Raymond Mason - Le départ des fruits et légumes du coeur de Paris, 28 février 1969, église Saint-Eustache, détail
Le 13 février dernier, Raymond Mason quittait définitivement la rue Monsieur-le-Prince. Et cela fait aujourd'hui quarante-et-un ans et un jour que les Halles de Paris ont fermé, transférées à Rungis. Mason avait loué une chambre dans le quartier et passé des heures à dessiner les habitués du marché. La sculpture elle-même fut réalisée, dit-on, le jour même de la fermeture et on peut la voir dans une chapelle de l'église Saint-Eustache, que Mason a d'ailleurs représentée.
"Voyez le type au chou-fleur et son copain avec une bette poirée sous le bras, puis le gars au gros nez tendant un cageot d'oranges comme s'il s'agissait d'un calice, et le petit enfant noir avec son chou et la femme au bonnet à pompons et aux lèvres cerise qui porte une caisse de pommes starking pressée contre la poitrine et l'homme tirant un chariot, et la tomate qui est tombée dans la rue et qui a été écrasée. En les regardant je me dis : dans les églises j'ai vu des saints et des Madones et des martyrs, les sauvés et les damnés, mais je n'ai jamais vu de gens pris à même la rue, sauf les fidèles assis sur les bancs de l'église, et voici qu'ils ont une chapelle à eux tout seuls et qu'ils ont été consacrés ! (Eux-mêmes n'en croiraient pas leurs yeux. "On ne nous la fait pas, à nous !" diraient-ils.) Consacrés, rendus sacrés, non pas à cause des saints qui les entourent, ni à cause des généraux enterrés dans leurs sarcophages, mais sacralisés par la tendresse d'un artiste qui s'en est souvenu avec amour et les a inlassablement recréés." (1)
(1) John Berger "On ne nous la fait pas, à nous !" in La forme d'une poche, Fage éd., Lyon 2003, traduction Michel Fuchs.
"Voyez le type au chou-fleur et son copain avec une bette poirée sous le bras, puis le gars au gros nez tendant un cageot d'oranges comme s'il s'agissait d'un calice, et le petit enfant noir avec son chou et la femme au bonnet à pompons et aux lèvres cerise qui porte une caisse de pommes starking pressée contre la poitrine et l'homme tirant un chariot, et la tomate qui est tombée dans la rue et qui a été écrasée. En les regardant je me dis : dans les églises j'ai vu des saints et des Madones et des martyrs, les sauvés et les damnés, mais je n'ai jamais vu de gens pris à même la rue, sauf les fidèles assis sur les bancs de l'église, et voici qu'ils ont une chapelle à eux tout seuls et qu'ils ont été consacrés ! (Eux-mêmes n'en croiraient pas leurs yeux. "On ne nous la fait pas, à nous !" diraient-ils.) Consacrés, rendus sacrés, non pas à cause des saints qui les entourent, ni à cause des généraux enterrés dans leurs sarcophages, mais sacralisés par la tendresse d'un artiste qui s'en est souvenu avec amour et les a inlassablement recréés." (1)
(1) John Berger "On ne nous la fait pas, à nous !" in La forme d'une poche, Fage éd., Lyon 2003, traduction Michel Fuchs.
Bonjour, je suis heureux de trouver une fois de plus quelque chose d'émouvant sur votre site.
RépondreSupprimerUn ami vient de publier un article sur Raymond Mason, il dit aussi que trop d'indifférence accompagna son départ de la rue de Monsieur le Prince. Voici le lien,
http://www.galerie-alain-paire.com/index.php?option=com_content&view=article&id=157:raymond-mason-pieton-de-paris&catid=7:choses-lues-choses-vues&Itemid=6
avec toute ma sympathie, alain paire