Pendant qu’ils sont la-bas rivés à des labeurs
Éternels par la griffe implacable des chaînes
Ayant sur eux la Chiourme au-dedans des géhennes
Et crachant en jurons immondes leurs rancœurs
O Forçats ! Tout le Bien que leur misère inspire
C’est de battre la caisse avec ces désespoirs
Ici dans un boulet le Passant trouve à rire
Et la chaîne en gros sous tinte sur les comptoirs
Maxime Lisbonne avait commandé les troupes de la Commune sur le front d'Issy, puis sur les remparts entre les portes de Vanves et d’Auteuil, enfin, pendant la semaine sanglante, au Panthéon et au Château d'Eau. Le 25 mai 1871 il est gravement blessé à la barricade de la rue Amelot et amputé. Trois jours plus tard, il est arrêté par les Allemands qui le livrent aux Versaillais qui le soignent (mal) et le torturent, le condamnent à mort par deux fois et finalement le grâcient pour l'envoyer aux travaux forcés en Nouvelle-Calédonie. Après l'amnistie de 1880, il ouvre à Paris une série de brasseries, à commencer par la Taverne du Bagne, à l’angle du boulevard de Clichy et de la rue des Martyrs.
À la porte de droite, des gardiens de la paix, placides, facilitent
l’entrée en faisant ranger les arrivants. Par la porte de gauche sortent
les clients qui viennent de consommer, (et de payer), et que
l’ingénieux impresario appelle les « libérés ».
L’estampe, malheureusement, ne peut pas nous montrer l’intérieur de la
taverne, avec ses fanaux, ses murs en planches ornés de portraits de
forçats (dont plusieurs sont aujourd’hui députés); elle ne peut pas nous
montrer la foule servie par les garçons-galériens, à têtes de figurants
de l’Ambigu, en casaque rouge, en bonnet vert, la chaîne au pied, un
boulet de fer-blanc à la ceinture; ni les fac-similé de
gardes-chiourmes, le briquet sous le bras. Elle ne peut reproduire les
appels de cloche et les coups de sifflet de manœuvre, ni donner l’idée
de la voie caverneuse avec laquelle les pseudo-forçats à qui vous
demandez un bock, répètent : Un boulet ! un !
Henri Beraldi Les graveurs du XIXe siècle : guide de l'amateur d'estampes modernes. T. 4, 1885-92
La gravure de Buhot est datée de Novembre 1885, quelques mois après l'ouverture de la taverne.
Didier Daeninckx a écrit Le banquet des affamés d'après la vie de Maxime Lisbonne.

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