03/11/2011

L'art du balai : Claudio Bravo


Claudio Bravo - El sirviente/Le domestique, 1988
Source (également)


Claudio Bravo (1936-2011) décline, dans un académisme volontairement régressif, les leçons apprises chez Zurbarán mais aussi chez Rothko ou Tàpies. Cette peinture savante et ironique trouve son aboutissement dans les fameux paquetes, portraits-types de la réification qui se vendirent fort bien, et fort cher (1).

Dans cette comédie glacée affleurent par moment des accents de désespoir comme ce Domestique, où le contraste de couleurs sépare le monde du travail de celui du luxe - leur point de contact, le délicat plumeau bleu, a seul le droit de reposer sur un siège; le domestique, lui, s'assied par terre et restera pieds nus. La lumière sereine qui baigne la pièce ne fait que peser un peu plus sur le corps tassé comme s'il devait soutenir le mur et le regard, insensiblement, dérive vers le plumeau qui attend paresseusement que le travail reprenne. Le plumeau, analogon de la brosse du peintre qui est elle aussi le seul point de contact entre le tableau, marchandise de luxe, et le travail de l'artiste qui reste, même millionnaire, le servant de ses clients de la jet-set. Mais sans ce bleu qui pourtant ne se mariera jamais au décor, le tableau n'existerait même pas.



Dans la même série, voir Pintando el muro et, pour une  probable citation de Rothko, précisément, Abdullah y las esponjas.

Et, de Claudio Bravo, précédemment.



(1) Comme se vendaient fort bien, fort cher et au même public les tableaux de Rothko. Un épisode fameux de la série Mad Men montre le propriétaire d'une agence de publicité des années 60 accrochant un Rothko dans le bric-à-brac de son salon-bureau directorial, parce qu'il doublera de valeur d'ici Noël. Le fait qu'à l'époque ses compositions ornent les murs de Park Avenue (et les pages de Vogue dès 1950) ne discrédite pas plus le projet artistique de Rothko que ne le font, dans le cas de Claudio Bravo, ses portraits de la fille de Franco ou des époux Marcos, les tyranneaux des Philippines.

1 commentaire:

Unknown a dit…

J'aime bien cette analyse, plumeau et domestique sont en bleu...