10/11/2011

Une semaine russe (1) : Nesterov/Doboujinski ou l'art de la fenêtre


Mstislav Valerianovitch Doboujinski - L'homme aux lunettes (portrait du critique d'art et poète Konstantin Siunnenberg) 1905-06
Galerie Tretyakov, Moscou
Via It is snowing in Nakonxipan




Mikhaïl Vassiliévitch Nesterov - Portrait d'Ivan Pavlov, 1935
Galerie Tretyakov, Moscou
Source : Olga's Gallery



Doboujinski et Nesterov représentent deux aspects successifs du symbolisme (1) russe en peinture. A ses débuts Nesterov fit partie des Peredvijniki, les Itinérants - ces peintres qui rompaient le confinement académique de Pétersbourg pour organiser des expositions ambulantes, et qui furent le pendant artistique du populisme russe des années 1860-70. Mais Nesterov fut aussi un rénovateur du paysagisme et un peintre religieux, installant les saints de la Vieille Russie dans des vues préraphaélites.

Doboujinski pour sa part est de la génération suivante - celle du Mir Iskusstva, le Monde de l'Art - influencée par le Jugendstil  et l'Arts & Craft Morrissien. Il y incarne une sensibilité à part - c'est un peintre quasi-expressionniste de la ville moderne, de ses tensions et de son perpétuel bouleversement.

L'ironie de l'histoire fait que l'occidentalisé Doboujinski, qui sera délégué au second congrès de la IIIème internationale, choisira in fine de quitter la Russie soviétique et mourra à New York. Tandis que le slavophile Nesterov finira sa vie dans une URSS dont l'idéologie lui demeurera jusqu'au bout parfaitement étrangère.

Le complément paradoxal de cette histoire, c'est que l'homme que Doboujinski campe devant un paysage en pleine mutation industrielle, Konstantin Siunnenberg (dit aussi Konstantin Erberg) est l'un des purs représentants de cette seconde génération symboliste, théurgique, idéaliste et platonicienne à la manière de Soloviev : celle des Biély et des Blok. Et que le modèle de Nesterov, devant un alignement de paisibles isbas, n'est pas un bienheureux mais Ivan Pavlov, découvreur du réflexe conditionnel et, à défaut d'Orthodoxie, saint patron du behaviorisme.

Et de ces deux peintres, c'est bien le plus profondément religieux qui paraît s'accommoder le mieux d'un réalisme qu'on appelle un peu rapidement socialiste.





(1) Et du réalisme : en Russie comme ailleurs les deux courants sont intimement liés.







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