Le tableau fait partie d'une série de quinze grandes peintures, intitulée La Femme à Paris et exposée à la galerie Sedelmeyer en 1886. Tissot a vécu à Londres pendant onze ans après avoir fui la France en 1871, probablement pour échapper aux persécutions qui frappaient les Communards (1). Il revient précipitamment à Paris après la mort, le 9 novembre 1882, de l'amour de sa vie, Kathleen Newton (2). En cinq jours il fait ses bagages, abandonne sa grande maison de St John's Wood en y laissant son matériel et ses tableaux inachevés, et part pour Paris où, le jour même de son retour, il vient confier sa peine à Edmond de Goncourt.
Dès 1883, il tente de retrouver la position d'artiste à succès qu'il vient d'abandonner à Londres, et installe au Palais de l'Industrie cent deux tableaux de sa période anglaise - l'accueil est glacial. Il se lance alors dans cette grande série de La femme à Paris qu'il exposera trois ans plus tard.
Treize ans plus tôt en arrivant en Angleterre, Tissot, qui connaissait bien Whistler et avait déjà travaillé pour Vanity Fair, savait déjà probablement quel genre de produit offrir sur le marché de la peinture de genre. Il dut s'adapter au goût anglais, et notamment éclaircir sa palette. Mais il savait aussi comment se distinguer de la concurrence. Par rapport aux Conversation pieces et aux traditionnelles scène moralisantes et familiales il amenait du nouveau : pas seulement sa technique fouillée, sa maîtrise des tissus - mais aussi un sens de la composition qui vient, lui, d'assez loin dans la peinture de genre française - penser à Chardin, à Greuze, à Debucourt qu'aimait bien Baudelaire, ou au mésestimé Boilly. Et à Degas bien sûr, penser à La famille Bellelli... (3)
Chez Tissot les lignes de force du tableau se lisent aussi dans les regards qui se cherchent, se jaugent ou se détournent, entre individus, comme dans La Fille du capitaine ou entre groupes, dans Too early. De chaque scène émane une tension interne, mais retenue comme la technique, qui s'interdit tout éclat stylistique. Les classes se frôlent comme dans Reading the news - et les spectateurs victoriens y étaient plus sensibles que nous, plus que Tissot lui-même - les prétentions et les allures se confrontent dans une paix sociale armée qui s'installe à travers les espaces libres ménagés au centre de ses tableaux, dans Ball on shipboard, par exemple.
Chez Tissot les lignes de force du tableau se lisent aussi dans les regards qui se cherchent, se jaugent ou se détournent, entre individus, comme dans La Fille du capitaine ou entre groupes, dans Too early. De chaque scène émane une tension interne, mais retenue comme la technique, qui s'interdit tout éclat stylistique. Les classes se frôlent comme dans Reading the news - et les spectateurs victoriens y étaient plus sensibles que nous, plus que Tissot lui-même - les prétentions et les allures se confrontent dans une paix sociale armée qui s'installe à travers les espaces libres ménagés au centre de ses tableaux, dans Ball on shipboard, par exemple.
Une fois revenu en France, Tissot tente de s'adapter, cette fois-ci à ce qu'il pense être le marché parisien : la mode est aux scènes de spectacle ou de cirque, il exposera Les femmes de sport, Ces dames des chars et L'acrobate. La palette s'obscurcit, la touche se fait plus visible. Et Tissot joue une sorte de va-tout en radicalisant ses formules. Parmi celles-ci, le regard d'un personnage, généralement féminin, qui se retourne vers le spectateur - une continuité problématique entre deux espaces. Cet artifice, déjà présent au début de la période londonienne, se multiplie dans les tableaux de la vie quasi-recluse avec Kathleen Newton, et devient systématique dans La femme à Paris en culminant, pour la Demoiselle de magasin, dans la mise en scène de la vision subjective.
Revenons à ce tableau plus effrayant qu'il n'en a l'air, comme le commerce qui en est le sujet. Le client va sortir, il a probablement déjà réglé. La vendeuse lui ouvre obligeamment la porte, par où l'on voit le cocher qui l'attend en faction, et les deux chevaux de sa voiture proprement sectionnés, une formule que le peintre affectionne, qu'il a probablement prise à Degas. Un temps d'arrêt et le regard se porte sur le paquet déjà enveloppé, de là sur la main qui le tient, sur le visage de la vendeuse. Si vous doutez du fait que le Client évalue le prix de la vendeuse comme il a fait de celui du paquet, reportez-vous aux deux autres personnages masculins, de l'autre côté de la vitrine, en train de jauger la seconde demoiselle de magasin, celle qui lève les bras dans une pose suggestive que nous imaginons sans la voir - et si vous doutez encore votre regard se porte sur le mannequin exposé, tout aussi suggestif, probablement, que la demoiselle. De là, l'oeil descend vers le tas de ruban qui éclaire la gauche du tableau - notez la langue avide que tire la petite chimère soutenant la console, à hauteur de cuisse (et de main enserrant doucement la poignée) de la demoiselle - suit le tissu qui se dévide et le découvre par terre enroulé en forme de coeur - à ramasser, ou plutôt à vendre, le même ruban qui doit se trouver dans le paquet... D'ailleurs ici tout est à vendre, paquet, demoiselle et tableau, on n'attend qu'un client solvable. Mais l'exposition de La femme à Paris sera, également, un échec.
En 1885, pour préparer Musique sacrée, le dernier tableau de sa série, Tissot visite Saint-Sulpice pendant la messe. Durant l'élévation, il ferme les yeux, le Christ lui apparaît et jusqu'à la fin de sa vie le présumé Communard va se blottir dans l'ombre de l'Eglise. A la même époque il pratique le spiritisme, cet autre hobby du XIXème siècle finissant. Le médium William Eglinton lui fait rencontrer la forme spectrale de Kathleen Newton, qui lui donne des baisers. Il fait de son apparition un tableau qu'il garde comme un talisman, qu'il détruira avant de mourir, il en reste des reproductions gravées par lui. Il passe peu à peu de l'autre côté du miroir, croisant le Christ couronné d'épines dans les allées du Bois de Boulogne, installant chez lui au dernier étage (4) un petit cabinet d'occultiste pour ses entretiens avec ce qui est probablement l'ultime manifestation psychique de Kathleen Newton. Et il se met à son dernier grand oeuvre, La Bible de Tissot.
James Tissot - Ce que notre sauveur vit du haut de la croix, ca 1886-94
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Pas moins de 365 illustrations pour le Nouveau Testament, puis 400 prévues pour l'Ancien dont Tissot ne réalisera qu'une partie avant de mourir. Trois voyages en Palestine pour se documenter, une première exposition en 1894 au Salon du Champ-de-Mars. Cette fois-ci le succès est immédiat, phénoménal (5). Des visiteuses en transe s'agenouillent devant les aquarelles, Tissot est fait chevalier de la Légion d'honneur, la vente des éditions française, anglaise et américaine lui rapportera plus d'argent que toute sa carrière londonienne. Etrange production d'ailleurs, croisement de l'art Sulpicien et de l'orientalisme, où de vraies réussites comme Les Rois Mages en voyage et de belles étrangetés voisinent avec pas mal de trucs sérieusement givrés. Plus tard, D. W. Griffith utilisa ces illustrations pour préparer Intolerance, ce qui fait de Tissot un précurseur du peplum cinématographique.
A la fin du Nouveau Testament, Tissot détaille heure par heure l'agonie du Christ, y plaçant une des plus bizarres crucifixions que l'on connaisse, en vue subjective "da su" : Ce que notre sauveur vit du haut de la croix. Et ce qu'il voit, ce sont ses pieds, une mater déjà dolorosa, le petit groupe formé par Jean et les saintes femmes et au-delà une humanité qu'on n'éprouve pas une folle envie de sauver - on sent dans le regard de Dieu (le fils) un temps d'hésitation, comme d'ailleurs dans celui du Client de la Demoiselle : mettez-vous à ma place...
A la fin du Nouveau Testament, Tissot détaille heure par heure l'agonie du Christ, y plaçant une des plus bizarres crucifixions que l'on connaisse, en vue subjective "da su" : Ce que notre sauveur vit du haut de la croix. Et ce qu'il voit, ce sont ses pieds, une mater déjà dolorosa, le petit groupe formé par Jean et les saintes femmes et au-delà une humanité qu'on n'éprouve pas une folle envie de sauver - on sent dans le regard de Dieu (le fils) un temps d'hésitation, comme d'ailleurs dans celui du Client de la Demoiselle : mettez-vous à ma place...
Les sujets de ces deux tableaux sont très proches : l'Achat (de ruban, éventuellement de Demoiselle) et le Rachat (la mort de Dieu en échange des péchés du pauvre monde). Deux transactions peintes au moment où la vente est parfaite, au sens du Code Civil (6), mais où les parties n'ont pas encore pris congé. C'est un moment un peu vide, où l'on suppute les conséquences sans savoir qui a vraiment gagné à l'affaire, où on s'imagine pouvoir faire machine arrière quand les jeux sont déjà faits. Tissot, dans ses bons moments, peint ces temps de suspens sociaux, ces anges qui passent avec des coups d'oeil en biais. Ce sens du léger dérèglement, c'est ce qui lui donne sa profondeur, et qui le distingue des Helleu, Blanche, Gervex, Stevens, De Nittis, Zandomeneghi... et même de Whistler quand il travaille à la chaîne.
Encore faut-il y ajouter, ici, la vue subjective. Tissot la frôle souvent, ainsi dans La Mondaine qui anticipe la construction de la Demoiselle de magasin. Mais dans les deux tableaux dont je m'occupe la différence est que cette vue subjective est en tant que transaction le sujet même du tableau. De cela il existe chez Tissot un précédent intéresssant...
James Tissot - Le Premier Tué que j'ai vu (souvenir du siège de Paris), 1876
...c'est le titre de ce dessin qui en souligne le dispositif - non pas mon Premier Tué, mais le premier que j'ai vu.
On en connaît l'histoire par les souvenirs de Forain : au siège de Paris en 1870, lors des combats de la Malmaison, Tissot qui était en première ligne remarque, parmi les dix-sept tués, le corps du sculpteur Cuvelier, un ami de Degas. Il en fait un dessin, qu'il lui rapporte : «Degas étend le bras, la main, écarte son papier, refuse de le voir "vous auriez mieux fait de le ramasser..."» (7). Ce serait en fait un autre dessin que Tissot a repris pour graver, dans ses Souvenirs du siège, Le Premier Tué... Pourtant l'anecdote est éclairante, on peut broder dessus : Tissot risque sa vie, voit le corps d'un artiste mort qui pourrait être lui, se voit mort en fait et ne sort de cette sidération qu'en faisant de son propre regard (que j'ai vu) le sujet de son dessin. Il est sauvé, puisqu'il se dessine regardant sa fin possible - et en rapportant ce dessin à Degas c'est lui-même qu'il ramène du royaume des morts.
Remarquez que la Demoiselle de magasin fonctionne sur le même mode. Au moment où il la peint parions que Tissot sait qu'il n'arrive plus à se vendre, tant sur le marché de l'art - l'échec de son exposition de 1883, qui se répètera pour celle de 1886 - que sur celui de l'amour - lisez les pages où Edmond de Goncourt relate au même moment les naufrages sentimentaux du peintre, avec la jeune équilibriste dont il fera son modèle dans L'acrobate, ou avec Mlle Riesener (8).
Tissot est-il dans le regard du client ou dans celui de la vendeuse ? Va-t-il rester avec son tableau sur les bras ? Le client, comme le peintre, est-il arrivé à l'âge où l'amour des jeunes femmes s'achète d'une façon ou d'une autre ? Allez savoir, mettez-vous à ma place... Tissot s'est-il vu en miché dédaigné, en marchandise au rebut, en ne s'en sortant que par ce tour de passe-passe, cet échange de regards entre l'offre et la demande, temps figé, instantané de froide libido commerciale ? Voyez (9) comme il est loin le paillasson de la sortie, quand il n'est plus question de sentiment, on fait affaire ou pas, c'est tout. En vérité, ce paillasson est un vrai Golgotha et cette sortie de boutique, un chemin de Damas.
Si la Demoiselle de magasin signe la grande année de crise, 1885, débouchant sur la conversion à Saint-Sulpice, Ce que vit notre Sauveur... n'est pas plus une illustration de la foi retrouvée. C'est le moment, juste avant le Rachat, où Dieu n'existe après tout que dans le regard des incroyants - vas-y, fais-nous ton numéro... S'installer dans l'oeil de Dieu, à cet instant, est moins un acte de foi qu'un sacré doute avant le grand saut. La subite conversion de Tissot, pour théâtrale qu'elle soit, est tout aussi opaque (10) que sa participation à la Commune. Cet homme avait tout de même peint par deux fois la série du Fils prodigue bien avant de trouver Dieu, ce qui dénote une certaine prescience. Cet homme qui, tout en dessinant l'Evangile continuait les pastels de demi-mondaines, qui présentait sa Marie-Madeleine pécheresse à Goncourt en plaisantant "elle est un peu vannée" était un artiste à double ou triple fond, ce qui fait d'ailleurs son intérêt : ces regards de complicité, en coulisse ou parfois comme ici en direct, entre la vie et la mort, l'offre et la demande, l'Enfer et le Paradis. Qu'il s'agisse d'élégances Victoriennes, de Femme de Paris ou de Bible au kilomètre, ce que ce peintre vend en réalité, c'est du malaise, et les clients en redemandent. Diable d'homme.
(1) On ignore son degré réel d'engagement dans la Commune, le fait est que, trois ans plus tard seulement, il fait un Portrait du Prince Impérial et sa mère en exil en Angleterre. Certains, comme Jacque-Emile Blanche dans ses souvenirs, l'ont accusé d'avoir pactisé avec les insurgés pour préserver sa maison et son patrimoine. Invérifiable, d'autant que pour beaucoup de gens il était inimaginable qu'un fils de famille riche, lui-même artiste à succès comme Tissot passe par conviction du côté de la révolte.
(2) Bref amour, et longue vie. On ne sait pas exactement quand Tissot et Kathleen Newton se rencontrèrent, probablement autour de 1875-76 et certainement pas avant qu'elle revienne des Indes pour s'établir à St John's Wood, soit en 1871. Elle meurt de la tuberculose à l'âge de vingt-huit ans et Tissot, de dix-huit-ans son aîné, lui survivra jusqu'en 1902. Kathleen Newton, dont la vie mal connue ressemble à un mythe Victorien, naît en 1854 dans une famille irlandaise, d'un père officier de l'armée des Indes. Elevée dans un couvent, à la mort de sa mère elle est envoyée aux Indes - c'était le sort commun des jeunes filles à marier - pour y épouser une connaissance de son frère, Isaac Newton, médecin de l'Indian Civil Service. Sur le bateau elle tombe amoureuse d'un capitaine nommé Palliser. A l'arrivée, elle épouse son médecin mais s'enfuit immédiatement avec le capitaine, dont elle est bientôt enceinte et qui l'abandonne. Le docteur Newton décide de divorcer et la renvoie en Angleterre - pour sa classe et son époque elle est devenue une intouchable. Elle met au monde sa fille Muriel et se réfugie chez sa soeur, Mrs Hervey, à St John's Wood où vit aussi Tissot. C'est probablement là qu'il la rencontre et tombe fou amoureux. Elle aura un autre enfant, un garçon nommé Cecil George dont rien ne prouve formellement qu'il soit le fils du peintre. Les enfants restant dormir chez Mrs Hervey, les deux amants vivront en reclus dans la grande maison de Tissot. De la jeune Irlandaise qui avait l'âme romantique et les poumons en charpie, il fit alors des portraits qui comptent parmi les plus poignantes déclarations d'amour qu'un peintre ait jamais faites.
(3) Ian Dunlop, dans Degas (Ides et Calendes, Neuchâtel, 1979 pp. 42-43) fait une comparaison entre la Famille Bellelli et Past and present n°1 d'Augustus Egg qui montre bien l'écart entre le style anglais de l'époque et ce qu'apportait de neuf Degas, entre autres. On sait Tissot proche de Degas, qui lui proposera de participer à la première exposition des impressionnistes. Henri Loyrette (Degas, catalogue RMN de l'exposition de 1988, pp. 144.145) expose l'apport de Tissot dans l'élaboration et les retouches d'Intérieur (Le Viol). Tissot, "ce peintre plagiaire" comme disait Goncourt, donnait aussi des conseils...
(4) Edmond de Goncourt relate ainsi une visite chez Tissot où, après avoir vu ses dessins de l'Ancien Testament, "nous montons un moment, avec Mme Daudet, voir l'arrangement de l'intérieur du haut qu'il a bâti, quand il a cru se marier avec Mlle Riesener. C'est très joliment arrangé dans le goût anglais, dans des compartiments de bois au mur, en fenêtres garnies de lierre. Et dans le crépuscule, se refusant à chercher des allumettes, avec une voix qui se fait tout à fait mystérieuse et des yeux vagues, il nous montre une boule en cristal de roche et un plateau d'émail, qui servent à des évocations, où l'on entend, assure-t-il, des voix qui se disputent. Il tire d'une commode des cahiers, où il nous montre des pages entières, contenant l'historique de ces évocations, et nous montre enfin un tableau représentant une femme aux mains lumineuses, qu'il dit être venue l'embrasser et dont il a senti sur sa joue ses lèvres, des lèvres pareilles à des lèvres de feu. Mme Daudet écoute cela avec curiosité, pendant que moi, qui ai horreur et peur de ces conversations charentonnaises, je la tire par sa manche pour la faire redescendre, comme un enfant qui en a assez du monsieur chez lequel sa mère l'a mené en visite." (Journal, entrée du 3 février 1890).
(3) Ian Dunlop, dans Degas (Ides et Calendes, Neuchâtel, 1979 pp. 42-43) fait une comparaison entre la Famille Bellelli et Past and present n°1 d'Augustus Egg qui montre bien l'écart entre le style anglais de l'époque et ce qu'apportait de neuf Degas, entre autres. On sait Tissot proche de Degas, qui lui proposera de participer à la première exposition des impressionnistes. Henri Loyrette (Degas, catalogue RMN de l'exposition de 1988, pp. 144.145) expose l'apport de Tissot dans l'élaboration et les retouches d'Intérieur (Le Viol). Tissot, "ce peintre plagiaire" comme disait Goncourt, donnait aussi des conseils...
(4) Edmond de Goncourt relate ainsi une visite chez Tissot où, après avoir vu ses dessins de l'Ancien Testament, "nous montons un moment, avec Mme Daudet, voir l'arrangement de l'intérieur du haut qu'il a bâti, quand il a cru se marier avec Mlle Riesener. C'est très joliment arrangé dans le goût anglais, dans des compartiments de bois au mur, en fenêtres garnies de lierre. Et dans le crépuscule, se refusant à chercher des allumettes, avec une voix qui se fait tout à fait mystérieuse et des yeux vagues, il nous montre une boule en cristal de roche et un plateau d'émail, qui servent à des évocations, où l'on entend, assure-t-il, des voix qui se disputent. Il tire d'une commode des cahiers, où il nous montre des pages entières, contenant l'historique de ces évocations, et nous montre enfin un tableau représentant une femme aux mains lumineuses, qu'il dit être venue l'embrasser et dont il a senti sur sa joue ses lèvres, des lèvres pareilles à des lèvres de feu. Mme Daudet écoute cela avec curiosité, pendant que moi, qui ai horreur et peur de ces conversations charentonnaises, je la tire par sa manche pour la faire redescendre, comme un enfant qui en a assez du monsieur chez lequel sa mère l'a mené en visite." (Journal, entrée du 3 février 1890).
(5) Goncourt (Journal, entrée du Dimanche 6 mai 1894) rapporte une discussion sur ces dessins, Zola déclarant qu'il avait été "complètement empoigné" et Daudet qu'ils l'auraient "converti, s'il n'avait pas la tête en pomme". Ce qui fascinait les contemporains dans ces images était un mélange typiquement fin-de-siècle de mysticisme et de réalisme pseudo-scientifique.
(6) Art. 1583 : "la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix..."
(7) Souvenirs de Jean-Louis Forain, cités par Bertrand Tillier, La Commune de Paris, révolution sans images ? p. 118.
(8) Entrée du 24 janvier 1885 pour l'équilibriste. Et même année le 24 octobre : "la fille de Riesener, une fille déjà d'un certain âge, son mariage convenu, arrêté avec le peintre Tissot et Tissot ayant déjà fait enlever son toit de sa maison de l'avenue de l'Impératrice pour agrandir le logis du futur ménage, un jour, sur la vision de la silhouette vieillotte du dos de Tissot décrochant son paletot dans une antichambre, elle lui faisait dire par sa mère que son envie de se marier était passée..."
(6) Art. 1583 : "la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix..."
(7) Souvenirs de Jean-Louis Forain, cités par Bertrand Tillier, La Commune de Paris, révolution sans images ? p. 118.
(8) Entrée du 24 janvier 1885 pour l'équilibriste. Et même année le 24 octobre : "la fille de Riesener, une fille déjà d'un certain âge, son mariage convenu, arrêté avec le peintre Tissot et Tissot ayant déjà fait enlever son toit de sa maison de l'avenue de l'Impératrice pour agrandir le logis du futur ménage, un jour, sur la vision de la silhouette vieillotte du dos de Tissot décrochant son paletot dans une antichambre, elle lui faisait dire par sa mère que son envie de se marier était passée..."
(9) Au risque de la surinterprétation bien sûr mais ces tableaux ne sont-ils pas faits pour ça ? Tissot réimporte aussi dans cette série ce que les anglais appellent le problem picture - le tableau de signification délibérément ambigüe - au moment même où la peinture française ne veut pas en entendre parler. Dans le même ordre d'idées, le client de la Demoiselle pourrait être une Cliente, que cela ne changerait rien au fait qu'elle porterait, elle aussi, le regard du peintre.
(10) Degas n'avait probablement pas tort, qui sur la fin le traitait de marchand du Temple et s'affirmait prêt à le peindre comme tel.
(10) Degas n'avait probablement pas tort, qui sur la fin le traitait de marchand du Temple et s'affirmait prêt à le peindre comme tel.
2 commentaires:
Merci pour cet article très intéressant. La description du premier tableau éclaire bien sur les circonstances. Je ne connaissais pas le second tableau, il est incroyable. D'autres artistes ont-il représenté le Christ de cette façon ?
A ma connaissance ce qui s'en rapprocherait le plus est le tableau de Gérôme, Consummatum est mais le procédé est très différent. Si le sujet vous intéresse il existe une étude sur la crise de l'image religieuse à la fin du XIXème, partiellement en ligne ici. Le spécialiste le plus intéressant de la question est Richard Thomson, voir La république troublée, culture visuelle et débat social (1889-1900) Les presses du réel, 2008. Il y a tout un chapitre sur le débat religieux où cette gouache de Tissot est analysée pp. 277-281.
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