23/11/2018

Tableaux parisiens : Mabel Dwight ou un apprentissage


Mabel Dwight - Paris sketches (Paris types), 1927
Lithographie



Elle a cinquante-deux ans, elle vient de New York. Elle a décidé d'apprendre la lithographie. A l'époque, la litho artistique cela s'apprend à Paris, dans les ateliers d'Edmond Desjobert ou d'Edouard Duchâtel, l'auteur du Manuel






Pour elle, ce sera Duchatel. Elle travaille dans sa chambre - une pension à l'hôtel de Londres, 3 rue Bonaparte...





...ou chez Duchâtel. Elle rate sa première pierre, évidemment. 


Madame (Mme Duchâtel) fit la moue et l'imprimeur roula de gros yeux... Ils virent que ma naïveté lithographique était chimiquement pure, mais de toute façon je payais pour les pierres que je gâchais... (1)


Elle s'obstine. Elle se promène en solitaire, déjà demi-sourde, parlant mal le français. Regarde les vitrines. Dessine dans la rue. Reporte ses dessins sur papier transfert. Apprend les bases du métier, toujours dans le manuel.


Un peu plus tard, (l'imprimeur) me donna ma première leçon et (Mme Duchâtel) me montra un livre écrit par son mari ...






...sur la technique de la lithographie. Après l'avoir lu en entier j'éprouvais tant de respect  pour une pierre lithographique que j'avais peur de respirer trop profondément en la maniant (2).



Elle en réussit finalement une...



Mabel Dwight - Show Window - Male Pulchritude in Paris / Vitrine - Mâle beauté à Paris, 1927
Lithographie



...où elle se met elle-même en scène, ironiquement, en modeste observatrice des splendeurs parisiennes. Notez qu'elle est en phase avec la grande mode des vitrines tout en restant parfaitement hermétique à l'avant-gardisme - pour elle les modèles resteront Daumier, Forain, les classiques. 

Paris Sketches sera peut-être sa quatrième pierre réussie, toujours en papier transfert (3). Elle réalise seize lithos en tout durant son séjour parisien. 

Et elle trouve son style. Reprend le bateau à la fin de l'année 1927. Une fois retournée à New York, ose enfin dessiner directement sur la pierre. Produit dix-huit gravures et les expose l'année suivante. Son regard et sa main seront, jusqu'à sa mort en 1955, parmi les plus vifs de sa génération.




Et, à propos de Dwight, déjà.



(1) Mabel Dwight dans son Autobiographie non publiée, pp. 92-93, citée par Susan Barnes Robinson & John Pirog, Mabel Dwight, a Catalogue Raisonné of the Lithographs, Smithsonian Institution Press, 1997. L'autobiographie de Dwight est conservée à l'université de Pennsylvanie à Philadelphie.

(2) Autobiographie, p. 93.

(3) N°4 sur le catalogue de Robinson & Pirog.







Aucun commentaire: