22/06/2010

Transports en commun : Pimenov

Youri Pimenov - Начало любви / Les débuts de l'amour, 1960.


Prenez une image de roman-photo, un arrière-plan khrouchtchévien humide et dépressif, une vitre de bus. Et l'essentiel, ces gouttes de pluie qui sont les larmes du peintre, même si Moscou n'y croit pas. Et vous avez du pur Pimenov, le réalisme socialiste devenu réalisme magique à force de regarder dans le vague en évitant les yeux du censeur. 

Youri Pimenov (1903-1977) a fait partie, comme Deineka, de la Société des peintres de chevalet (1925-1931). D'abord influencé par l'expressionnisme il évolue comme nombre d'artistes vers un réalisme plus tempéré au fur et à mesure de la reprise en main des avant-gardes (dissolution du Vkhoutemas en 30, de la Société des peintres de chevalet en 31, création de l'union des artistes en 32). Il produit alors des panoramas urbains comme la Nouvelle Moscou, son tableau le plus connu, des illustrations et surtout des décors de théâtre. A partir de ce moment, et surtout pendant la période du "dégel" khrouchtchevien ses aquarelles et peintures sont des transpositions poétiques du paysage urbain moscovite et de ses évolutions, à travers des scènes de genre aux couleurs généralement assourdies et aux touches translucides, avec un prédilection pour les reflets, les vitrages et la pluie. C'est le peintre par excellence des années 1960 et de leurs ambigüités.

La technique de Pimenov est plus complexe qu'il n'y paraît à première vue, il incorpore à son réalisme, plus ou moins discrètement, les distorsions et les audaces qu'il ne  s'autorise plus.  Dans Начало любви ci-dessus, le dynamisme des barres métalliques de la vitre du bus rappelle une autre époque de sa production. De même, ses tableaux superposent plusieurs niveaux de sens, mêlant optimisme de surface, mélancolie profonde et même parfois critique grinçante comme dans le célèbre Ожидание (En attente) ou encore de façon plus voilée dans...



Youri Pimenov - Конечная станция / Station terminus, 1955, aquarelle (source).


Passe dans ces scènes de tous les jours le fantôme persistant et timide de l'avant-garde, mais le geste conquérant des années 20 s'est transformé en autocritique de la vie quotidienne.


D'autres Pimenov ici chez Таtiana, ou encore là... 
Le film en lien : Moscou ne croit pas aux larmes, Vladimir Menshov, 1980 - Oscar du meilleur film étranger en 1981.



Et pendant ce temps-là...
Le nouveau plan du métro londonien par Barbara Kruger
La grève de l'entraînement et, au-delà : le footbal à trois côtés (via Espace contre ciment)

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