Boris Klabunovsky - Achetez des livres, buvez du jus de tomate, ca 1950
Via Soviet postcards
R. Kikuo Johnson - "Delayed" / "En retard", Ill. de première page pour le New Yorker du 5/4/2021
Et pendant ce temps-là...
...vos colis ont une histoire, et ils pourraient se syndiquer
Peder Balke - Vardøhus, 1860-1870
Huile sur panneau
Collection Gundersen, Oslo
La forteresse de Vardøhus, qu'on voit à peine au loin, est située sur un île au nord de la Norvège qui a été au XVIIème siècle le théâtre d'une des plus épouvantables chasses aux sorcières du pays, avec 91 victimes.
On y trouve, en souvenir de ce massacre, la dernière œuvre majeure de Louise Bourgeois, le Mémorial des Sorcières de Steilneset, érigé en 2011...
un des rares (1) monuments au monde à la mémoire des victimes des chasses aux sorcières.
Le mémorial de Louise Bourgeois, au premier plan.
A l'arrière, l'autre partie, conçue par Peter Zumthor
Peder Balke - La forteresse de Vardøhus, 1870
Huile sur panneau
Les chasses aux sorcières de Vardø ont inspiré le roman de Kiran Millwood Hargrave, The Mercies, (Les Graciées en français, Laffont éd. 2020).
(1) Avec le Mémorial de Salem et ceux de Paisley et Dunning en Ecosse.
Alfred J. Tooke - I found a clever katy-did / A-playing on his fiddle-string...
The Etude, Music Magazine, March 1946 p. 176
Knowledge of Natural History - Giving Reasons for Hundreds of Interesting Facts in connection with Zoology; and throwing Light upon the Peculiar Habits and Instincts of the Various Orders of the Animal Kingdom, p. 151, Why has the hippopotamus such enormously large teeth?
J. B. Sanders & Co Publishers, Cincinnati, Ohio, 1916
En remerciant l'indispensable Nemfrog pour ces deux images.
Dessin au crayon
Via amare-habeo
Léon-Paul-Joseph Robert - La Colonne Vendôme renversée, 1871
Huile sur toile
Musée d'art et d'histoire Paul Eluard de Saint-Denis
C'est le 5 mai 1871, cinquantenaire de la mort de Napoléon Bonaparte, que la colonne devait être abattue, conformément au décret pris par la Commune le 12 avril 1871 à la demande de Félix Pyat (1) :
La Commune de Paris, considérant que la colonne impériale de la place Vendôme est un monument
de barbarie, un symbole de force brute et de fausse gloire, une
affirmation du militarisme, une négation du droit international, une
insulte permanente des vainqueurs aux vaincus, un attentat perpétuel à
l’un des trois grands principes de la République française, la
Fraternité,
Décrète
Article unique : la colonne Vendôme sera démolie.
Mais ce n'est que le 16 mai que les travaux seront engagés, avec succès. Le tableau de Léon-Paul Robert reprend en fait une photographie prise (2) par E. Robert :
On fêtera donc bientôt le bicentenaire de la mort de Napoléon et les cent-cinquante ans de la chute de sa statue.
(2) Et non de Courbet, qui ne fut élu au Conseil que le 16 avril. En revanche, quinze jours plus tard c'est bien Courbet qui insiste :
Le citoyen Courbet demande que l’on exécute le décret de la
Commune sur la démolition de la colonne Vendôme. On pourrait peut-être
laisser le soubassement de ce monument, dont les bas-reliefs ont trait à
l’histoire de la République, on remplacerait la colonne impériale par
un génie représentant la Révolution du 18 mars.
Le citoyen J.-B. Clément insiste pour que la colonne soit entièrement brisée et détruite.
Le citoyen Andrieu dit que la commission exécutive s’occupe de l’exécution du décret. La colonne Vendôme sera démolie dans quelques jours.
Le citoyen Gambon demande que l’on adjoigne le citoyen Courbet aux citoyens chargés des travaux.
Le citoyen Grousset répond que la commission exécutive a confié
ces travaux à deux ingénieurs du plus grand mérite et qu’ils en prennent
toute la responsabilité.
Journal officiel de la Commune, séance du jeudi 27 avril 1871
(2) Cf. Bertrand Tillier, La Commune de Paris révolution sans images ? Champ Vallon éd. 2004, p. 352.
René Magritte - Eloge de la dialectique, ca 1937
Lavis et encre de Chine sur papier brun
Victor Pivovarov - To Pasha, 2004
Huile sur toile
Je sens venir une semaine Pivovarov...
...une prompte mort vaudrait encore mieux que cette attente qui lui figerait le sang ! Il prit son élan...
Arthur Conan Doyle - Une étude en rouge, 1887
Et, à propos de la station de Baker Street, déjà.
William Nicholson (1872-1949) - The Paper Cap (Ben Nicholson, 1894–1982, as a Boy)
Plus tard, ce garçon rencontrera Mondrian et deviendra un des pères de l'art abstrait en Grande-Bretagne.
Huile sur toile
Galerie Tretiakov
Cinq ans après que Kramskoï ait peint son Garde forestier, Leskov fait paraître...
Cheramour dans cinq numéros de décembre 1879 du journal Novoïé Vrémia. Cheramour a été traduit deux fois en français, la première chez Perrin en 1906, dans un recueil :
et la seconde par Bernard Kreise (1), quatre-vingt-dix ans plus tard tout juste, dans la jolie petite collection des éditions Ombres. Et sur la couverture on retrouve...
le Garde forestier.
Mais à part la longue barbe et la blouse, quoi de commun entre le garde et l'exilé Cheramour ? Ou encore, entre ce peintre et cet écrivain ? Kramskoï fait partie des Peredvijniki, les peintres ambulants de la génération des années 1860, à la fois réalistes, religieux et proches du peuple paysan idéalisé. C'est la veine idéologique du populisme russe. Leskov, lui, est du côté Gogol, comme Saltykov-Chtchédrine : le filon de la satire, du pessimisme (plus ou moins) gai et du burlesque noir.
Cheramour est un émigré (nous dirions : un migrant) russe, réfugié à Paris pour des motifs politiques assez obscurs. Il est pauvre, sans chemise, il a faim. Il s'invite chez ses riches compatriotes pour se faire payer à bouffer. La bouffe, la panse, c'est la grande question, quand on crève de faim. Et quand on lui paie le repas, il raconte son histoire.
Je ne vous la raconterai pas, son histoire - après tout, vous n'avez qu'à acheter le livre, il ne coûte jamais que le prix d'une des séances de cinéma que vous ne vous êtes pas payées ces derniers mois.
Sachez simplement que cette longue nouvelle est très drôle mais que c'est aussi, si on la lit bien, une analyse assez fine (2) de ce qu'étaient - et que sont toujours - les rapports de classe, y compris à l'intérieur de l'émigration.
(1) Qui a également traduit, entre autres classiques russes, la version de 1873 de Guerre et paix "abrégée" en 957 pages par Tolstoï lui-même :
(2) Comme souvent chez les satiristes, même chez ceux qu'on ne peut pas vraiment soupçonner de progressisme (3) comme Leskov, et même dans les pages d'un journal franchement réactionnaire comme l'était Novoïé Vrémia, à l'époque.
(3) Encore faudrait-il s'entendre sur le sens du mot progressisme dans la Russie des années 1860-1870. Entre Leskov et les Narodniki, l'incompréhension est profonde, mais cela n'en fait pas pour autant un réactionnaire partisan de la narodnost' identitaire - mais plutôt, comme le remarque Catherine Géry, un chroniqueur fasciné de la mosaïque culturelle et religieuse de la Russie d'en-bas, la Russie "pratique" et multiple plutôt que la Russie rêvée et unitaire. Et quand on parle de mosaïque, lisez par exemple ce qu'il pensait des vieux-croyants.
Oui, comme si vous les aviez vécu, ces années-là...
ou comme si vous les reviviez, rappelez-vous du début...
Comment elles ont très vite viré, serré, à contre-sens...
Comment elles ont continué...
...vues du rétroviseur.
C'est à la fois vécu et hautement éducatif, et ça se trouve là.
Désirée et alain Frappier ont également commis, chez le même éditeur, Dans l'ombre de Charonne, et trois autres albums chez Steinkis.
Quant à l'auteur de la vie-avec...
on sait qu'il était bien place de la Bastille, tout joyeux avec les autres, au soir du 10 mai 1981 (1). Puis il s'envole vers l'Australie, pour donner des conférences et quelques cours en résidence. Il offre à la bibliothèque de l'Université de Brisbane une feuille des notes préparatoires à La vie mode d'emploi. De retour à Paris, il travaille à son dernier roman, 53 jours. C'est le 2 mars 1982 qu'une ambulance vient le chercher rue Linné pour l'amener à l'hôpital Charles-Foix d'Ivry où il meurt le lendemain vers huit heures du soir.
Un flashforward de quarante-neuf jours : les grèves des OS de l'automobile commencent - et flashback : voir trois images plus haut.
Et à propos de Perec :
- il faut absolument visiter, si vous ne l'avez fait, l'iconographie perecquienne selon Alain Korkos
- aussi déjà, la rue Linné.
(1) cf. David Bellos, Georges Perec une vie dans les mots, 1994, p. 699.
Emsh - Ill. pour Robert Sheckley - The Laxian Key
Galaxy Science Fiction, Novembre 1954
Nous avons tous vu des machines qui ne peuvent pas s'arrêter de produire des choses improbables, inutiles, voire inconnues. Je dirais même que nous sommes environnés de plus en plus de telles machines et que les bullshit jobs ne peuvent que générer des bullshit devices. Mais, en attendant la généralisation de la machine ultime de Marvin Minsky, seul Robert Sheckley a trouvé le moyen d'arrêter le processus, comme s'il y avait un bouton off au capitalisme : la clé laxienne. Il vous en faut une. Vous croyez qu'on peut la commander sur Amazon ?
Richard Gregor était assis à son bureau dans le local poussiéreux de l’A.A.A. «Les As», Service de Décontamination Interplanétaire. Bien qu’il fût presque midi, Arnold, son associé, ne s’était pas encore montré. Gregor commençait à étaler les cartes d’une réussite exceptionnellement compliquée lorsqu’il entendit un bruit sourd en provenance du hall.
La porte du local de l’A.A.A. «Les As» s’entrouvrit, et Arnold passa sa tête par l’ouverture.
«Tu as adopté l’horaire de travail des banquiers? demanda Gregor.
- Je viens d’assurer notre fortune», répondit Arnold.Il ouvrit la porte au large et ajouta, avec un geste dramatique: «Amenez l’objet ici, les gars.»
Quatre hommes en sueur transportèrent jusqu’au milieu de la pièce un engin noir et cubique de la taille d’un bébé éléphant. «Et voilà», dit Arnold fièrement.Il paya les transporteurs et se planta devant la machine, les mains croisées derrière le dos, les yeux mi-clos.
Gregor rassembla ses cartes avec les gestes lents d’un homme qui a tout vu et que plus rien n’étonne.Il se leva et s’approcha de la machine.
«Bon, je donne ma langue au chat. Qu’est-ce que c’est que ça?
- Ça, c’est un million de dollars dans nos poches, répondit Arnold.
- D’accord. Mais qu’est-ce que c’est?
- Un générateur spontané,» Arnold sourit avec fierté. «Je passais devant le dépôt de ferrailles interstellaires de Joe ce matin et j’ai aperçu la machine derrière la devanture. Je l’ai eue pour trois fois rien. Joe ne savait même pas ce que c’était.
- Je n’en sais rien non plus, dit Gregor. Et toi?»
Arnold, qui s’était mis à quatre pattes, s’efforçait de déchiffrer les instructions gravées sur le dessus de la machine. Sans lever les yeux, il dit: «As-tu entendu parler de la planète Meldge?»
Gregor fit signe que oui.
Moebius - ill. pour La clé laxienne
Meldge, une petite planète de troisième catégorie, était située à la périphérie nord de la Galaxie, un peu à l’écart des routes commerciales.
Meldge avait possédé autrefois une civilisation extrêmement avancée, qu’avait rendue possible ce qu’on appelait «la Vieille Science meldgienne». Les techniques de la Vieille Science étaient perdues depuis le fond des âges, bien que l’on en retrouvât de temps à autre quelques vestiges.
«C’est un produit de la Vieille Science? demanda Gregor.
- Exactement. C’est un générateur spontané qui provient de Meldge. Je pense qu’il n’y en a pas plus de quatre ou cinq dans tout l’Univers.Il est impossible de les reproduire.
- Qu’est-ce que ça fabrique ?
- Comment le saurais-je? Passe-moi le lexique meldgien-anglais, veux-tu ?»
Réfrénant son impatience, Gregor marcha vers l’étagère supportant les livres.
«Tu ne sais pas ce que cet engin fabrique?
- Passe-moi le lexique. Merci. Qu’est-ce que ça peut faire, ce qu’il fabrique ? Il ne nous coûte pratiquement rien. Cette machine emprunte son énergie à l’air, à l’espace, au Soleil, à n’importe quoi.Il n’y a rien à mettre dedans, ni fuel, ni essence, pas d’entretien. Et elle fonctionne indéfiniment.»
Arnold ouvrit le lexique et se mit à lire l’inscription que portait la plaque du générateur. «Utilise l’énergie libre dans...» Ces savants n’étaient pas des imbéciles, dit Arnold en notant ce qu’il traduisait sur son carnet. La machine se contente de capter l’énergie qui se trouve dans l’air. Peu importe donc ce qu’elle peut fabriquer. Nous pourrons toujours le revendre et ce que nous en tirerons sera du bénéfice net.»
Gregor regarda son sémillant petit associé, et son long visage triste prit un air plus lugubre que jamais.
«Je voudrais te rappeler quelque chose, Arnold, dit-il. Tout d’abord, tu es chimiste. Pour ma part, je suis écologiste. Nous n’y connaissons rien en machines, surtout lorsqu’il s’agit de machineries étrangères compliquées.»
Arnold hocha la tête d’un air absent et manœuvra un cadran. Le générateur émit un gargouillis sec.
«En outre, poursuivit Gregor en reculant de quelques pas, nous sommes des spécialistes en décontamination planétaire. Tu t’en souviens? Nous n’avons aucune raison de...»
Le générateur se mit à tousser par saccades.
«Ça y est, j’ai fini, dit Arnold en refermant le lexique.Voici ce qui est écrit:
Générateur spontané meldgien, nouveau triomphe des Laboratoires Glotten. Ce générateur est indestructible, incassable et sans défauts. Il ne requiert aucune source d’énergie extérieure. Pour le mettre en marche, appuyer sur le bouton marqué 1. Pour l’arrêter, utiliser la clef laxienne. Votre générateur spontané meldgien vous est offert avec une garantie perpétuelle contre toute avarie.
- Peut-être ne me suis-je pas fait parfaitement comprendre, dit Gregor. Nous sommes des spécialistes en décontami...
- Ne fais pas l’idiot, coupa Arnold. Quand cette machine travaillera pour nous, nous pourrons nous retirer des affaires.Voyons ce bouton 1.»
La machine fit entendre des craquements sinistres, puis le son sec se mua en un ronronnement continu. Pendant de longues minutes, rien ne se passa.
«Elle a probablement besoin de se réchauffer»,dit Arnold avec anxiété.
Soudain, par une ouverture aménagée à la base de la machine, une poudre grise commença à s’écouler.
«C’est probablement un résidu», murmura Gregor. Mais la poudre continua à tomber sur le plancher un bon quart d’heure durant.
«Ça marche! cria Arnold.
- Qu’est-ce que c’est? demanda Gregor.
- Je n’en ai pas la moindre idée.Il faudra que j’analyse cette poudre.» Avec une grimace de triomphe, Arnold introduisit un peu de poudre dans un tube à essai et se précipita vers sa paillasse.
Gregor demeura debout en face du générateur, regardant s’écouler la poudre grise. Finalement, il dit:
«Est-ce qu’on ne ferait pas mieux de l’arrêter en attendant de savoir ce que c’est?
- Surtout pas, dit Arnold. Quoi que ce soit, ça doit valoir de l’argent.» Allumant son bec Bunsen, il remplit d’eau distillée un tube à essai et se mit au travail.
Robert Sheckley - La clé laxienne, trad. anonyme, Galaxie Science Fiction, Mars 1955
La suite par ici.
Il y a Tina Modotti à San Cristóbal de las Casas, Gertrude Duby Blom photographiant les Lacandons, Florence Nightingale et Alexandra David-Néel, B. Traven sous ses masques divers, Bernard Berenson et les Anglais en Toscane et toujours B. Traven, fantôme entre les pages. C'est un livre de voyage et ce n'est pas un livre de voyage puisqu'on rencontre Goethe, à Weimar.
Et Gertrude Blom, l'héroïne, la femme trop âgée, est morte un peu plus tard, quelque deux ans et demi après la première guerre du Golfe.
Judith Schlanger a étudié la philosophie à la Sorbonne avec Alexandre Koyré et Jean Wahl, fait sa thèse sur Schelling (1) et enseigné ensuite à l'Université Hébraïque de Jérusalem. A mi-chemin entre l'épistémologie et l'esthétique, elle a écrit sur l'invention, l'oubli et la mémoire des œuvres, le comique des idées, les métaphores de l'organisme et aussi un essai sur l'intensité historique à partir de Guerre et Paix de Tolstoï.
(1) Sous la direction de Ricoeur, qui ne connaissait rien à Schelling mais lui a dit qu'il était tout heureux de le découvrir avec elle. Schlanger a publié ses mémoires intellectuels dans Fragment épique, Belin éd. 2005.
Fear Case, ép. 1 - Matt Kindt (scénario) Tyler Jenkins (dessin)
Quand j'étais jeune, j'étais plutôt Winters que Mitchum, j'avais un peu de temps to lay around and read speculative science-fiction.
Evidemment, quand j'étais encore plus jeune, j'avais commencé par des trucs comme ça...
John Broome (scénario) Carmine Infantino (dessin) - Prisoners of the atom universe
Strange Adventures, Septembre 1957
...qui avaient déjà un petit côté spéculatif, n'est-ce pas ? Évidemment, dès que je fus un tout petit peu moins jeune je tombai, sans rémission aucune, sur
et, bien que modifiée voire retraduite par deux fois, c'est bien cette version qui s'est imprimée dans les neurones de ma génération...
Par trois fois Randolph Carter rêva de la cité merveilleuse. Par trois fois il en fut arraché au moment où il s’arrêtait sur la haute terrasse qui la dominait. Dorée, magnifique, elle flamboyait dans le couchant, avec ses murs, ses temples, ses colonnades et ses ponts voûtés tout en marbre veiné...
Bien sûr ma génération, comme les autres, a eu tendance à rechercher Kadath par des chemins nouveaux...
Anonyme - Esquisse de la réalité conseilliste, avec des citations de Guy Debord, Charles Fourier et Anton Pannekoek
P. Borione éd. Paris 1970
chemins qui revenaient d'ailleurs sur eux-mêmes, comme pour Randolph Carter.
Et voici que Carter avait enfin descendu le vaste escalier de marbre qui mène à sa cité merveilleuse, car il était de retour dans la belle Nouvelle-Angleterre, le pays qui avait modelé son âme.
Alors, aux accords des milliers de sifflements du matin et dans les éblouissants rayons de l’aube qui se reflétaient sur le grand dôme doré de la Chambre Législative, sur la colline, et pénétraient chez lui par les vitraux violets, Randolph Carter se réveilla en criant dans sa chambre de Boston. Des oiseaux chantaient dans des jardins invisibles et le parfum mélancolique des jasmins palissés montait des tonnelles que son grand-père avait dressées. La beauté, la lumière émanaient de la cheminée classique, de la corniche sculptée et des murs aux peintures grotesques ; au coin du feu, un chat noir, le poil luisant de santé, émergeait en bâillant de son somme dont l’avaient tiré le sursaut et le cri de son maître. À d’innombrables immensités de là, bien loin de la porte du Sommeil Profond, du bois enchanté et de la terre des jardins, au-delà de la mer Cérénérienne et des abords crépusculaires d’Inquanok, Nyarlathotep, le chaos rampant, rêvait dans la citadelle d’onyx au-dessus de Kadath, la cité inconnue du désert glacé.
Mais l'important ce n'est pas la destination, c'est le voyage. Et même quand le confinement rend le voyage immobile, on peut voyager (spéculativement) dans l'interruption. Après tout, comme le dit un grand sage itinérant mais local
Aussi, même et surtout pendant ces interruptions non désirées, il n'est rien de meilleur, pour échapper à tous les discours faussement rassurants, réellement angoissants, de nos chefs du moment qui nous parlent comme ils parleraient, effectivement...
à des chaises, il n'est rien de meilleur donc, pour moi du moins, que de voyager spéculativement dans ma propre peur, ce miroir de la peur des autres, et par exemple me plonger dans une bonne BD paranoïaque. A l'encre bien noire, et à l'aquarelle.
Fear Case est un work in progress. Le grand œuvre de Matt Kindt est bien entendu MIND MGMT, édité en français chez Monsieur Toussaint Louverture.
Hertha Pauli - Der Riss der Zeit geht durch mein Herz / La déchirure du temps, 1970
trad. de Jeanne-Marie Gaillard-Paquet, Presses de la Cité 1972
Hertha Pauli, née à Vienne en 1906 était issue d'une famille juive convertie. Actrice (chez Max Reinhardt à Berlin) et journaliste antifasciste, elle quitte Vienne pour Paris après l'Anschluss. Amie de Joseph Roth et Walter Mehring, elle réussit à gagner les Etats-Unis, via Marseille, grâce à l'Emergency Rescue Committee et à Varian Fry. La déchirure du temps décrit ce passage, de Vienne à Long Island, et aussi ceux qui n'ont pas pu passer, comme Joseph Roth qu'elle montre ici en exil à Paris, au café Le Tournon.
Et cette traduction via Trente, car je ne dispose que de l'édition anglaise. J'aimerais bien que Trente revienne car il n'a pas posté depuis juillet dernier, déjà que je ne trouve plus le site d'Alain Paire, qui parlait si bien de Marseille année quarante et de Walter Benjamin...