Julian Jackson, dans sa biographie de de Gaulle (1), ouvre son chapitre 18, le 18 brumaire de Charles de Gaulle, par ces mots :
C’est Kaputt, le roman de Curzio Malaparte traduit en français en 1946, qui figure dans la bibliothèque de Colombey et non le texte le plus célèbre de l’écrivain italien, Technique du coup d’État, paru en français en 1931. À l’époque, Malaparte, ancien partisan déçu de Mussolini, vit en exil à Paris. Il analyse dans Technique du coup d’État les mécanismes des putschs en partant de quelques cas : les prises de pouvoir de Lénine, Mussolini, Primo de Rivera en Espagne et Pilsudski en Pologne. À titre de contre-exemple, Malaparte étudie l’échec du putsch de Kapp en Allemagne en 1920. Pour Malaparte, le 18 Brumaire, date de la prise de pouvoir de Napoléon Bonaparte comme Premier consul en 1799, est le modèle du coup d’État moderne1. Il constitue « la greffe parfaite de la violence révolutionnaire sur la légalité constitutionnelle ». Le fait que Technique du coup d’État soit absent de la bibliothèque de La Boisserie n’est pas significatif car les livres que de Gaulle possédait avant guerre ont disparu lors du pillage de sa maison. Il est peu probable que de Gaulle n’ait pas lu un livre qui avait connu un si grand succès.
Je retrouve ce passage après avoir lu...
...cette excellente bd historique sur le 13 mai 1958, dont l'étude devrait être rendue obligatoire dans les collèges pour nos chères têtes blondes, brunes, rousses, voire rasées à crête d'Iroquois.
Mme Chat, dans le fond : Tu sais, ça ne se fait plus trop, les crêtes d'Iroquois.
M. Chat, véhément - Mais les coups d'état, si ! Les coups d'état sont de tout temps, indémodables ! Donc une association. 13 mai, coup d'état, Malaparte, je vérifie dans le Jackson et voilà, paf, le court-circuit. Non, je ne délire pas. (Il se calme quelque peu) Et même si je délirais, hein ?
Par ces temps de campagne électorale sourde, à bas bruit - et légèrement menaçante, ne trouvez-vous pas ? - pourquoi ne pas s'intéresser au fond de cageot de la démocratie en temps de crise, à ce qui pourrait crépiter doucement, là-bas au loin dans un ciel d'orage, bref, à l'éventuellement-redoutable. Sans compter que c'est un leitmotiv historique de notre cher et vieux pays.
Si, si, vous savez bien. 18 brumaire an VIII, 2 décembre 1851, 10 juillet 1940, 13 mai 1958. Les claps de fin de quatre Républiques.
Premier épisode donc, première République qui se conclut...
...par les 18 et 19 Brumaire. Pas exactement comme ci-dessus, Gillray force un peu la note anti-froggies avec ses grenadiers simiesques et ses parlementaires froussards.
Mais ça ne s'était pas non plus passé tout à fait comme dans ce fameux tableau, bien postérieur aux faits...
...car les Cinq-Cents, surtout les jacobins, ne se sont pas laissé faire. Et surtout Bonaparte s'est montré bien moins roide que sur cette image. Il avait failli se trouver mal au milieu des parlementaires et avait dû être exfiltré d'urgence par Murat, Lefebvre et quelques grenadiers. Sortant de la salle, couvert de sueur et se griffant le visage, il avait stupéfié Sieyès, autre chef de la conspiration mais pas du tout militaire, en l'appelant "général..."
L'octidi 18 brumaire, dans le calendrier républicain, c'est le jour...
...de la Dentelaire...
...que vous connaissez sous le nom courant de plumbago. Elle était censée guérir des maux de dents, de la gale, de la dysenterie, du saturnisme, bref d'à peu près tout. Un végétal sauveur suprême, en quelque sorte, comme certains généraux.
Revenons-y donc. En fait c'est son grand frère, Lucien Bonaparte, président des Cinq-Cents, qui a sauvé la mise du général putschiste en s'adressant vigoureusement aux troupes, pour rétablir la situation. Et Murat a envahi l'Orangerie de Saint-Cloud à la tête de ses soldats, en criant performativement aux Cinq-Cents "citoyens, vous êtes dissous". Et en ajoutant "foutez-moi tout ce monde-là dehors". Là on retrouve un peu Gillray, d'ailleurs.
"On peut s'attendre à tout, d'un pays qui a été sauvé trop de fois"
Curzio Malaparte
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