07/01/2017

Une semaine Annenkov (3) : la soie tire sur le lilas


Iouri Annenkov - Portrait d'Anna Akhmatova, 1921
Encre sur papier




На шее мелких чёток ряд,
В широкой муфте руки прячу,
Глаза рассеянно глядят
И больше никогда не плачут.

И кажется лицо бледней
От лиловеющего шелка,
Почти доходит до бровей
Моя незавитая челка.

И непохожа на полет
Походка медленная эта,
Как будто под ногами плот,
А не квадратики паркета.

А бледный рот слегка разжат,
Неровно трудное дыханье,
И на груди моей дрожат
Цветы небывшего свиданья.


Un fin chapelet autour du cou,
Dans le manchon je cache mes mains,
Mes yeux regardent distraitement,
Et plus jamais ne pleurent.

Mon visage paraît plus pâle :
La soie tire sur le lilas.
Et presque jusqu'au sourcil
Tombe une frange lisse.

Non, ça n'a rien d'un vol
Cette lente démarche,
C'est comme un radeau sous les pieds,
Mais pas les lames d'un parquet.


Bouche blême, desserrée,
Respiration haletante,
Contre ma poitrine tremblent
Les fleurs d'un vieux rendez-vous.

Anna Akhmatova - Подорожник / Le Plantain, 1921
Trad. française de Christian Mouze (1), éditions Harpo &, 2009





Iouri Annenkov - Portrait d'Anna Akhmatova, 1921
Gouache






(1) On traduit généralement le dernier vers par "les fleurs d'un rendez-vous manqué", mais Цветы небывшего свиданья se rendrait mieux par les fleurs d'un non-rendez-vous, ou d'un rendez-vous qui n'a pas (eu) lieu. J'ai conservé l'expression choisie par Christian Mouze. Comme la soie tire sur le lilas, c'est un belle infidèle assez violente, ce qui convient assez bien au sens du poème. De toute façon l'image elle-même est intraduisible sans briser le rythme. Les fleurs d'aucun rendez-vous conviendrait peut-être mieux, mais c'est également une infidèle, et les fautes de syntaxe se sentent aussi à l'oreille.

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