21/04/2010

Transports en commun : Cremonini

Leonardo Cremonini (Bologne, 26 novembre 1925 – Paris, 12 avril 2010) - Urgence du désert, lithographie, 1972
Via Adventures in the print trade





C'est un chapitre de la peinture figurative qui se clôt - alors il n'y aura plus de ces petites histoires suspendues, ces enfants guettant au balcon, ces fenêtres ouvrant sur le ciel des Iles Eoliennes, ces miroirs d'amours fragmentées, ces bains de mer, ces plages de Trouville en coulures de ciel, ces ballons d'enfants rebondissant au mufle des voitures, et tous ces wagons pelucheux trimbalant leurs pervers polymorphes ? Je me souviens de l'époque où rares étaient les cabinets de psychanalyste sans un Cremonini pendant quelque part. D'ailleurs, sur le divan où je venais deux fois par semaine dévider ma pelote de rêves - dans le genre chêne et chien - veillait un Crémo de la série, précisément, des chiens.  Dans ces tableaux un cabot vous fixe de dessous un banc sur lequel est invariablement assise, de dos, sa maîtresse. Coincé entre cet oeil inquisiteur et les relances de Madame Freud qui me trouvait un peu lent, je nourrissais des sentiments ambivalents envers le Maître-des-épiphanies-où-il-ne-se-passe-quasiment-rien (1). Puis je liquidai mon transfert et j'oubliai Cremonini. Je dois l'avouer, je revendis même les albums que j'avais accumulés, forcément. 

Beaucoup plus tard j'ai revu les tableaux, et ils n'ont pas vieilli : comme l'inconscient, ils sont intemporels. Demain, par le train peut-être, Leonardo Cremonini, le fils d'un cheminot qui était peintre du dimanche, repartira une dernière fois de Paris vers Bologne où l'attend son premier professeur, Giorgio Morandi, autre inventeur fameux de moyens de transport immobiles.


(1) Un petit texte d'Umberto Eco sur Moravia et les épiphanies de Cremonini, ici (en italien).

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