27/05/2011

Vacances du blog - des pommes, du Dixieland, et d'un très ancien Séfarade

Gustav Klimt - Apfelbaum I/Pommier I, 1912
Coll. privée, restitué en 2006 à Maria Altmann par la Galerie Autrichienne du Palais du Belvédère


Et les chats sont en vacance, sous les pommiers - retour le 5 juin.



Village Stompers - The Poet and the Prohet, de l'album Washington Square, 1963
Mis en ligne par Village Stompers


Les Village Stompers sévissaient quand j'avais quinze ans, d'où une certaine nostalgie de ma part. Notez qu'elle vient d'encore plus loin, la jolie mélodie de The poet and the prophet - c'est celle d'un très vieux chant religieux juif, Adon Olam - Seigneur du monde - dans sa version traditionnelle dite espagnole, et si la légende qui le fait remonter à Ibn Gabirol est vraie, elle a peut-être bientôt mille ans. On peut l'entendre au tout début de ce medley.

Face à face : scène de crime



Deux affiches, face à face, dans le métro parisien


26/05/2011

Transports en commun : un quatrain pour George Orwell


Deux affiches, côte à côte, dans le métro parisien

Le quotidien c'est l'aventure
La sécurité c'est le désordre
Le recrutement c'est l'exclusion
La communauté c'est la solitude

24/05/2011

L'art de la cuisine : et avec le chorizo, quoi ?

Madrid, manifestation de la Plaza de Cibeles à Puerta del Sol, 15 mai 2011
Photo par Alberto Conde, Candide résiste

23/05/2011

Ciel... Knott

Cynthia Knott - Migration II, 2005
Source : DC Moore Gallery



Et pendant ce temps-là...

22/05/2011

Tombe la nuit portègne

Albano García - Cae la noche, 25/08/09
Source : Flaneur


Albano García, c'est l'œil flâneur de Buenos Aires, la dix-septième mégapole. Celle qui ressemble la nuit, vue de haut, à une grande chauve-souris.




Cuarteto Cedron - A Roberto Arlt, 1964
Mis en ligne par 2009periquita

21/05/2011

Ayons congé : mais c'est peut-être un complot mondial




Good Bye patron
Mis en ligne par la parisienne libérée


Il n'y a pas mort d'homme et un troussage, euh, de domestique, enfin, j'veux dire, c'qui est pas bien, mais, voilà, c'est une impression sont les commentaires respectivement émis par MM. Jack Lang et Jean-François Kahn, entertainers bien connus de notre Cher et Vieux Pays, sur une affaire en cours d'instruction auprès de la Criminal Court du comté de New York. On peut préférer ce Good Bye patron, plus respectueux à l'égard de la victime (présumée, comme disent les journalistes français, respectueux eux aussi). Ce n'est pas mal, Good Bye patron, répétez-le à voix haute, vous verrez, c'est libérateur.

20/05/2011

Les occupations solitaires : le printemps

Daniel Garber - In The Springtime, 1954
Source :  Gandalf's Gallery



Et pendant ce temps-là...

19/05/2011

En rouge




Akira Kurosawa - Yume/Rêves, 1990
6ème rêve : Le Mont Fuji en rouge
Mis en ligne par OrenjiStar


Niveau de l'eau les 11 et 12 mars 2011 dans le réacteur n°1 de la centrale nucléaire de Fukushima Dai-Ichi
Source : Union of Concerned Scientists
d'après le document Tepco du 15/05/11


"According to Figure 1, the water level dropped to the level of the bottom of the fuel within about 4 hours after the earthquake hit and the reactor shut down. And it stayed there despite workers’ attempts to pump first fresh water and then sea water into the reactor. It has apparently stayed at that level since then, although faulty readings from the water-level sensors led workers to believe it was actually much higher. The fact that the water level was this low despite water being pumped into the reactor suggests the cooling water is leaking out."

"Selon (cette) figure, le niveau d'eau est tombé au niveau du fond du combustible dans les 4 heures suivant le tremblement de terre et l'arrêt du réacteur. Et l'eau resta à ce niveau en dépit des efforts déployés pour pomper de l'eau douce puis de l'eau de mer dans le réacteur. Apparemment ce niveau est resté le même depuis lors, bien que des mesures erronées transmises par les capteurs de niveau d'eau aient fait croire au personnel qu'il était bien plus élevé. Le fait que le niveau d'eau était si bas bien que de l'eau soit pompée dans le réacteur suggère que l'eau de refroidissement fuit à l'extérieur."

Commentaire de l'UCS, Trad. Les Chats

17/05/2011

Les vacances du bestiaire : Holbrook Carter

Clarence Holbrook Carter - Over and Above #11, 1964
Source

16/05/2011

Soldes

Félix Vallotton - Le Bon Marché,1898
Via Le Musée

14/05/2011

Le bar du coin : théorie du reflet

Emilio Longoni - Riflessioni di un affamato - Contrasti sociali / Réflexions d'un affamé - Contrastes sociaux, 1893
Collezione Bruno Blotto Baldo, Museo del Territorio, Biella
Source

Elle (dedans) - Je n'ai pas faim. Cette langouste que nous avons mangée au dîner hier soir me pèse sur l'estomac.
Lui (découpant un bifteck). Fais comme moi : suce le jus de la viande, c'est tout; c'est un excellent filet de bœuf, et du meilleur.
L'affamé (dehors). Je voudrais bien savoir pourquoi ils ne mangent pas ces quatre petits pains, j'en mangerais douze, bon Dieu, ça fait vingt-quatre heures que je marche !
Lui (dedans). Tu veux autre chose, de plus relevé ?
Elle (d'un ton las). Non, non.
Lui - Des œufs aux truffes ?
Elle - Essayons, comme j'envie ton appétit…
Lui. Mais c'est qu'il faut l'entretenir, l'appétit; tiens, ce matin quand je t'ai quittée, j'ai fait une magnifique promenade… (Il appelle) Garçon ?
L'affamé (dehors). Si au moins je trouvais du travail ! Je connais bien mon métier, et à l'usine je tiens bien mes quinze heures (le garçon vient prendre la commande et remporte le bifteck). Quels cochons ! Ils renvoient la viande, parce qu'ils ont le ventre trop plein. Je vous ferais voir, moi, comment on la mange. Là, personne n'en profite - et c'est nous qui l'avions payée !
Lui (de l'intérieur, avisant cet individu au-dehors). Hé, qu'est-ce-que tu fais là, abruti ? Fous le camp, retourne au boulot !
Trad. : seuls les chats sont à blâmer


Ce petit dialogue accompagnait la reproduction - à plus de 100.000 exemplaires - du tableau de Longoni dans le numéro  du 1er Mai 1894 de Lotta di classe...


Le premier numéro de Lotta di classe, 30-31 Juillet 1892


...hebdomadaire du Parti Socialiste des Travailleurs Italiens (1). Ce qui provoqua un scandale et la saisie du numéro - Longoni lui-même eut maille à partir avec la police.

C'était une époque où une bonne partie des divisionnistes  italiens, comme de leurs équivalents français, se situaient assez loin à gauche - ce qui n'allait pas forcément durer très longtemps.

Dans Riflessioni, la technique divisionniste est  appliquée de façon différenciée :  assez peu pour l'extérieur et le personnage de l'Affamé, plus nettement sur la devanture, et surtout pour l'intérieur du café-restaurant dont les couleurs diffuses sont celles d'un espace protégé, cotonneux. Le procédé est bien visible dans l'exténuation progressive du véritable personnage central, le reflet (riflesso, d'où le titre) de l'affamé : assez net sur le bas de devanture, moins souligné sur la nappe, enfin ombre indistincte du tiers-convive, fantôme de ce repas (e siamo noi che l’abbiamo pagata! Et c'est nous qui l'avions payée!)


Le Café Biffi dans la Galleria, fin du XIXème


Selon les souvenirs des contemporains, la scène est précisément située : devant le café Biffi, dans la Galerie Victor-Emmanuel à Milan. Le modèle pour l'Affamé aurait été un jeune voleur bien connu à l'époque sous le surnom de l'Araignée - Il Ragno.



Caterina Bueno - Fagioli 'olle 'otenne / Haricots à la couenne (Trad. livournais, attribué à Attilio Frantolini)
Mis en ligne par 984250


Ne vous laissez pas tromper par le défilé des plats en vidéo : Fagioli 'olle 'otenne, en dialecte livournais, est une chanson de la faim. Celle d'un homme qui erre dans sa ville détruite par les bombardements de la Deuxième Mondiale et qui se souvient des restaurants qui n'existent plus et de leurs plats populaires et goûteux. Il voudrait simplement manger - Vorèi mangià. Et il ne trouve que des fèves et de la polenta rance - dans le dernier bar il se plaint, et on l'envoie au diable. On trouvera le texte original ici sur l'indispensable site de Lorenzo Masetti et Riccardo Venturi, avec une traduction en anglais, et même en grec...



(1) Père du PSI qui devait finir un siècle plus tard, très misérablement.

13/05/2011

Ciel... Hammershøi

Vilhelm Hammershøi - Unge Egetræer/Jeunes chênes, 1907
Source : artdaily (via amare-habeo)

11/05/2011

Cats a'prowling on their beat




Ewan McColl, Peggy Seeger - Dirty old town, 1949
Mis en ligne par L AND L


I found my love by the gas works croft
Dreamed a dream by the old canal
Kissed my girl by the factory wall
Dirty old town dirty old town

Heard a siren from the docks
Saw a train set the night on fire
Smelled the spring on the smokey wind
Dirty old town dirty old town

Clouds a drifting across the moon
Cats a prowling on their beat
Spring's a girl in the street at night
Dirty old town dirty old town

I'm going to make a good sharp axe
Shining steel tempered in the fire
Will chop you down like an old dead tree
Dirty old town dirty old town


En complément du message précédent : Dirty old town, c'est la ville natale de McColl, Salford, Lancashire - la même que peignait L. S. Lowry (qui habitait Pendlebury, une banlieue de Salford).




...et, concernant la famille Seeger : ici à propos de Ruth Seeger, née Crawford, la mère, là sur Pete Seeger, le demi-frère, là encore on peut écouter et regretter Mike Seeger, le frère de Peggy...

10/05/2011

Il peignait des gens, des chiens, des chats en bâtons d'allumettes




Brian & Michael - Matchstalk Men and Matchstalk Cats and Dogs / Des gens, des chiens, des chats en bâtons d'allumettes, 1978
Michael Coleman, Kevin Parrott
St Winifred's Choir, Tintwistle Brass Band
Mis en ligne par pennylaneuk


He painted Salford's smokey tops
On cardboard boxes from the shops
And parts of Ancoats where I used to play
I'm sure he once walked down our street
Cause he painted kids who had nowt on their feet
The clothes we wore had all seen better days

Now they said his works of art were dull
No room all round the walls are full
But Lowry didn't care much anyway
They said he just paints cats and dogs
And matchstalk men in boots and clogs
And Lowry said that's just the way they'll stay

And he painted matchstalk men and matchstalk cats and dogs
He painted kids on the corner of the street that were sparking clogs
Now he takes his brush and he waits outside them factory gates
To paint his matchstalk men and matchstalk cats and dogs

Now canvas and brushes were wearing thin
When London started calling him
To come on down and wear the old flat cap
They said tell us all about your ways
And all about them Salford days
Is it true you're just an ordinary chap

And he painted matchstalk men and matchstalk cats and dogs (...)

Now Lowry's hang upon the wall
Beside the greatest of them all
And even the Mona Lisa takes a bow
This tired old man with hair like snow
Told northern folk its time to go
The fever came and the good lord mopped his brow

And he left us matchstalk men and matchstalk cats and dogs
He left us kids on the corner of the street that were sparking clogs
Now he takes his brush and he waits outside them pearly gates
To paint his matchstalk men and matchstalk cats and dogs

And he left us matchstalk men and matchstalk cats and dogs (...)


Laurence Stephen Lowry (1887-1976) fils d'un agent immobilier et d'une professeure de piano, lui-même caissier  jusqu'à sa retraite, est le peintre des rues, des usines et du peuple de l'Angleterre industrielle, spécialement de sa ville de Salford près de Manchester. Comme le dit la chanson il croquait les sorties d'usine sur des enveloppes usagées ou des bouts de carton d'emballage. Il était secret et affabulateur, il admirait Rossetti, Van Gogh, Magritte et Lucian Freud en peinture, Donizetti, Bach et Bellini en musique, en littérature Dickens et Thomas Hardy comme tout anglais qui se respecte, mais aussi La Rochefoucauld. La célébrité venant sur la fin, il avait poliment refusé le titre de chevalier et les décorations qu'on lui proposait. Et chacune des horloges qu'il collectionnait était réglée à une heure différente. Une partie de son œuvre, érotique (les Portraits d'Ann) n'a été découverte qu'après sa mort.

Quelles que soient aujourd'hui ses cotes - élevées - c'est souvent le terme de provincialisme qui revient quand on commente Lowry. Pourtant, ses bonshommes en allumettes trottent dans l'universelle fatalité aussi bien que ceux de Beckett et de Giacometti, leurs stricts contemporains.


L. S. Lowry - A Market Place, Berwick upon Tweed, 1935


Aussi abstraits soient-ils, ces schématiques citoyens de la grisaille, ils restent tout aussi cramponnés à leur Lancashire que les villageois de Stanley Spencer à leur Cookham natal. Et c'est bien là le mystère. Peut-être vient-il de ce que c'est dans leur petite province - un temps le cœur industriel de la planète - que l'on a inventé le capitalisme moderne, notre village global en voie de lent effondrement ?


 L. S. Lowry - Industrial Landscape
Matchstalk Men and Matchstalk Cats and Dogs, composé en hommage à Lowry, a été le seul succès de Brian & Michael (Michael Coleman et Kevin Parrott) - mais un succès phénoménal, n°1 des Single Charts au Royaume-Uni trois semaines durant en avril 1978. En fond à la fin du morceau, les enfants du St Winifred's Choir (les St-Winnies Girls) entonnent The Big Ship Sails on the Alley-Alley-O.


Et, dix ans avant Brian & Michael, les Matchstick Men, les hommes en bâtons d'allumettes de Lowry, avaient déjà inspiré le premier single de :



Status Quo - Pictures of Matchstick Men, 1968
Mis en ligne par willybeable


See your face come peaking through my window
Pictures of matchstick men and you
Mirages of matchstick men and you
All I ever see is them and you


L.S. Lowry Memorial, Mottram in Longdendale

08/05/2011

Il lisote les auteurs à la mode

Pierre Subleyras - Portrait d'un homme, dit Portrait de Giuseppe Baretti, ou encore Portrait de Jacques-Antoine de Lironcourt, ca 1745
Musée du Louvre



Cela vous vient régulièrement, comme les phases de la lune - on se retourne tels les chats sur leur coussin - miaulant d'inconfort et d'insatisfaction : les bons auteurs se font rares. On choisit un livre au hasard - cela vous tombe des mains. On y passe une nuit d'insomnie - et d'ailleurs les meilleurs qui nous restent, ne vont-ils pas vivre ailleurs ?

C'est au petit matin, la diane chantant dans les cours des casernes, que se prennent des résolutions : Relisons les classiques ! 

- (Un soupir, dans le fond) lesquels encore ?

- Commençons par Robert Pinget ! Il faut former de grands projets ! Tout Pinget, et dans l'ordre chronologique !

Et de fouiller dans la bibliothèque. Ainsi commence l'aventure du jour, qui durera peut-être.

La bibliothéconomie des chats est, comment dire, toute féline... Pour lire Pinget dans l'ordre chronologique, il faut évidemment partir d'Entre Fantoine et Agapa (1951). Or, pas moyen de mettre la patte sur Fantoine, encore moins sur Agapa.

Qu'à cela ne tienne.

Trouvons une librairie. Prenons le métro. Courons tous les risques.





Emergeons à Odéon, à 8h45 du matin, largement en avance sur l'horaire d'ouverture. Badons le kioskajournaux. Voyons les questions que le monde se pose...













8h55, carrefour Saint-Michel-Saint-Germain, émouvant spectacle. De tous leurs yeux phosphorescents, les chats regardent un employé de Jean-Claude Decaux procéder au lever des couleurs...




...sur un panneau publicitaire.




Ingénieux dispositif : le filin est dissimulé dans une cavité ménagée au pied du panneau.




Collé sur le poteau d'à côté, Julien Gracq n'en croit pas ses yeux.





10h00  - la foule se rue chez Joseph Gibert, en quête de culture. Hélas, pas de Fantoine...

10h15 - Pas d'Agapa non plus à la Compagnie, pourtant librairie quasi-officielle des Editions de Minuit...

10h45 - Traversons tout Paris...

11h10 ...sa Préfecture en travaux... 




11h15 ...sa rue du Renard aux Monte-en-l'air...





11h30 ...son Bobourg en BD...




 11h45 ...ses alentours...


...et dans ces alentours, Colette. Merci Colette, providence des chercheurs de Fantoine...


 
 ...qui commence comme ça :



On peut en lire un peu plus (jusqu'à la page 11) ici à Minuit.

(Un autre soupir, dans le fond) - Et cela va durer, cette tocade ?

- Oui, tant que je trouverai des phrases comme celle-ci : "Je suis donc convaincu aujourd'hui qu'on ne cherche point, dans l'œuvre d'art, à faire surgir le beau ou le vrai. On n'y a recours - comme un subterfuge - que pour continuer de respirer".
Robert Pinget - Entre Fantoine et Agapa, Minuit éd., p.105. 


Cela dit, quand j'étais facteur, je préférais le petit blanc, sec.

Voir le site consacré à Robert Pinget.

06/05/2011

La forme d'une ville : petit hommage à Francis Masse

Francis Masse - La Maison de retraite "Le Lumbago Joyeux"
(extrait de l'album Les dessous de la Ville, 1985)



Quelques autres dessins de Francis Masse, ici. Et mon préféré, là. Et la vie de Francis Masse. L'art-attentat et les sculptures de Francis Masse. Et la maison de retraite en phase de sommeil paradoxal dans le livre de Francis Masse : Les deux du balcon (qui devrait être bientôt réédité). Et On m'appelle l'avalanche, de Francis Masse, qui a été déjà réédité à l'Association.

05/05/2011

Chambre d'enfant : les deux moitiés du génie

Louis-Maurice Boutet de Monvel - ill. pour Filles et garçons d'Anatole France, 1915
Source



Sur BibliOdyssey, les onze planches en couleur de Boutet de Monvel pour Filles et garçons. On peut consulter le livre dans son intégralité sur le site de l'Université de Caroline du sud. Le texte seul, par Anatole France, est à Lisieux.



Louis-Maurice Boutet de Monvel - ill. pour Nos enfants d'Anatole France, 1887


...où on trouve quelques scans de bonne qualité des illustrations de Boutet pour Nos enfants, également d'Anatole France - qu'on verra complet, mais en moindre définition, sur Wikimedia commons. Le texte se trouve également à Lisieux.

L'autre moitié, plus sadique, du génie de Boutet, c'est cette Civilité puérile et honnête par l'oncle Eugène...




...où des enfants riches et bien élevés...




...peuvent rêver d'être de vilains garnements... 




...et apprennent à plaindre ceux dont les parents sont empêchés par leur travail.



04/05/2011

Célébrations : Héros et tombes




Leopoldo Federico, Roberto Grela - A Ernesto Sábato
Mis en ligne par agujavier



"En sortant du bar, et après ma visite nocturne à la pension, j'ai contemplé, place Once, l'immense publicité des Vermicelles Sainte-Catherine et, bien que ne me rappelant pas exactement qui avait été sainte Catherine, il ne m'a guère été difficile de supposer qu'elle avait souffert le martyre, puisque le martyre a toujours été le but, presque professionnel, poursuivi par les saints, et je n'ai pu alors m'empêcher de méditer sur ce trait de l'âme humaine qui fait d'un crucifié ou d'un écorché vif une marque de vermicelles ou de conserves."

Ernesto Sábato (24 juin 1911 - 30 avril 2011) - Sobre Héroes y tumbas / Héros et tombes, 1961
IIIème partie : Rapport sur les aveugles, ch. X.
trad. Jean-Jacques Villard

03/05/2011

Le bar du coin : soldats de la fée verte

Paul Renouard - "Assis aux petites tables de marbre, buvant l'absinthe et immanquablement médaillés." 
Illustration pour Harper's New Monthly Magazine, Avril 1889


"De l'autre côté du boulevard, le Café du Helder est le rendez-vous des officiers de l'Armée et de la Marine, qui lors de leurs brefs passages à Paris sont sûrs d'y trouver quelque ami avec qui causer des plus récentes promotions et des dernières réformes concoctées par leur chef le Ministre de la Guerre; en cas de besoin ils peuvent s'informer auprès des habitués qui, même quand ils n'en font pas profession, ont une inclination particulière pour tout ce qui touche au métier des armes, et qui se tiennent assis aux petites tables de marbre, buvant l'absinthe et immanquablement médaillés. Celui-ci pourrait être un capitaine en retraite  avec son nez rubicond, ses longues moustaches tombantes et son bouc, à sa boutonnière la rosette de la Légion d'Honneur, peut-être méritée pour avoir bien servi en Afrique. Massif, les mains dans les poches, adossé à la banquette de velours qu'il écrase de son poids, jamais il n'ôtera le chapeau de son crâne dénudé. L'autre est peut-être un négociant en chevaux ou un fournisseur militaire qui, par sympathie ou intérêt, préfère absorber son poison vert dans un café pour officiers. Un troisième, corpulent, apoplectique, l'air maussade et l'œil éteint, fume impassiblement - la morosité qu'il affiche est la marque d'un caractère irrémédiablement aigri par de longues années d'ennui sédentaire dans les bureaux du Ministère de la Guerre."

Theodore Child, Caracteristic Parisian Cafes
Harper's New Monthly Magazine, Vol. 78 N°467, Avril 1889
trad. Les Chats


On trouvera un autre reproduction de la gravure de Renouard au Musée de l'Absinthe, mais ici un scanner facétieux ajoute - cela se produit parfois - une touche spectrale à ces buveurs depuis longtemps désarmés.

Renouard (1845-1924) fut l'élève d'Isidore Pils aux Arts Décoratifs, travailla aux fresques de l'Opéra de Paris qu'il continua de hanter par la suite. Dans la lignée de Daumier et Gavarni, c'est un dessinateur de types et d'expressions, et aussi un grand documentariste travaillant pour la presse illustrée, ici le Harper's mais évidemment L'Illustration et le Graphic de Londres.

Le Graphic pouvait se montrer socialement plus incisif que l'Illustration, et Renouard n'y a pas manqué :
 


Paul Renouard - Our homeless London Poor - St James's Park at mid-day, illustration pour The Graphic, 1887
Source




Paul Renouard - Le Monde à Monte-Carlo - La ruée vers les sièges à l'ouverture des portes du Casino, illustration pour The Graphic
Source



Sur l'affaire Dreyfus, il a produit un album de 150 dessins des Défenseurs de la justice, et aussi ce portrait-charge du véritable Traître de l'Affaire, lors de sa fuite en Angleterre :



Paul Renouard - Une visite au major Esterhazy à Londres, illustration pour The Graphic


Enfin, toujours pour le Graphic, une série de dessins sur les milieux libertaires - pour les journaux de l'époque, l'anarchisme était  quasiment un marronnier.



 "Imbéciles de bourgeois, mais l'Anarchie, c'est ciel !"
Paul Renouard  - Orateur anarchiste en France, 1894, illustration pour The Graphic