17/04/2020

L'art de la rue : Käthe Kollwitz ("j'ai encore un petit espoir")


Käthe Kollwitz - Trois garçons jouant aux billes, ca 1909-1910
Pierre noire sur papier vergé
Käthe Kollwitz Museum, Cologne
Source



Il existe maintenant (en fait, depuis septembre dernier) une traduction complète du Journal de Käthe Kollwitz, aux éditions de l'Atelier Contemporain.




Photographe inconnu - Käthe Kollwitz, 1917





10 novembre 1914 
De tout ce que Koch (1) nous a raconté à propos de Peter (2), je retiens deux choses qui m’ont fortement touchée : Tout d’abord lors de leur cantonnement chez des gens en Belgique. Peter jouait avec les enfants qui s’amusaient à lui grimper dessus. Et puis aussi, l’histoire d’un sale sujet, un homme antipathique qui se trouvait parmi eux. Quand Peter est mort, c’est lui qui a dit qu’il aimait bien Peter. Il a proposé de prendre des touffes d’herbe pour les mettre sur sa tombe. Et ils l’ont fait. Puis, ils ont piqué quelques feuilles de chêne entre les touffes et en ont décoré la croix. « C’était très beau » dit Hans Koch. 
« Je suis devenu un maître dans l’art de tisser chagrin et peine Je tisse jour et nuit un lourd habit de deuil. »
Gottfried Keller
Le 10 novembre au soir, je suis allée voir Hans (3) à Tempelhof. Il était pâle, abattu.
Je lui ai expliqué pourquoi, selon moi, il n’était pas obligé d’aller au front. Hans : « Et si je suis convaincu qu’après, je ne réussirai à rien si je n’ai pas vraiment vécu la guerre ? ». À quoi je lui ai répondu : « Soigner des blessés ou bien aller au front, n’est-ce pas dans les deux cas, vivre vraiment la guerre ? Karl (4) et moi n’avons-nous pas vécu cent fois plus la guerre que d’autres qui sont sous le feu des grenades ? »
Je l’ai quitté et je suis rentrée à la maison. J’ai encore un petit espoir. 
Käthe Kollwitz - Journal, trad. de Sylvie Pertoci
L'atelier contemporain éd., 2019 


(1) A propos de Hans Koch, très proche ami de Peter Kollwitz, et de la Lebensreform, lire ici sur le site des Amis de Käthe Kollwitz.
(2) Son second fils, mort au front le 23 octobre 1914 dans la première bataille d'Ypres.
(3) Son  premier fils, alors étudiant en médecine. Hésitait entre partir se battre au front et entrer dans le service médical des armées.
(4) Son mari, Karl Kollwitz, médecin.


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