03/11/2016

Parcs et jardins : poésie illustrée

Paul Dardé - Laocoon, ca 1921-26
Sculpture sur pierre, taille directe
Collection particulière
Parc du domaine de Montplaisir, Lodève



A l'origine, le Laocoon est une commande de la Ville de Paris, dans une version nettement plus colossale. Une esquisse préparatoire est conservée au musée Fleury.

Contrairement à celui de Virgile, le Laocoon de Dardé ne paraît pas hurler, ce qui est le cas aussi du groupe classique, et qui repose des questions déjà amplement discutées, s'agissant des rapports des arts plastiques, de la poésie et de la douleur.



Hic aliud maius miseris multoque tremendum
obicitur magis, atque improuida pectora turbat.
Laocoon, ductus Neptuno sorte sacerdos,
sollemnis taurum ingentem mactabat ad aras.
Ecce autem gemini a Tenedo tranquilla per alta
– horresco referens – immensis orbibus angues


Ici, un autre prodige, plus grave, et beaucoup plus effrayant
se présente aux malheureux et trouble leurs cœurs déconcertés.
Laocoon, désigné par le sort comme prêtre de Neptune,
immolait selon les rites un énorme taureau sur les autels.
Or voici que de Ténédos, sur des flots paisibles,
deux serpents aux orbes immenses, – ce récit me fait frémir –,

incumbunt pelago, pariterque ad litora tendunt;
pectora quorum inter fluctus arrecta iubaeque
sanguineae superant undas ; pars cetera pontum
pone legit, sinuatque immensa uolumine terga.
Fit sonitus spumante salo ; iamque arua tenebant,


glissent sur la mer et, côte à côte, gagnent le rivage.
Poitrines dressées sur les flots, avec leurs crêtes rouge sang,
ils dominent les ondes ; leur partie postérieure épouse les vagues
et fait onduler en spirales leurs échines démesurées.
L'étendue salée écume et résonne ; déjà ils touchaient la terre ferme,

ardentisque oculos suffecti sanguine et igni,
sibila lambebant linguis uibrantibus ora.
Diffugimus uisu exsangues : illi agmine certo
Laocoonta petunt ; et primum parua duorum
corpora natorum serpens amplexus uterque


leurs yeux brillants étaient injectés de sang et de feu
et ils léchaient leurs gueules sifflantes d'une langue tremblante.
À cette vue, nous fuyons, livides. Eux, d'une allure assurée,
foncent sur Laocoon. D'abord, ce sont les deux corps
de ses jeunes fils qu'étreignent les deux serpents, les enlaçant,

implicat, et miseros morsu depascitur artus;
post ipsum auxilio subeuntem ac tela ferentem
corripiunt, spirisque ligant ingentibus ; et iam
bis medium amplexi, bis collo squamea circum
terga dati, superant capite et ceruicibus altis.


les mordant et se repaissant de leurs pauvres membres.
Laocoon alors, arme en main, se porte à leur secours. Aussitôt,
les serpents déjà le saisissent et le serrent dans leurs énormes anneaux.
Par deux fois, ils ont entouré sa taille, ont enroulé autour de son cou
leurs échines écailleuses, le dominant de la tête, la nuque dressée.

Ille simul manibus tendit diuellere nodos,
perfusus sanie uittas atroque ueneno,
clamores simul horrendos ad sidera tollit :
quales mugitus, fugit cum saucius aram
taurus, et incertam excussit ceruice securim.


Aussitôt de ses mains, le prêtre tente de défaire leurs noeuds,
ses bandelettes sont souillées de bave et de noir venin.
En même temps il fait monter vers le ciel des cris horrifiés :
on dirait le mugissement d'un taureau blessé fuyant l'autel
et secouant la hache mal enfoncée dans sa nuque.

At gemini lapsu delubra ad summa dracones
effugiunt saeuaeque petunt Tritonidis arcem,
sub pedibusque deae clipeique sub orbe teguntur.


Mais les deux dragons s'enfuient en glissant vers les temples,
sur la hauteur, gagnent la citadelle de la cruelle Tritonienne,
et s'abritent aux pieds de la déesse, sous l'orbe de son bouclier.


Virgile, Enéide, II, 199-227



Et, à propos de Paul Dardé, déjà.

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