique quantique. Ah ! Oui, au fait, c’était quoi, la mécanique quantique ? Eh bien, nous expliqua le physicien, fondamentalement, c’était une nouvelle manière de considérer la physique. Cette explication ne paraissant pas entièrement satisfaire les politiciens endurcis de la Commission interministérielle, il fit une nouvelle tentative. La mécanique quantique, poursuivit-il, tire son nom de la découverte par Schroedinger que l’énergie, par exemple, ne s’écoulait pas sous la forme d’un flot continu, comme l’eau d’un robinet (bien que, se corrigea-t-il, même l’eau qui coule d’un robinet ne forme un flot continu qu’en apparence, étant en réalité composée de molécules, d’atomes et même de particules encore plus petites), l’énergie, donc, ne s’écoulait pas en flot continu mais sous la forme de paquets unitaires dénommés quanta. Le quantum fondamental de lumière était le photon. Bon, voilà que nous commencions à nous sentir sur un terrain un peu plus solide parce que même les sénateurs et les membres du Congrès avaient entendu parler des photons. Mais voilà qu’il anéantit nos espoirs en revenant à son chat. Qu’est-ce que ce chat venait faire dans cette galère ? Eh bien, dit le physicien, hésitant quelque peu en voyant nos expressions, il s’agissait d’une sorte d’expérience de pensée proposée par Schroedinger. Voyez-vous, il faut également parler de cette autre chose appelée principe d’incertitude d’Heisenberg. Et à quoi ressemblait-il donc, ce principe d’incertitude d’Heisenberg ? « Eh bien », fit-il, en se trémoussant, mal à l’aise, sur sa chaise de témoin, « c’est un peu dur à expliquer…»

De ce côté-là, il avait tort. Ce n’était franchement pas dur à expliquer. C’était simplement dur à comprendre. Selon Heisenberg, on ne pouvait jamais connaître simultanément la position et le mouvement d’une particule. Vous pouviez savoir soit où elle se trouvait, soit où elle se dirigeait. Pas les deux en même temps.

Pis que ça, il y avait certaines questions auxquelles non seulement on ne pouvait pas trouver de réponse mais qui n’en avaient pas, et c’est là qu’intervenait le chat. Imaginez que vous mettiez un chat dans une boîte, disait Schroedinger. Supposons que vous l’y mettiez avec une particule radioactive qui ait exactement une chance sur deux de fissionner. Supposons en outre qu’avec le chat et le radionucléide, vous introduisiez un bidon de gaz empoisonné muni d’une valve qui s’ouvre si la particule fissionne. Puis vous considérez la boîte de l’extérieur en vous demandant si le chat est vivant ou mort. Si la particule a fissionné, il est mort. Dans le cas contraire, le gaz n’a pas été libéré et le chat est vivant.

Mais de l’extérieur, on n’a aucun moyen de savoir si c’est vrai. De l’extérieur, il y a cinquante chances sur cent que le chat soit vivant.

Seulement, un chat ne peut pas être vivant à cinquante pour cent.

 

 

Eric G. Iverson - Ill. de couverture pour Analog,  Janvier 1968,
Frederik Pohl, The Coming of the Quantum Cats, part 1/4


Donc, triompha le physicien en nous contemplant, l’air radieux du plaisir d’avoir été si limpide, le piquant de la chose, c’est que les deux sont bel et bien vrais. Le chat est vivant. Le chat est mort. Mais chaque déclaration est vraie dans un univers particulier. Au point de décision, l’univers se sépare – et désormais, jusqu’à la fin des temps, vont se dérouler deux univers parallèles. Un univers au chat vivant et un univers au chat mort. Un univers différent chaque fois qu’intervient une réaction sub-nucléaire susceptible d’avoir deux résultats – car les deux résultats se réalisent, et les univers se multiplient à l’infini.

À ce point du raisonnement, le sénateur Kennedy se racla la gorge. « Ah-hum, docteur Fass, dit-il, tout ceci est fort intéressant, à titre d’exercice spéculatif. Mais dans l’univers réel, il nous suffit d’ouvrir la porte pour constater que le chat est mort, quoi ?

— Non, non, sénateur ! s’écria le physicien. Non, c’est entièrement faux. Tous sont réels. »

Nous nous dévisageâmes. « Au sens mathématique, vous voulez dire ? hasarda Kennedy.

— Dans tous les sens du terme », s’exclama Fass, en hochant la tête avec force. « Ces univers parallèles, créés au rythme de plusieurs millions chaque microseconde, sont tout aussi “réels” que celui dans lequel je témoigne devant vous. Ou pour situer les choses dans un contexte différent, l’univers que nous habitons est exactement aussi “imaginaire” que tous ces autres. »

Nous en restâmes cloués sur place comme de vulgaires pantins, tous les dix-huit, sénateurs et députés venus de tous les coins des États-Unis, à nous demander si ce bonhomme cherchait à nous rouler dans la farine – et à nous demander ce que tout cela signifiait si ce n’était pas le cas. Un député du New Jersey se pencha pour me souffler à l’oreille : « Voyez-vous une quelconque application militaire de tout ceci, Dom ?

— Demandez-lui, Jim », lui murmurai-je, et, lorsqu’il lui posa la question, le physicien parut étonné.

« Oh ! je vous demande pardon, messieurs… et mesdames ; bien sûr », ajouta-t-il en adressant un signe de tête au sénateur Byrne. « Je pensais m’en être parfaitement expliqué. Bon. Supposons que vous désiriez lancer une bombe H sur une ville, une installation militaire ou n’importe quoi, n’importe où dans le monde. Vous construisez votre bombe. Vous l’emportez dans l’un des univers parallèles. Vous l’amenez à la latitude et la longitude de Tokyo – enfin, je veux dire, l’endroit que vous avez choisi –, la réintroduisez dans notre monde et la faites sauter. Boum. Quel que soit l’objectif, il est détruit. Si vous avez dix mille objectifs – mettons, l’intégralité de la capacité en missiles d’un autre pays – vous n’avez qu’à fabriquer dix mille bombes et les balancer toutes à la fois. Il n’y a aucune parade. Les autres ne peuvent pas les voir arriver. Parce que, dans leur univers, aucune bombe n’arrive… jusqu’au moment où elle est là. »

Sur quoi il se recula dans son siège, apparemment très content de lui.

Nous fîmes de même. Et nous nous dévisageâmes. Mais je ne crois pas qu’aucun de nous fût ravi outre mesure.

Mais même cela n’aurait pu emporter l’adhésion de la commission, hormis un point d’importance. Je l’ai déjà mentionné : même si ce programme ne marchait pas, comme nous le pensions tous, et comme la plupart d’entre nous l’espérait, on n’y perdrait pas grand-chose.

Car il ne coûtait quasiment rien.

 

Frederik Pohl, L'avènement des chats quantiques

 Trad. de Jean Bonnefoy, Denoël éd. 1987 

 

 

 

22/01/2021

Un peu avant de grimper la colline


Amanda Gorman lit son poème In This Place, An American Lyric à la Bibliothèque du Congrès,
à l'occasion de la lecture inaugurale de la Poet Laureate Tracey K. Smith, 13 septembre 2017, trois ans et demi avant The Hill We Climb
Mis en ligne par Amanda Gorman

 


There’s a poem in this place—

in the footfalls in the halls

in the quiet beat of the seats.

It is here, at the curtain of day,

where America writes a lyric

you must whisper to say.

There’s a poem in this place—

in the heavy grace,

the lined face of this noble building,

collections burned and reborn twice.

There’s a poem in Boston’s Copley Square

where protest chants

tear through the air

like sheets of rain,

where love of the many

swallows hatred of the few.

There’s a poem in Charlottesville

where tiki torches string a ring of flame

tight round the wrist of night

where men so white they gleam blue—

seem like statues

where men heap that long wax burning

ever higher

where Heather Heyer

blooms forever in a meadow of resistance.

There’s a poem in the great sleeping giant

of Lake Michigan, defiantly raising

its big blue head to Milwaukee and Chicago—

a poem begun long ago, blazed into frozen soil,

strutting upward and aglow.

There’s a poem in Florida, in East Texas

where streets swell into a nexus

of rivers, cows afloat like mottled buoys in the brown,

where courage is now so common

that 23-year-old Jesus Contreras rescues people from floodwaters.

There’s a poem in Los Angeles

yawning wide as the Pacific tide

where a single mother swelters

in a windowless classroom, teaching

black and brown students in Watts

to spell out their thoughts

so her daughter might write

this poem for you.

There's a lyric in California

where thousands of students march for blocks,

undocumented and unafraid;

where my friend Rosa finds the power to blossom

in deadlock, her spirit the bedrock of her community.

She knows hope is like a stubborn

ship gripping a dock,

a truth: that you can’t stop a dreamer

or knock down a dream.

How could this not be her city

su nación

our country

our America,

our American lyricto write—

a poem by the people, the poor,

the Protestant, the Muslim, the Jew,

the native, the immigrant,

the black, the brown, the blind, the brave,

the undocumented and undeterred,

the woman, the man, the nonbinary,

the white, the trans,

the ally to all of the above

and more?
Tyrants fear the poet.

Now that we know it

we can’t blow it.

We owe it

to show it

not slow it

although it

hurts to sew it

when the world

skirts below it.

Hope—

we must bestow it

like a wick in the poet

so it can grow, lit,

bringing with it

stories to rewrite—

the story of a Texas city depleted but not defeated

a history written that need not be repeated

a nation composed but not yet completed.

There’s a poem in this place—

a poem in America

a poet in every American

who rewrites this nation, who tells

a story worthy of being told on this minnow of an earth

to breathe hope into a palimpsest of time—

a poet in every American

who sees that our poem penned

doesn’t mean our poem’s end.

There’s a place where this poem dwells—

it is here, it is now, in the yellow song of dawn’s bell

where we write an American lyric

we are just beginning to tell.

21/01/2021

Le greffe : tu es sur la bonne voie, Philip

François Schuiten (dessin) et Laurent Durieux (couleur) - Le dernier pharaon, une aventure de Blake et Mortimer d'après les personnages d'Edgar P. Jacobs

Scénario de Jaco van Dormael, Thomas Gunzig et François Schuiten

Blake et Mortimer éd. 2019
 

20/01/2021

Les vacances du bestiaire : Barry Blitt

Barry Blitt - A Weight lifted

Ill. pour le New Yorker, 25 janvier 2021