12/03/2015

Duos : Shen té et Shui Ta - où les chats vont au théâtre et n'y comprennent rien


Bertolt Brecht - Der gute Mensch von Sezuan / La bonne âme de Sé-Tchouan, 1940 
Mise en scène de Fritz Umgelter pour la Süddeutscher Rundfunk, 1966 - Nicole Heesters dans les rôles de Shen Te et Shui Ta (1)
Mis en ligne par Richard von Weizsäcker



M. Chat (au sortir de la représentation, dans la mise en scène de Bellorini) - C'est bizarre...
Mme Chat - Oui, c'est un peu bizarre, les costumes à la Deschiens...
M. Chat - Ces Dies irae, ces scènes d'amour esthétisantes sous la pluie...
Mme Chat - Cela dit, je n'ai pas dormi.
M. Chat - Moi non plus, mais est-ce un critère ?
Mme Chat (inquiète) - Le V-effekt, ça marche même quand on dort ?
M. Chat (béatement doctoral) - Là n'est pas le problème - si l'objet du théâtre épique est d'éviter à tout pris l'illusion théâtrale, l'identification et la catharsis - alors on pourrait soutenir que l'endormissement est un moindre mal...
Mme Chat (à demi rassurée ) - Ha bon.
M. Chat - Mais si pour jouer Brecht au XXIème siècle il faut faire marcher le public à l'ébahissement émotionnel, comme dit un excellent critique (2), alors c'est que le spectacle a gagné...
Mme Chat - En plus, on n'a même pas pu boire un coup à l'entr'acte, vu la pagaille au buffet...


Intermède autoroutier
Mis en ligne par Chemindepierre


M. Chat (ils se réinstallent au panier une demi-heure plus tard) - Du coup, j'ai eu tout bon à l'alcootest... À toute chose malheur est bon.
Mme Chat - Si on revoyait du Brecht d'avant que le spectacle ait définitivement gagné ?
M. Chat - Très bonne idée, mets la télé à remonter le temps sur "on" et règle le tuner sur la SDR...
Mme Chat - C'est tout en allemand sans sous-titres...
M. Chat - Effectivement...
Mme Chat - J'y comprends rien !
M. Chat - Moi non plus, mais ça renforce le V-effekt.



(1) Dans la bonne âme, comme chacun sait, la prostituée Shen Té est la seule à accueillir les dieux à la recherche d'une bonne âme; ils la récompensent d'une somme d'argent qui lui permet d'acheter un débit de tabac. Elle le gère tant bien que mal en venant au secours de tous - pour éviter la banqueroute elle se dédouble en se déguisant en cousin Shui Ta, patron de choc.

(2) L'excellent critique souligne le fait que la mise en scène de Bellorini coupe l'explication finale de Shui Ta/Shen Té : «Allons, mon cher public, ne sois pas trop fâché! Mais oui on le sait bien, ce n’est pas une bonne fin. (…) où est la solution ? (…) Fallait-il quelqu’un d’autre ? Ou bien un monde autre ? Ou alors d’autres Dieux ? Ou pas de Dieu du tout ? (…) Devant ce désarroi, le seul recours serait et vite, et tout de suite, que vous réfléchissiez à la meilleure manière, au moyen le plus fin, de mener une bonne âme vers une bonne fin. Cherche donc, cher public, la fin qui fait défaut car il faut qu’elle existe ». Cette explication, on peut l'entendre à 2h 57' dans la mise en scène de 1966. Terminer la bonne âme sur le seul cri de désespoir se Shen Té - au secours ! - et passer pour pertes et profits cette tirade finale  : voilà qui est bien d'un temps et d'un espace où il paraît superflu (excessif ? inconvenant ? relou ? plus à la mode ? dangereux pour les subventions ?) d'exhorter trop ouvertement le public à réfléchir à la meilleure manière, à un monde autre, à une bonne fin.





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