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C'est le premier Dianabad (bain public dit "de Diane") de Vienne, situé à Leopoldstadt et terminé en 1810 par l'architecte Jean-Charles de Moreau, le père du peintre. Dix ans après ce tableau, le second Dianabad était bien plus impressionnant.
Contrairement à la fenêtre du grand romantisme à la Friedrich, la fenêtre Biedermeier ne donne plus sur l'illimité, mais sur la mesure : une campagne harmonieuse, une ville proprette - chez ces peintres, même les grands ciels sont un peu étriqués. On moque souvent ce style - petit-bourgeois, recroquevillé sur ses intérieurs familiaux, ses idylles étroitement limitées (1). On oublie qu'il y a aussi de l'utopie dans le Biedermeier : une stase de trente-trois ans, un passé provincial déjà condamné, prolongé sous le talon de fer des décrets de Carlsbad, entre deux révolutions venues de France, entre le déferlement napoléonien et l'industrialisation à marche forcée. Comme le balayeur du Dianabad fait une pause au soleil, mais en restant à l'ombre... "Les jours de vacances d'un pédagogue, les journées blanches d'un artisan, le baptême du premier enfant, et même ce premier jour où la fiancée d'un prince, lasse des fêtes de la cour, roule enfin, seule avec son prince (leur suite se tient à une certaine distance) vers un ermitage plein de fleurs, tout cela peut devenir la matière d'une idylle; tous peuvent chanter : "et nous aussi nous avons été en Arcadie" (2).
Le bonheur Biedermeier est ce moment délicieux et factice que Jean Paul compare à "la balançoire, qui nous berce de haut en bas suivant de petites courbes, qui nous fait voler et tomber sans effort, qui nous fait échanger, sans secousse, l'air qui est devant nous contre l'air qui est derrière nous. Il en est de même de cette joie que nous fait éprouver un poème pastoral; elle est sans égoïsme, sans désir et sans secousse..." (3). Et elle n'a qu'un temps. Le balayeur du Dianabad prit une pause de dix-huit ans, puis en 1848 les allemands quittèrent l'idylle pour entrer résolument dans le sublime et cela pour un siècle, avec les conséquences qu'on sait.
(1) L'idylle est "une présentation épique du plus grand bonheur possible dans un état borné" selon Jean Paul, Cours préparatoire d'esthétique, 1804, §73 p.135. Trad. Alexandre Büchner et Léon Dumont, Auguste Durand éd., 1862.
(2) Jean Paul, ibid. p. 137.
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