15/02/2014

Les lunes de Celles







En 1959, quand les touristes n'avaient pas encore remplacé les dinosaures sur les bords du Salagou, le Conseil Général de l'Hérault décida de la construction d'un barrage. A l'origine, le niveau des eaux devait atteindre la cote 147, submergeant le village de Celles dont les habitants, bon gré malgré, durent quitter les lieux.










Le barrage avait pour fonction de réguler les crues de l'Hérault en aval, mais aussi de permettre l'irrigation de cultures alternatives à la vigne - c'était l'époque où une technostructure venue de loin rêvait de transformer le Languedoc en une Tennessee Valley plantée de pêchers et de pommiers - tout en floridisant le littoral.










Las, les fruits devaient plutôt venir d'Espagne ou du Maroc. Et les eaux s'arrêtèrent à la cote 139, au-dessous du village. Mais les habitants étaient déjà partis.










Pendant des années, Celles servit de réserve gratuite de matériel pour les bricoleurs/désosseurs du dimanche, d'abri pour les communautés temporaires de hippies et enfin de décor de cinéma qu'on pouvait faire brûler à volonté.



Robert Enrico - Zone rouge, 1986
Les incendies sont tournés à Celles
Mis en ligne par Pablomaia54



Comme un groupe d'humains est difficile à tuer, qu'il s'agisse d'une usine, d'une maternité ou d'un village, les habitants (au recensement de 2004 la commune en comptait officiellement 24) ont réussi à maintenir une présence symbolique - un gardien, un secrétariat de la mairie, deux appartements, le raccordement électrique - puis à présenter un projet de réhabilitation. 










Mais sur un site désormais touristique (la Floride de la Mission Racine s'est déplacée vers les montagnes, et pour cause...) et de surcroît classé, ils ne sont pas au bout de leurs peines.










C'est ainsi que Celles, ni détruite, ni submergée, ni complètement vide, mais toujours pas réellement habitée, est devenue un canton de Mars ou de la Lune - on peut s'y promener sans crainte de croiser les autochtones. 





Détail de la précédente photographie




On n'y rencontre que les astronautes.




Ghost Village (Celles 43° 39′ 41″ N 3° 20′ 27″ E)
Réalisation et montage : Stéphane Lun-Sin 
Pilote et technicien drone : Steeve Wincenty
Mis en ligne par OKTOFOCUS





Le site des habitants et de la Commune de Celles est ici.



Et pendant ce temps-là...

...lecture qui n'est pas sans rapport avec ce qui précède :  Une autre histoire des trente glorieuses - également à la radio

...la gerboise est comme la peur : bleue

1 commentaire:

Patricia a dit…

Un très bel article et fort intéressant, comme vous savez si bien les rédiger. Merci. Je connais fort peu ce côté du Sud.

Un sujet préoccupant encore aujourd'hui, notamment dans le Tarn :
http://www.reporterre.net/spip.php?article5409

ou bien au Panama :
http://www.reporterre.net/spip.php?article5380

Sinon, je n'ai toujours pas digéré les terres englouties de mon enfance pour construire la centrale nucléaire de Golfech (Tarn-et-Garonne)!

Même problématique dans la vallée de la Susa (Italie)pour faire passer la LGV Lyon-Turin en creusant un tunnel.

De même, pour le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes !

Tous ces grands projets inutiles qui détruisent des lieux de vie pour les humains, la flore, la faune.

Bref !