Nicolas Grollier de Servière - Recueil d’ouvrages curieux de mathématique et de mécanique, ou Description du cabinet de M. Grollier de Servière, avec des figures en taille-douce, 1719
Via Geisterseher
(Ceci est une nouvelle et modeste contribution à l'année Cortázar.)
En 1971, quand j'achetai mon exemplaire de Marelle (Rayuela, Hopscotch) à la défunte librairie La Joie de Lire, quelle ne fut pas ma surprise de constater, une fois assis dans le métro Austerlitz-Auteuil, en l'ouvrant au chapitre 1, que j'étais au chapitre 155. Je me trouvais l'heureux propriétaire d'un collector, un véritable tirage pour Cronope, un Marelle relié à l'envers...
...ce qui rendait encore plus aventureuse l'exploration de cet ouvrage qui se lit, comme on sait, en zigzag ou pire, comme au chapitre 34.
On ne décrit pas Marelle, on ne peut pas faire de tirade pédante ou de fine allusion à propos de Marelle. On n'explique pas Marelle. On tombe dedans, et on rencontre plus tard des gens qui sont tombés dedans aussi, qui vous répètent un bout de Marelle ou qui vous disent
- Et le chapitre 21 ("rentrez chez vous et lisez Spinoza...")
- Et quand Rocamadour...
et vous dites oui évidemment, bien sûr... et vous les laissez partir du pas légèrement hésitant de ceux qui n'ont pas pu dire exactement ce qu'ils ressentaient et puis le soir même vous rouvrez ce foutu bouquin plein de petits numéros qui ne se suivent pas et qui sont faits pour lire plusieurs livres l'un dans l'autre, dans un sens ou dans l'autre ou, encore mieux, comme au chapitre 34.
Marelle est une compagne d'insomnie, un Baedeker du surréel, un guide des égarés pour qu'ils s'égarent plus encore...
Paris est une énorme métaphore (26)
un mandala qu'il faut parcourir sans dialectique (93)
La vie, comme un commentaire de quelque chose d'autre que nous ne pouvons atteindre, qui est là, à portée du saut que nous ne faisons pas (104)
...et Marelle c'est la Maga (la Sibylle, dans la traduction de Laure Guille, les angles et saxons ont gardé la Maga) et il fut un temps où chez toutes les filles on cherchait subrepticement la Maga et ce qui compliquait tout c'était ces filles qui se prenaient elles aussi pour la Maga - puis comme nous avons été désorientés quand nous avons appris que la Maga avait peut-être aussi existé.
Il y a un monde particulier des lecteurs de Marelle, qui intersecte en quelques points le monde dit réel, quand par exemple vous passez rue de l'Estrapade (il ne faut pas trop chercher le n°4, mais je vous assure que j'y ai habité) ou que vous entendez
ou encore
Aussi, comprenez que mon cœur a tressauté quand j'ai lu la liste des nominés des Daphne Awards 1963:
Fiction :
"Hopscotch" by Julio Cortázar
"Girls of Slender Means" by Muriel Spark
"The Bell Jar" by Sylvia Plath
"Cat's Cradle" by Kurt Vonnegut
"The Man Who Fell to Earth" by Walter Tevis
"V" by Thomas Pynchon
Ca, c'était la première liste - la dernière en date, la voici :
"Hopscotch" by Julio Cortázar
"The Bell Jar" by Sylvia Plath
"The Grifters" by Jim Thompson
"The Clown" by Heinrich Böll
"Ice Palace" by Tarjei Vesaas
"Dreambook for our time" by Tadeusz Konwicki
"The sailor who fell from grace with the sea" by Yukio Mishima
Vous aurez compris que les Daphne que décerne Bookslut récompensent le meilleur roman de l'année (il y a d'autres catégories) à cinquante ans d'écart - pour mémoire, le National Book Award de 1963 était Le centaure de John Updike, et le Goncourt de la même cuvée, hum, vous ne devinerez pas. Personnellement je pense la même chose que Dennis Abrams : un prix qui met sur la même ligne de départ Cortázar et Jim Thompson (1) est digne de durer. J'ai voté Hopscotch, vous pouvez voter aussi.
(1) The Grifters, lent, tordu, souple et vipérin, est sur ma propre liste des meilleurs romans noirs de tous les temps.
...ce qui rendait encore plus aventureuse l'exploration de cet ouvrage qui se lit, comme on sait, en zigzag ou pire, comme au chapitre 34.
On ne décrit pas Marelle, on ne peut pas faire de tirade pédante ou de fine allusion à propos de Marelle. On n'explique pas Marelle. On tombe dedans, et on rencontre plus tard des gens qui sont tombés dedans aussi, qui vous répètent un bout de Marelle ou qui vous disent
- Et le chapitre 21 ("rentrez chez vous et lisez Spinoza...")
- Et quand Rocamadour...
et vous dites oui évidemment, bien sûr... et vous les laissez partir du pas légèrement hésitant de ceux qui n'ont pas pu dire exactement ce qu'ils ressentaient et puis le soir même vous rouvrez ce foutu bouquin plein de petits numéros qui ne se suivent pas et qui sont faits pour lire plusieurs livres l'un dans l'autre, dans un sens ou dans l'autre ou, encore mieux, comme au chapitre 34.
Marelle est une compagne d'insomnie, un Baedeker du surréel, un guide des égarés pour qu'ils s'égarent plus encore...
Paris est une énorme métaphore (26)
un mandala qu'il faut parcourir sans dialectique (93)
La vie, comme un commentaire de quelque chose d'autre que nous ne pouvons atteindre, qui est là, à portée du saut que nous ne faisons pas (104)
...et Marelle c'est la Maga (la Sibylle, dans la traduction de Laure Guille, les angles et saxons ont gardé la Maga) et il fut un temps où chez toutes les filles on cherchait subrepticement la Maga et ce qui compliquait tout c'était ces filles qui se prenaient elles aussi pour la Maga - puis comme nous avons été désorientés quand nous avons appris que la Maga avait peut-être aussi existé.
Il y a un monde particulier des lecteurs de Marelle, qui intersecte en quelques points le monde dit réel, quand par exemple vous passez rue de l'Estrapade (il ne faut pas trop chercher le n°4, mais je vous assure que j'y ai habité) ou que vous entendez
Germaine Montero - Les amoureux du Havre
Paroles et musique de Léo Ferré
Paroles et musique de Léo Ferré
Mis en ligne par Coline P.
ou encore
Louis Armstrong - Don't you play me cheap
Mis en ligne par Bebop KID
Aussi, comprenez que mon cœur a tressauté quand j'ai lu la liste des nominés des Daphne Awards 1963:
Fiction :
"Hopscotch" by Julio Cortázar
"Girls of Slender Means" by Muriel Spark
"The Bell Jar" by Sylvia Plath
"Cat's Cradle" by Kurt Vonnegut
"The Man Who Fell to Earth" by Walter Tevis
"V" by Thomas Pynchon
Ca, c'était la première liste - la dernière en date, la voici :
"Hopscotch" by Julio Cortázar
"The Bell Jar" by Sylvia Plath
"The Grifters" by Jim Thompson
"The Clown" by Heinrich Böll
"Ice Palace" by Tarjei Vesaas
"Dreambook for our time" by Tadeusz Konwicki
"The sailor who fell from grace with the sea" by Yukio Mishima
Vous aurez compris que les Daphne que décerne Bookslut récompensent le meilleur roman de l'année (il y a d'autres catégories) à cinquante ans d'écart - pour mémoire, le National Book Award de 1963 était Le centaure de John Updike, et le Goncourt de la même cuvée, hum, vous ne devinerez pas. Personnellement je pense la même chose que Dennis Abrams : un prix qui met sur la même ligne de départ Cortázar et Jim Thompson (1) est digne de durer. J'ai voté Hopscotch, vous pouvez voter aussi.
(1) The Grifters, lent, tordu, souple et vipérin, est sur ma propre liste des meilleurs romans noirs de tous les temps.
1 commentaire:
Tiens, c'est drôle, moi c'est d'un exemplaire de W ou le souvenir d'enfance que j'ai découvert, après l'avoir acheté, qu'on l'avait broché à l'envers. C'est à se demander si certains livres ne souhaitent pas signaler à leurs futurs lecteurs qu'ils ne se laisseront pas traiter comme le premier bouquin venu.
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