À minuit sur le gaillard d'avant, c'est au chapitre 40 de Moby Dick qu'on se met à chanter...
Le 40 c'est un de mes chapitres préférés, à vrai dire...
"les chinois voient l'heure dans l'œil des chats" Baudelaire
À minuit sur le gaillard d'avant, c'est au chapitre 40 de Moby Dick qu'on se met à chanter...
Le 40 c'est un de mes chapitres préférés, à vrai dire...
Le titre de la première toile parle de lui-même : le Theater district et ses fantasmes privés/publics. Pour la seconde, c'est Coney Island en furie se ruant sur les Freak shows, on va voir Pip & Flip, les jumelles géantes du Pérou (elles s'appelaient en fait Elvira et Jenny Snow et elles venaient de Géorgie). Quand à Major Mite, c'était Clarence Chesterfield Howerton, le plus petit homme du monde - il a joué dans Le magicien d'Oz et servi de mascotte pour le recrutement du Marine Corps.
Et, s'agissant de Reginald Marsh, déjà.
Chose qu’on ne peut s’empêcher de souligner, le 2 décembre, Proudhon était régulièrement détenu en vertu d’une condamnation, et, au moment même où l’on faisait entrer illégalement en prison les représentants inviolables, on en laissait sortir Proudhon qu’on pouvait y garder légalement (3). Proudhon avait profité de cette mise en liberté pour venir nous trouver.
Je connaissais Proudhon pour l’avoir vu à la Conciergerie où étaient enfermés mes deux fils, et Auguste Vacquerie, et Paul Meurice, mes deux illustres amis, et ces vaillants écrivains, Louis Jourdan, Erdan, Suchet ; je ne pouvais m’empêcher de songer que, certes, ce jour-là on n’eût laissé sortir aucun de ces hommes-là.
Cependant Xavier Durieu me parla à l’oreille. – Je quitte Proudhon, me dit-il, il voudrait vous voir. Il vous attend en bas, tout près, à l’entrée de la place, vous le trouverez accoudé au parapet sur le canal.
— J’y vais, lui dis-je.
Je descendis.
Je trouvai en effet, à l’endroit indiqué, Proudhon pensif, les deux coudes appuyés sur le parapet. Il avait ce chapeau à larges bords avec lequel je l’avais souvent vu se promener à grands pas, seul, dans la cour de la Conciergerie.
J’allai à lui.
— Vous voulez me parler ? dis-je.
— Oui.
Et il me serra la main.
Le coin où nous étions était solitaire. Nous avions à gauche la place de la Bastille profonde et obscure ; on n’y voyait rien et l’on y sentait une foule ; des régiments y étaient en bataille ; ils ne bivouaquaient pas, ils étaient prêts à marcher ; on entendait la rumeur sourde des haleines ; la place était pleine de ce fourmillement d’étincelles pâles que font les bayonnettes dans la nuit. Au-dessus de ce gouffre de ténèbres se dressait droite et noire la colonne de Juillet.
Proudhon reprit :
— Voici. Je viens vous avertir, en ami. Vous vous faites des illusions. Le peuple est mis dedans. Il ne bougera pas. Bonaparte l’emportera. Cette bêtise, la restitution du suffrage universel, attrape les niais. Bonaparte passe pour socialiste. Il a dit : Je serai l’empereur de la canaille. C’est une insolence, mais les insolences ont chance de réussir quand elles ont à leur service ceci.
Et Proudhon me montrait du doigt la sinistre lueur des bayonnettes. Il continua :
— Bonaparte a un but. La République a fait le peuple, il veut refaire la populace. Il réussira, et vous échouerez. Il a pour lui la force, les canons, l’erreur du peuple et les sottises de l’Assemblée. Les quelques hommes de la gauche dont vous êtes ne viendront pas à bout du coup d’État. Vous êtes honnêtes, et il a sur vous cet avantage, qu’il est un coquin. Vous avez des scrupules, et il a sur vous cet avantage, qu’il n’en a pas. Cessez de résister, croyez-moi. La situation est sans ressource. Il faut attendre, mais, en ce moment, la lutte serait folle. Qu’espérez-vous ?
— Rien, lui dis-je.
— Et que ferez-vous ?
— Tout.
Au son de ma voix, il comprit que l’insistance était inutile.
— Adieu, me dit-il.
Nous nous quittâmes. Il s’enfonça dans l’ombre, je ne l’ai plus revu.
9 décembre 1851
Les masses sont peu différentes de ce qu’elles étaient au Moyen Âge. Nous avons cru pouvoir les saisir par la raison, les intérêts, la dignité nationale, l’amour de la liberté. Rien n’y prend. Les deux tiers des paysans croient plus à leur curé qu’à leur avocat ; la fascination de l’empereur Napoléon est telle encore qu’aucun raisonnement ne la peut dissiper. Le Peuple est un monstre qui dévore tous ses bienfaiteurs et ses libérateurs. Il n’y a pas, comme nous l’avions cru, de peuple révolutionnaire ; il n’y a qu’une élite d’hommes qui ont cru pouvoir, en passionnant le peuple, faire passer leurs idées de bien public en application.
15 décembre 1851
Honte à cette nation lâche, pourrie de mercantilisme, à ses royalistes absurdes, à ses jacobins matamores, à sa bourgeoisie égoïste, matérialiste, sans foi ni esprit public, à son prolétariat imbécile toujours avide d’excitations et toujours prêt à toutes les prostitutions. (…) Honte à cette armée dénuée d’esprit public, composée de bêtes féroces, à qui depuis vingt ans les guerres d’Afrique servent d’école pour tuer les hommes sans pitié et sans remords.
Le mural fait partie d'une série peinte par Ravillious et Edward Bawden dans le réfectoire du Morley College for Working Men and Women (1) et inaugurée en février 1930 (2). Tout cela n'existe plus car le réfectoire a été ravagé par une bombe durant le Blitz.
La litho de Bertall nous est très familière, c'est elle qui figure souvent en couverture des éditions de poche de La vie mode d'emploi.
Et d'Eric Ravilious, déjà.
(1) Qui se trouvait initialement dans les locaux de l'Old Vic.
(2) Pour en savoir plus sur ces peintures, on peut aller voir chez James Russell.
De 1891 à 1924 Nishizawa Tekihō et Shimizu Seifū ont produit, sous le titre Unai no tomo (les amis d'un enfant) une collection de gravures sur bois en dix tomes reproduisant des jouets tradtionnels japonais souvent dérivés de charmes et d'amulettes reliés au folklore paysan et à la tradition shinto.
Nombreuses sont les statues en bronze du Chat. Mais Philippe Geluck a dédié tout particulièrement celle-ci "à ses amis et confrères dessinateurs ou journalistes victimes de la répression et du terrorisme et, au-delà de l’épouvantable tragédie de janvier 2015, à tous les dessinateurs emprisonnés, torturés ou exécutés à travers le monde".
Le financement a peut-être été complexe (1) mais le symbolisme l'est aussi. Il faut s'approcher pour comprendre que les flèches de ce Saint-Sébastien-Chat aux mains liées derrière le dos (2) sont des crayons de couleur, qu'il représentent les traits d'humour que le dessinateur décoche et qui lui reviennent - pour le tuer, parfois. Mais qu'ils sont aussi et indissociablement - à un degré méta, pourrait-on dire - le signe de l'humour contre soi-même qui peut être libérateur, d'où les petits oiseaux, prêts à s'envoler de ces perchoirs ambigus.
Mais comment faire de l'humour, sérieusement, sur un massacre d'humoristes ?
En déboîtant la plaisanterie, comme disait Barthes - en la transformant en mythe.
Les personnages de bd - certains du moins, sur lesquels se sont accumulées des millions d'imaginaires, de lectures, de rêves et de cauchemars - sont des mythes. Mafalda, Charlie Brown (4) ou Le Spirit...
...sont des mythes insubmersibles (5). Le Chat est lui aussi en voie d'en être un. En passant du dessinateur assassiné au personnage transpercé on se libère des discussions interminables sur le signifié, son sens et son rapport au signe - par exemple, de ces questions : que penser et qu'exprimer à propos des auteurs de ces massacres, de ceux qui leur ressembleraient, ou de ceux que l'on voudrait leur faire ressembler, etc. On s'en libère, et on a un personnage assassiné mais immortel, un mort qui survivra sans cesse, qu'on n'arrivera jamais à tuer - non plus un signe ni même un symbole mais un mythe en devenir et dont il faut remercier, entre autres, son auteur.
Notez qu'on n'a pas attendu le 7 janvier 2015 pour assassiner des dessinateurs. Si vous le voulez, on peut avoir une pensée pour Naji Al-ali tué par balles (6) le 22 juillet 1987 à Londres, en se rendant à son travail au quotidien koweïtien Al-Qabas. Naji Al-ali était le père d'un autre mythe, Handala, le petit garçon palestinien le plus souvent dessiné de dos pour qu'on voie ce à quoi il fait face.
(1) Si vous regardez bien sur le socle, vous verrez que la liste des mécènes se termine par la mention de Normandise Pet Food, producteur bas-normand d'aliments pour chiens et chats...
(2) Inspiré d'un dessin antérieur.
(3) Je me souviens du cours de K. sur ce passage des Mythologies. J'étais fasciné (j'étais jeune).
(4) Je me souviens d'une organisation trotskyste du temps jadis qui avait poussé l'affectation et le mimétisme jusqu'à obliger chaque cellule de base à prendre le nom d'un militant historique de la IVème internationale. Quelque peu dissidente, l'une d'entre elles s'était crânement dénommée "cellule Charlie Brown". C'était un trotskyste américain s'égosillaient-ils quand la direction les engueulait...
(5) Et, en particulier, ce sont les miens, mais parce qu'ils sont ceux de milliers d'autres.
(6) Il meurt de ses blessures cinq semaines plus tard, le 29 août 1987.
Un musicien noir joue du saxophone sur une statue brisée de Minerve, déesse de la raison - et, probablement, des bonnes manières dans l'esprit du peintre. Une flapper blanche danse après s'être entièrement déshabillée, ses vêtements gisent sur le sol et sur le bras brisé de la statue, à l'exception d'une boucle d'oreille verte.
L'œuvre, censée symboliser l'influence nouvelle du jazz sur les mœurs européennes durant les roaring twenties, figura à l'exposition d'été de la Royal Academy, à partir du 3 mai 1926 (1), et y tint cinq jours. Le peintre la retira après une campagne de presse et, surtout, un avertissement du British Colonial Office déclarant le sujet "insupportable pour les sujets britanniques vivant à l'étranger au contact de populations de couleur". Souter détruisit la toile et attendit trente-six ans avant de la refaire à partir des dessins préparatoires qu'il avait conservés.
(1) Le lendemain commençait la Grève générale de 1926.
M. Chat - Il ne pleut plus.
Mme Chat - Il pleut beaucoup moins qu'on ne pense.
M. Chat - S'agissant de la météorologie, je citerais bien un auteur local...
Mme Chat - S'agissant de l'histoire et de ses répétitions, je le citerais bien aussi. Au fait, as-tu noté...?
M. Chat - J'ai noté.
Mme Chat - Je veux dire, sans te tromper de jour comme d'habitude... Au fait, sur ta photo là, on voit l'hôpital psychiatrique.
M. Chat - Je ne me trompe jamais quand il pleut. Ou quand il a plu. Et puis, pour l'hôpital, tu sais ce qu'on dit par ici : ce sont les fous qui nous protègent.
Mme Chat - Et là, c'est la pluie, ou les bombardements ?
M. Chat - C'est le temps. En fait, il pleut du temps. Il pleut du temps tout le temps.
Mme Chat - Oui mais ces temps-ci, il pleut du temps plus souvent. Et plus fort.
M. Chat - Tu veux dire que les digues se sont rompues ?
Mme Chat - Je veux dire que les barrages se sont transformés en marchepieds.
M. Chat - Heureusement, il ne pleut plus.
Mme Chat - C'est temporaire. De toute façon, il pleut du temporaire.
M. Chat - Profitons-en, alors.