06/03/2022

Critique de la critique critique

 

(Une présentation, ni pire ni meilleure que d'autres, de) Wes Anderson - The French Dispatch, 2021
Mis en ligne par The Discarded Image


J'ai visionné avec retard The French Dispatch. Comme d'habitude je vais fouiller dans ce qu'en a dit la critique française et je suis frappé par son unanimité hostile et par l'écart entre ce que j'en lis (1) et mon propre ressenti. Je m'interroge. Je fouille, je collecte quelques indices. Je prends des notes et finalement je me dis que je vais m'inspirer du titre d'un ouvrage célèbre de tonton Charles pour ce billet.

D'abord, une des dernières images du film : 

 


 

C'est une liste de lecture. On dirait presque un syllabus pour un cours de littérature états-unienne. Et donc :

1. The French Dispatch est un film sur un magazine bien connu qui s'appelle le New Yorker. Dont les piliers s'appelèrent James Thurber, Dorothy Parker, J.D. Salinger, etc... Dont Wes Anderson a, paraît-il,  systématiquement collectionné tous les numéros depuis sa prime jeunesse. Le New Yorker avait un directeur historique de la rédaction, un editor, qui s'appelait Harold Ross. Thurber a publié en 1957...



 

...ses souvenirs sur Ross. Bill Murray, dans le film, c'est Ross.

 

2. The French Dispatch est un film sur le New Yorker et la France. Sur leurs rapports. La liste de lecture est celle des correspondants en France ou des écrivains du New Yorker expatriés qui ont écrit, en France, spécialement, sur la France.  Et leurs textes - ceux qui sont à la base du scénario - ont été publiés en complément du film :

 

Édité par David Brendel, Pushkin Press, 2021.


3.  Il s'agit donc de la mise en scène cinématographique du point de vue d'expatriés états-uniens en France, sur la France. Dans le troisième épisode du film, par exemple, il s'agit du point de vue de James Baldwin sur la police française quand il se fait arrêter parce que les draps de son lit d'hôtel miteux avaient été en fait dérobés à un autre hôtel par un de ses amis.

Baldwin, accusé de recel desdits draps, passe une semaine en prison à Fresnes avant d'être libéré dans un éclat de rire. Et je ne peux pas faire mieux que de le citer quand il décrit son état d'esprit, en état d'arrestation dans un commissariat français (en anglais direct parce que je suis trop paresseux pour traduire la tartine) :

I discouraged the chatter of my New York friend and this left me alone with my thoughts. I was beginning to be frightened and I bent all my energies, therefore, to keeping my panic under control. I began to realize that I was in a country I knew nothing about, in the hands of a people I did not understand at all. In a similar situation in New York I would have had some idea of what to do because I would have had some idea 246of what to expect. I am not speaking now of legality which, like most of the poor, I had never for an instant trusted, but of the temperament of the people with whom I had to deal. I had become very accomplished in New York at guessing and, therefore, to a limited extent manipulating to my advantage the reactions of the white world. But this was not New York. None of my old weapons could serve me here. I did not know what they saw when they looked at me. I knew very well what Americans saw when they looked at me and this allowed me to play endless and sinister variations on the role which they had assigned me; since I knew that it was, for them, of the utmost importance that they never be confronted with what, in their own personalities, made this role so necessary and gratifying to them, I knew that they could never call my hand or, indeed, afford to know what I was doing; so that I moved into every crucial situation with the deadly and rather desperate advantages of bitterly accumulated perception, of pride and contempt. This is an awful sword and shield to carry through the world, and the discovery that, in the game I was playing, I did myself a violence of which the world, at its most ferocious, would scarcely have been capable, was what had driven me out of New York. It was a strange feeling, in this situation, after a year in Paris, to discover that my weapons would never again serve me as they had (2).

Double effet de miroir. Baldwin renvoie à son lectorat (très majoritairement blanc) du New Yorker le regard qu'un noir états-unien porte sur la façon dont il est vu par la police française. Triple effet de miroir maintenant : quand Jeffrey Wright Joue le rôle de Baldwin (3) dans The French Dispatch, il condense et projette sur un public international cette image diffractée de la France à travers un prisme états-unien, noir, gay et expatrié, de façon à faire apparaître encore plus vivement que si ce caractère (français) avait semblé, vu de loin, si libre et généreux, il fallait s'y être confronté pour pouvoir deviner que, s'il était généreux, il était aussi inflexible et qu'un étranger qui voulait y pénétrer le trouvait rempli de pièces si étranges, hautes de plafond et pleines de poussière qu'elles en étaient inhabitables (2).

Ce troisième effet, Anderson le réalise à travers un pastiche de film policier à la française, style années 50-60, où l'on parcourt les couloirs compliqués des services de police (cuisines incluses) (4).

Mais on peut aussi penser à la vaste prison du premier épisode (celui que les critiques français ont préféré), ou à la maison compliquée inspirée de celle qu'habite M. Hulot dans Mon oncle. Remarquons simplement que ce film parle beaucoup, à propos de la France, de prison, de violence policière (second épisode) et de police tout court (troisième épisode). Tout cela avec un humour et une retenue tout andersoniens, mais ne serait-ce pas pour pointer le côté inflexible de notre générosité, comme dirait Baldwin ?

4. Quand il évoque l'idée séminale de son film, Anderson dit (5) qu'il avait envie de faire en même temps (a) un film-anthologie (il évoque Le Plaisir d'Ophüls ou L'or de Naples de de Sica - oui, le gars ne se mouche pas du pied, ça fait partie de son charme), (b) un film sur le New-Yorker et (c) un film français (I want to do one of those - je vous dis, il ne recule devant rien). Avec ce qu'il aime bien, les faux raccords genre Nouvelle Vague. Et il ajoute qu'en guise de synthèse cela donne un film de d'émigration inversée (reverse emigration). Je trouve le terme intéressant. Voyons un peu.

Dans le second épisode du film, Revisions to a manifesto, Frances McDormand joue le rôle d'une correspondante du French Dispatch qui couvre les développements d'un Mai 68 angoumois (Le film est tourné à Angoulême, rebaptisée Ennui-sur-Blasé). Puis elle entreprend une brève love affair avec un Timothée Chalamet as Cohn-Bendit.

En fait, McDormand c'est Mavis Gallant (Montréal 1922 - Paris 2014)...




...qui a écrit les

 


 

précédemment publiées dans les numéros des 14 et 21 septembre 1968 du New Yorker. Ne lisez pas les souvenirs héroïques ou autocritiques (ce sont parfois les mêmes). Si vous voulez sentir l'odeur des rues vides et entendre le bruit des pas (6) à Paris en Mai 68, lisez Mavis Gallant. Elle sortait tous les jours pour noter l'atmosphère de la rue, la vie des gens, les conversations de rue, tout ce qui fait de ses deux articles le meilleur rapport sur ce mois-là. Ainsi, le 1er juin, ce portrait du fameux retour à la normale après la manifestation gaulliste du 30 mai :

 


 

Gros titre : ESSENCE CONTRE RÉVOLUTION, ce qui veut dire qu'ils ont ouvert les pompes à essence et noyé la révolution. Tout cela est irréel : chaque jour la police intervient pour briser les grèves. Ils sont obligés de traîner les grévistes dehors. Aucune protestation. Rien encore n'est redevenu normal, sauf l'essence magique (7) et le sucre magique. Rien ne fonctionne. Pendant cette période agitée j'ai vu moins de noirs et de nord-africains que d'habitude, ils se sont fait très discrets. À présent on les revoit, toujours aussi discrets, balayant les rues. Rien n'a changé.

 

 


 

Journée chaude et ensoleillée. Je me demande si de G. a des accointances particulières avec le Tout-Puissant ; en tout cas le temps n'a jamais été aussi beau que depuis qu'il s'est entendu avec l'armée. J'aimerais bien savoir ce qu'il leur a promis en échange. À sept heures dans ma rue ce matin, une folle s'est mise à tenir un discours politique. On l'entendait très distinctement. Elle égrenait à la suite tous les termes que nous avons entendu depuis le début du mois de mai : « La situation actuelle… Le pouvoir… L'ordre rétabli… L'ennemi commun… Certains secteurs de l'économie… » J'en ai bien noté une dizaine avant de renoncer.

 

 

 

Enfin ! Quelqu'un à la radio a rappelé le célèbre « les Français sont des veaux » (8). J'ai aussi entendu ce matin : « en dépit des difficultés, le Diners Club vous rend la vie plus facile… » La radio gouvernementale continue sur les trois chaînes FM à jouer une musique pour cadres surmenés ; et une musique rengaine sur France Culture. Il y a des drapeaux tricolores partout, mais les drapeau rouge flotte toujours sur l'Odéon, la Sorbonne, les usines.

Mavis Gallant - Chroniques de Mai 68, pp. 181-182 

Éd. Rivages, 1998, Trad. de Françoise Barret-Ducrocq

 

Gallant est un exemple fascinant d'émigration inversée. Elle naît Mavis de Stafford Young en 1922, d'un père canadien et d'une mère roumaine, tous deux protestants et parlant anglais, immergés dans le Montréal francophone et ultra-catholique de l'époque, qui l'envoient à 4 ans étudier en français dans un couvent québécois (« ma mère m'a assise sur une chaise et m'a dit "je reviens dans 10 minutes". Et elle n'est pas revenue »). Elle se parle anglais dans sa tête mais ce n'est qu'à partir de 10 ans, quand son père meurt et que sa mère l'abandonne dans des boarding schools, qu'elle a le droit d'étudier cette langue, la seule dans laquelle elle écrira. 

En 1950 le New Yorker accepte son premier texte - il y en aura 115 autres. La même année, elle s'installe à Paris, et y vivra, rue Saint-Romain, jusqu'à sa mort à quatre-vingt-onze ans.

Le personnage que joue McDormand (Gallant donc, sous le nom de Lucinda Kremetz) vit certaine situations décrites dans les Paris Notebooks. Mais à partir du Dîner chez les B. (9) Anderson introduit une élément totalement absent chez Gallant - la liaison avec un étudiant, en fait une métaphore de l'évolution réelle de Gallant, d'abord assez circonspecte sur ce qu'elle voit du mouvement, par exemple les scènes à la Sorbonne, avec une affiche de Staline dans la Cour

Impression d'un vaste bazar – la Chine, Cuba, les films de Godard. Notre époque est un bazar (10).

Attitude qui change progressivement jusqu'au moment où, pp. 69-70 des Chroniques...

Il bruine. J'emporte un parapluie. Rue de Rennes, ils défilent, les jeunes : cette fois-ci, il n'y a que des étudiants – pas d' "éléments" comme on dit. Tout d'abord, je ne comprends pas ce qu'ils disent Cela me semble si extraordinaire. Puis tout s'éclaire, comme après que l'on a frotté un petit moment le givre sur une fenêtre. Je les entends scander : « Nous sommes tous des juifs allemands. » C'est à cause de Cohn-Bendit, parce que c'est l'étiquette qu'on lui colle. Voilà la réponse qu'ils font à leurs parents. Nous sommes en France, ils sont français, je ne rêve pas. Nous sommes tous des juifs allemands. C'est un tel handicap ici d'être l'un ou l'autre – imaginez ce que cela peut signifier que de proclamer qu'on est l'un et l'autre ! C'est l'événement le plus important, je crois, depuis le début de ce fantastique mois de mai, parce que cela révèle que le caractère français est en train de changer, d'apprendre la générosité. Pour la première fois, j'entends une voix en France sortir des limites du chauvinisme.

Je remarque qu'on retrouve la générosité dont parlait Baldwin, cette fois en un peu moins inflexible.

Revenons au film. Donc on suit cette bluette Nouvelle Vague parsemée des citations des Chroniques entre une journaliste vieillissante et un pseudo Cohn-Bendit (et là je ne peux pas m'empêcher de sentir le critique français se tortiller nerveusement dans son fauteuil en grognant contre ce dandysme froid qui prétend lui apprendre quelque chose, non mais)...

Et puis, un peu avant de tuer le héros, on passe à travers le miroir.

Tout était en noir et blanc. Brusquement Anderson revient à la couleur. il a recruté un copain de Timothée Chalamet (oui, c'est un défilé de stars, c'est snob, chic et friqué et c'est pour ça que ça peut tout se permettre) pour jouer Mitch-Mitch, un étudiant dont le sursis est résilié et qui doit partir au service, dans le Mustard Country (on devine d'assez loin l'Algérie...), qui en bave...

 


...qui déserte un peu plus tard. Et là, quand l'écran affiche l'ordre d'appel reçu par le gars, je ne peux pas m'empêcher de partir d'un grand rire nerveux...



 

 ...parce que j'ai reçu à peu près le même, dans des circonstances assez proches (11).

 


je me reprends. Quelques secondes de film plus tard, c'est une séquence de théâtre en chambrée - des appelés au service qui discutent entre eux, la nuit, de ce qu'ils feront après, dans la vraie vie. Avec quelques tirades où on sent que l'auteur a bien vu et revu Le joli mai et Chronique d'un été. L'un d'entre eux dit que plus tard il veut être protestataire. Puis il se suicide. En sautant par la fenêtre.

Et mon rire nerveux s'étrangle.

Parce que j'ai vécu ça aussi, à peu près dans les mêmes conditions.

Pendant les classes. Un jeune de notre chambrée, pas de saut par la fenêtre, il s'est ouvert les veines en se cachant sous un lit dans une pièce inoccupée. On l'a sauvé de justesse, et réformé P4. L'encadrement a parlé de simulation. Sous le lit, vraiment ?

Ce rire nerveux étranglé devant un film, cela pourrait s'appeler, me dis-je, un effet de réel. Pas au bon vieux sens barthésien (le détail inutile à l'intrigue qui est là pour faire vrai) mais quasiment lacanien : l'impensable

Et ici, je me permets un excursus.

Anderson aussi, d'ailleurs. Parce que d'où vient l'inspiration de cette saynète antimilitariste ? Pas des articles du New Yorker cités précédemment. Quelques indices ?

De tous les souvenirs pieux de Mai 68, une chose est systématiquement (enfin, le plus souvent) expulsée. Le côté militaire de la chose. Les tanks rôdant autour de paris. Les mouvements divers chez les appelés, et leurs suites dans les années 70. Mais au cinéma ? C'est pire.

Depuis 1970, étrangement, le cinéma français s'est assagi, s'est endormi sur, a oublié la chose militaire, et ce d'autant plus depuis la fin du service obligatoire. Bien sûr, il y a la guerre d'Algérie, souvenir difficilement effaçable, et les rediffusions de Schoendoerffer. Mais sur le quotidien militaire contemporain, rien que de l'esthétisme creux ou de la propagande proprette. À une exception près qui confirme la règle...

 

Giovanni Aloi - La troisième guerre, 2019
Mis en ligne par Digital Ciné

 

 ...exception précisément due à des tensions récentes qui obligent à / permettent de parler des contradictions au sein même des corps physiques et institutionnels.

Qu'est ce qui fait donc revenir chez Anderson ce réel militaire oublié, forclos, depuis les années 60 ? Simplement la Nouvelle Vague, justement, dont il est obsédé.

La guerre d'Algérie, la menace du départ au service pour les jeunes hommes, tout cela est très présent dans les films qu'on associe à la NV : Varda (Cléo de 5 à 7), Resnais (Muriel, mais là c'est le retour, c'est pire), Rozier (Adieu Philippine), Demy (Les parapluies de Cherbourg), Enrico (La belle vie), Godard (Le petit soldat), Cavalier (L'insoumis) et d'autres encore (12). 

Car la NV est sur le plan politique un phénomène bifrons, un côté droite affirmée voire extrême (d'où parlent à l'origine bien des ténors du mouvement, dans Arts notamment) et un autre côté hanté par la guerre d'Algérie (12). Une contradiction qui finit par se résoudre dans les manifestations pour Henri Langlois. C'est donc à ce point qu'Anderson nous ramène doucement, avec distanciation et humour (qui est la politesse du désespoir) parce qu'il faut s'y prendre tendrement pour rouvrir des plaies quasiment forcloses. Pour parler, par exemple, du rapport étroit entre le militarisme français, la guerre d'Algérie, l'état de la jeunesse en 1962 et Mai 68 (13).

Fin de l'excursus, reprenons.

C'est donc ainsi que cela fonctionne. On réincarne une dame canadienne anglo qui a traîné contre son gré dans des couvents (et même des maisons de redressement) francophones, qui a une relation intime mais critique avec la culture française, pour une reprise ironique de son regard - sympathisant mais sans illusions - sur un événement unique en France au XXème siècle : un soulèvement anti-autoritaire (suivi d'un échec cuisant). 

Romance en deux parties, classique (rencontre-amour, séparation-mort) et entre les deux parties cet intermède sur les soldats déserteurs pendant la guerre d'Algérie (appelons un chat un chat, et essayez de faire un film grand public sur le sujet, pour voir).

Après, le héros contestataire meurt, on l'embaume et tout rentre dans l'ordre. Mais cette séquence désertrice est juste au milieu de l'épisode central du film. C'est son point d'inflexion. Avant, on a l'art en prison, après, ce sont les cuisines de la police (15) : la France, ce cher et vieux pays. Moralité : il faut un regard étranger pour aboutir à la conclusion sensée que ces jeunes ont raison d'abandonner leurs insignes et leurs uniformes et de crier 

« On s'en fout des frontières ». Quelques milliers seulement. Deux milliers ? Trois milliers ? Je ne saurais le dire. Mais quel retournement extraordinaire du caractères français ! C'est pour moi plus important que le vote d'aujourd'hui, dont je ne sais toujours pas le résultat. Personne de ma génération n'a dit cela, et pourtant dieu sait si il y avait de quoi. (16).

 

Voilà, j'arrête le commentaire. Mais je reste étonné. Pourquoi une critique qui jusqu'ici se pâmait unanimement devant les films de WA s'est mise à faire la fine bouche, à dire que décidément l'auteur vieillissait, s'essoufflait, se relâchait, croulait sous ses décors et ses mignardises, qu'on n'y comprenait rien et que de toute façon WA était trop riche et travaillait pour les riches (17). Certes, le gars est un pictorialiste maniéré. Mais pour une fois le film me paraissait avoir clairement du référent, tant littéraire qu'historico-géographique. Alors il me vient une méchante petite idée. Et si ce qui ne plaît pas à la critique française, c'était que le film dit des choses sur la France...

Car pour moi il dit très gentiment, avec humour et plein de courbettes élogieuses, que ce pays n'est peut-être pas, de caractère, si généreux que ça, un peu inflexible quand même, et prêt à taper sur sa jeunesse quand elle prétend tomber l'uniforme. On soupçonnerait presque que tout ce carton-pâte monté à Angoulême vous montre un pays moche, un peu rance et vieilli, prêt à voter Zemmour (quand il n'est pas près à voter Macron parce que c'est moins pire) et que ça vient de loin, tout ça, bien sûr on peut le dire en musique, en criant Aline, pour qu'elle revienne mais elle ne reviendra pas, et la Nouvelle Vague non plus (18).

 


(1) Le film a d'abord été mécaniquement ovationné à Cannes mais les articles ont très vite inversé la tendance. Ainsi, pour les Cahiers du cinéma, le film est «  une succession d’histoires tirées du sommaire (...) d’un magazine américain ». Pour Positif « l'intrigue se déroule dans une ville française fictive (...) où l'on imprime un journal en anglais ». Le bref compte-rendu de l'envoyé de la revue - par ailleurs honorable spécialiste du cinéma asiatique - se termine par une comparaison des films de W. A. avec « les boîtes de sablés danois. On ne devrait jamais commence par le torsadé recouvert de sucre ».

(2) James Baldwin, Equal in Paris, The New Yorker, 1955, repris dans An Editor's Burial.

(3) En fait un rôle composite d'après ce qu'en dit WA, mélange de Baldwin, Tennessee Williams et A.J. Liebling, le critique culinaire de New-Yorker, dont on trouve trois textes sur la cuisine française dans An Editor's Burial.

(4) Un parallèle intéressant serait à faire entre notre tradition policière et la discipline du repas à la française - comparé au dîner family style états-unien, par exemple.

(5) Dans son interview au New-Yorker.

(6) Il est rare qu'on puisse entendre le bruit des pas, en plein jour dans une grande ville moderne. C'est par exemple le cas à Venise. Ce l'était aussi pendant quelques jours en Mai 1968, dans des rues de Paris sans automobiles et sans transports en commun.

(7) Le lendemain de la manifestation gaulliste du 30 mai l'essence était revenue dans les stations-services, juste pour le vendredi veille de week-end.

(8) Citation de De Gaulle.

(9) P. 19 des Chroniques de Mai 68, édition Rivages poche.

(10) Ibid. p.45.

(11) Oui, c'est une vieille histoire que j'ai déjà racontée. Je radote, mais en même temps je ris nerveusement.

(12) Je me permets de renvoyer au spécialiste usual suspect : Antoine de Baecque, « Oh moi, rien ! » La Nouvelle Vague, la politique et l'histoire, in L'histoire-caméra, Gallimard 2002, pp. 182-197 pour la guerre d'Algérie et plus généralement l'ensemble du chapitre.

(13) Qu'on a tendance à considérer maintenant comme un vague truc Flower Power dont l'objectif était de nous permettre maintenant de lire Libé (celui - plus ou moins - de Patrick Drahi). Alors que l'objectif de base était de chasser De Gaulle (je sais, je blasphème) (14) et aurait pu être d'en finir avec la Constitution semi-dictatoriale héritée du coup d'état masqué du 13 mai 1958 (autre blasphème).

(14) Et non, pas la prise du palais d'hiver, ça c'était le fantasme. Mais peut-être un régime parlementaire avec, soyons fous, une dose de proportionnelle. Remarquez qu'un demi-siècle plus tard nous avons toujours la même Constitution, le même président omnipotent, omniscient, omnidirectionnel et insécable. Et que des gens se font éborgner par la police en demandant un référendum d'initiative populaire. Je dis ça, je ne dis rien. Le général De Gaulle disait, lui : les Français sont des veaux.

(15) Scènes où on peut vérifier qu'Amalric sera bientôt mûr pour jouer Maigret.

(16) P. 72 des Chroniques de Mai 68. Le vote était celui de la motion de censure du 22 mai 1968 au soir, rejetée.

(17) Ce qui ne manque pas de sel quand on le lit dans des pages qui regorgent de semi-publireportages pour des restaurants branchés parisiens ou des hôtels de luxe.

(18) Vous trouvez que j'exagère ? Lisez Libération en date du 26 octobre 2021 : « On craint de comprendre où Wes Anderson veut en venir avec cet hommage au plus chic des hebdos, gorgé derrière ses si belles couvertures de matière à penser très dense. Mais on a plus de mal à le prendre au mot quant à l’univocité de sa dédicace, puisque l’exercice d’admiration fuit de partout d’une ironie tragique qui tient à ce que tous les combats de ses protagonistes, artistes, journalistes engagés ou guérilleros urbains de Mai 68 ont depuis longtemps été perdus. Wes Anderson n’est pas un cinéaste passéiste, il est un mémorialiste désespéré de tout ce que nous aspirions à devenir, mais ne serons jamais. Dur. » 

Si je comprends bien, ce gars reproche à WA son propre désespoir à lui, critique. Dur en effet.

1 commentaire:

Tororo a dit…

Ah, enfin quelqu'un qui a pris la peine de regarder le film. Merci les chats!