Tous les matins sur le coup de huit heures
Largo do Chiado à Lisbonne
elle balaie, elle fait place nette
pour les touristes.
Juste après ils viendront s'asseoir
où le guide leur dit que venait le poète
café A Brasileira, sur la chaise de bronze
pour lui tenir la main
Não me preguem no braço !
Ne me prenez pas le bras !
Não gosto que me preguem no braço. Quero ser sòsinho.
Je n'aime pas qu'on me prenne le bras. Je veux être seul.
Já disse que sou só sòsinho !
Je l'ai déjà dit, je suis seul !
Ah, que maçada quererem que eu seja de companhia !
Ah, la barbe, que l'on me veuille de bonne compagnie !
Fernando Pessoa, Lisbon revisited, 1923.
Poésies et proses de Álvaro de Campos publiées du vivant de Fernando Pessoa, trad. Dominique Touati, La Différence éd. 1989.
Et ce soir il y aura fête
on boira de la bière
toute la nuit
dans les petites rues qui vont à Bairro Alto.
Le lendemain
elle balaiera.
Comme on sait, Pessoa veut dire en portugais Personne. En un sens, la balayeuse de Pessoa effectue un service à la personne - sur ce sujet, une lecture intéressante :