Mais, pendant ce temps, que devenait Gertrude Drick ? Il faut bien l'avouer : la seule information dont nous disposions sur le reste de son existence, c'est son mariage. Cela dit, elle n'a pas épousé n'importe qui.
James Oppenheim, poète radical (au sens fabian socialist de l'époque) influencé par Whitman et la psychanalyse jungienne (l'époque, toujours) était une figure de l'intelligentsia bohème de Greenwich Village dans les années 1910. En 1914 sa femme Lucy divorce après s'être reconnue dans un personnage de son roman de la même année, Idle Wives.
Peu après il épouse Gertrude S. Drick (le S. signifiant Smith, elle est par la suite souvent désignée comme Gertrude Smith), l'ancienne élève de Sloan, toujours un peu active en tant qu'artiste puisqu'un portrait de James signé d'elle...
...figure en frontispice de son recueil The Sea, publié en 1924, et qui lui est dédicacé.
Si sa poésie est aujourd'hui assez oubliée, la mémoire collective a retenu James Oppenheim à deux titres.
D'abord, en tant qu'editor du magazine Seven Arts...
...LA revue du Greenwich Village des années 10, où l'on retrouve les signatures de Romain Rolland, Theodore Dreiser, Sherwood Anderson, Robert Frost, Bertrand Russell...
La revue, qui n'a duré que quelques mois (Novembre 1916 - Octobre 1917) s'est trouvée à l'avant-garde de la résistance intellectuelle à l'entrée en guerre des États-Unis. Les pressions politiques et économiques, sans compter l'hystérisation du débat par les pro-guerre, la firent taire en octobre 1917, où le dernier article de Randolph Bourne, Twilight of Idols, n'est pas sans nous rappeler quelque chose sur nos propres temps.
L'autre marque que laisse dans le temps James Oppenheim est un poème, Bread and Roses
As we come marching, marching, in the beauty of the day,
A million darkened kitchens, a thousand mill-lofts gray
Are touched with all the radiance that a sudden sun discloses,
For the people hear us singing, "Bread and Roses, Bread and Roses."
As we come marching, marching, we battle, too, for men—
For they are women's children and we mother them again.
Our days shall not be sweated from birth until life closes—
Hearts starve as well as bodies: Give us Bread, but give us Roses.
As we come marching, marching, unnumbered women dead
Go crying through our singing their ancient song of Bread;
Small art and love and beauty their trudging spirits knew—
Yes, it is Bread we fight for—but we fight for Roses, too.
As we come marching, marching, we bring the Greater Days—
The rising of the women means the rising of the race.
No more the drudge and idler—ten that toil where one reposes—
But a sharing of life's glories: Bread and Roses, Bread and Roses.
James Oppenheim, The American Magazine, 1911
Le poème est repris par les ouvrières et ouvriers immigrants grévistes du textile à Lawrence (Massachusetts) en 1912, organisée par les IWW, et passe ensuite dans le patrimoine commun du mouvement féministe et ouvrier.
Gertrude Drick finit par emménager, avec Oppenheim, à New York, 61 Washington Square South, au 3ème étage d'un immeuble surnommé "House of Genius"...
...parce qu'elle avait abrité, entre autres, Stephen Crane, Willa Cather et Dos Passos. Et, de leurs fenêtres, ils pouvaient voir, bien sûr, l'Arche de Washington Square.
Je ne connais pas la date du décès de Gertrude Smith Drick, elle a connu le sort des femmes de et à partir de son mariage les dates sont celles de son mari. Vue la profondeur de leur lien il paraît exclu d'envisager le divorce, on peut donc penser qu'elle est disparue entre 1924 et 1927, date du remariage de James Oppenheim avec Linda Gray - lui-même succombe à la tuberculose le 4 Août 1932.
Voilà. On trouve dans l'édition de Juillet 1917 du Spectator, mensuel "de Washington Square et du voisinage de Greenwich Village" un poème de Gertrude Smith Drick, The Soul That Took Its Stockings off and Threw Its Shoes Away, par lequel je voudrais conclure ce post.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire