H. Scott - Les fiacres devant la préfecture de police, Ill. pour Victor Hugo - Histoire d'un crime, éd. Hugues de 1879
Cependant, un autre mystère s’accomplissait à la préfecture de police.
Les habitants attardés de la Cité qui rentraient chez eux à une heure avancée de la nuit, remarquaient un grand nombre de fiacres arrêtés sur divers points, par groupes épars, aux alentours de la rue de Jérusalem.
Dés la veille, à onze heures du soir, on avait consigné dans l’intérieur de la préfecture, sous prétexte de l’arrivée des réfugiés de Gênes et de Londres à Paris, les brigades de sûreté et les huit cents sergents de ville. A trois heures du matin, un ordre de convocation avait été envoyé à domicile aux quarante-huit commissaires de police de Paris et de la banlieue et aux officiers de paix. Une heure après, tous arrivaient. On les fit entrer dans des chambres séparées et on les isola les uns des autres le plus possible.
A cinq heures, des coups de sonnette partirent du cabinet du préfet ; le préfet Maupas appela les commissaires de police l’un après l’autre dans son cabinet, leur révéla le projet, et leur distribua à chacun sa part du crime. Aucun ne refusa ; quelques-uns remercièrent.
Il s’agissait de saisir chez eux soixante-huit démocrates influents dans leurs quartiers et redoutés par l’Elysée comme chefs possibles de barricades. Il fallait, attentat plus audacieux encore, arrêter dans leur maison seize représentants du peuple. On choisit pour cette dernière tâche, parmi les commissaires de police, ceux de ces magistrats qui parurent les plus aptes à devenir des bandits. On partagea à ceux-ci les représentants. Chacun eut le sien. Le sieur Courteille eut Charras, le sieur Desgranges eut Nadaud, le sieur Hubaut aîné eut M. Thiers et le sieur Hubaut jeune le général Bedeau. On donna le général Changarnier à Leras et le général Cavaignac à Colin. Le sieur Dourlens eut le représentant Valentin, le sieur Benoist le représentant Miot, le sieur Allard le représentant Cholat. Le sieur Barlet eut M. Roger (du Nord) ; le général Lamoricière échut au commissaire Blanchet. Le commissaire Gronfier eut le représentant Greppo et le commissaire Boudrot le représentant Lagrange. On distribua aussi les questeurs : M. Baze au sieur Primorin, et le général Le Flô au sieur Bertoglio.
Des mandats d’amener avec les noms des représentants avaient été dressés dans le cabinet même du préfet. On n’avait laissé en blanc que les noms des commissaires. On les remplit au moment du départ. Outre la force armée qui devait les assister, on régla que chaque commissaire serait accompagné de deux escouades, l’une de sergents de ville, l’autre d’agents en bourgeois. Ainsi que le préfet Maupas l’avait dit à M. Bonaparte, le capitaine de la garde républicaine Baudinet fut adjoint au commissaire Leras pour l’arrestation du général Changarnier.
Vers cinq heures et demie, on fit approcher les fiacres préparés qui attendaient, et tous partirent, chacun avec ses instructions.
Victor Hugo - Histoire d'un crime, 1877
(Première journée : le guet-apens)
Et, à propos de la préfecture de police et de la rue de Jérusalem, déjà.
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