Le comic original de Hugh Harman/MGM (1939)...
...et son remake par Hanna-Barbera (1955)...
...évidemment certains ne suivront pas ces bons conseils...
...Joyeux Noël
24/12/2007
18/12/2007
Ce qui se passait au printemps de 1839 (le voyage de Meryon #5)
18 Avril 1839 : Baudelaire est renvoyé du lycée Louis-le-Grand
A M. le Colonel Aupick
Ce matin M. votre fils, sommé par le sous-directeur de remettre un billet qu'un de ses camarades venait de lui glisser, refusa de le donner, le mit en morceaux et l'avala. Mandé chez moi, il me déclare qu'il aime mieux toute punition que de livrer le secret de son camarade, et pressé de s'expliquer dans l'intérêt même de cet ami qu'il laisse exposé aux soupçons les plus fâcheux, il me répond par des ricanements dont je ne dois pas souffrir l'impertinence. Je vous renvoie donc ce jeune homme, qui était doué de moyens assez remarquables, mais qui a tout gâté par un très mauvais esprit, dont le bon ordre du collège a eu plus d'une fois à souffrir. Veuillez agréer, Monsieur, avec l'expression de mes regrets, l'assurance de mes sentiments les plus respectueux et les plus distingués.
Ce matin M. votre fils, sommé par le sous-directeur de remettre un billet qu'un de ses camarades venait de lui glisser, refusa de le donner, le mit en morceaux et l'avala. Mandé chez moi, il me déclare qu'il aime mieux toute punition que de livrer le secret de son camarade, et pressé de s'expliquer dans l'intérêt même de cet ami qu'il laisse exposé aux soupçons les plus fâcheux, il me répond par des ricanements dont je ne dois pas souffrir l'impertinence. Je vous renvoie donc ce jeune homme, qui était doué de moyens assez remarquables, mais qui a tout gâté par un très mauvais esprit, dont le bon ordre du collège a eu plus d'une fois à souffrir. Veuillez agréer, Monsieur, avec l'expression de mes regrets, l'assurance de mes sentiments les plus respectueux et les plus distingués.
Le proviseur, J. Pierrot
Instruction pour une prise d'armes, 1866
Dimanche 12 Mai 1839, midi : Auguste Blanqui entre dans un café au coin de la rue Mandar et de la rue Montorgueil, et entraîne les adhérents de la Société des Saisons qui y sont réunis. Ils sont rejoints par leurs camarades, préalablement convoqués par leurs chefs de semaines dans des arrière-salles de marchands de vins sis entre les rues Saint-Martin et Saint-Denis. Au nombre de cinq ou six cents et au cri de "aux armes" ils dévalisent l'armurerie Lepage. Blanqui et Barbès distribuent fusils et cartouches. Ils prennent les postes de garde de la mairie du VIIe et du Palais de justice, puis l'Hôtel de Ville, où ils font une proclamation.
Aux armes, citoyens !
L'heure fatale a sonné pour les oppresseurs. Le lâche tyran des Tuileries se rit de la faim qui déchire les entrailles du peuple; mais la mesure de ses crimes est comble. Ils vont enfin recevoir leur châtiment. La France trahie, le sang de nos frères égorgés, crie vers vous, et demande vengeance; qu'elle soit terrible, car elle a trop tardé. Périsse enfin l'exploitation, et que l'égalité s'asseye triomphante sur les débris confondus de la royauté et de l'aristocratie. Le gouvernement provisoire a choisi des chefs militaires pour diriger le combat; ces chefs sortent de vos rangs, suivez-les ! ils vous mènent à la victoire. Sont nommés : Auguste Blanqui, commandant en chef, Barbès, Martin-Bernard, Quignot, Meillard, Nétré, commandants des divisions de l'armée républicaine.
Peuple, lève-toi ! et tes ennemis disparaîtront comme la poussière devant l'ouragan. Frappe, extermine sans pitié les vils satellites, complices volontaires de la tyrannie; mais tends la main à ces soldats sortis de ton sein, et qui ne tourneront point contre toi des armes parricides.
En avant ! Vive la République !
Les membres du gouvernement provisoire, Barbès, Voyer d'Argenson, Auguste Blanqui, Lamennais, Martin-Bernard, Dubosc, Laponeray Paris, le 12 mai 1839
Mais comme ils restent isolés les insurgés quittent l'Hôtel de Ville. Ils élèvent des barricades dans le quartier Saint-Martin puis, repoussés par l'armée, dans celui de Saint-Merri. On se bat encore le lendemain rue Saint-Louis et rue Saint-Claude comme le décrit Hugo dans Choses vues, et à l'Ecole Polytechnique, mais les insurgés sont écrasés : cinquante morts, cent-quatre-vint-dix blessés de part et d'autre, Barbès laissé pour mort sur la barricade de la rue Greneta, Blanqui en fuite arrêté cinq mois plus tard. Tous deux sont condamnés à mort, puis graciés et enfermés.
"Hier, à trois heures et demie, aux premiers coups de fusil, le roi a fait venir chez lui le maréchal Soult et lui a dit : "Maréchal, l'eau se trouble. Il faut pêcher des ministres." Une heure après, le maréchal est venu chez le roi et lui a dit, en se frottant les mains, avec son accent méridional : Cette fois, Sire, jé crois qué nous férons notré coup". Il y a, en effet, ce matin un ministère dans le Moniteur" (1).
La crise ministérielle qui durait depuis trop longtemps aux yeux de Louis-Philippe est résolue. Le maréchal Jean-de-Dieu Soult est premier ministre.
Le colonel Aupick, beau-père de Baudelaire, ne couche pas chez lui dans la nuit du 12 au 13 : il participe activement à la répression. Cela lui vaudra trois mois plus tard d'être promu général de brigade.
Mai 1839 : le capitaine Langlois est en France, de retour de Nouvelle-Zélande. Il revend la Péninsule de Banks à un groupe d'hommes d'affaires de Nantes et de Bordeaux qui forment la "Compagnie Nanto-Bordelaise" avec la participation du duc Decazes, ex-premier ministre de la Restauration, industriel fondateur de Decazeville, et le soutien du maréchal Soult, premier ministre en exercice. Langlois conserve une bonne part des actions.
Louis-Philippe hésite. La Marine pousse à établir une colonie en Nouvelle-Zélande, afin d'y disposer d'un port pour les baleiniers et les bateaux de commerce français, et pour donner un coup d'arrêt à l'expansion anglaise. Le ministère des affaires étrangères est bien plus prudent. Soult parvient à convaincre le roi et le 9 Décembre 1839 le gouvernement donne son assentiment au contrat proposé par la Nanto-Bordelaise; il lui verse une subvention, met à sa disposition un navire de guerre, L'Aube, capitaine Lavaud, ainsi qu'un bateau pour le transport des colons français, le Comte de Paris dont Langlois prendra le commandement. Les administrateurs de la Nanto-Bordelaise s'engagent à rétrocéder au gouvernement le cinquième des terres qu'ils acquerront. Devinant la faiblesse des titres de Langlois, ils lui confient des contrats-types à faire signer en leur nom aux chefs maoris. Le projet est simple : acheter encore plus de terre, y installer les colons et déclarer l'île du sud terre française.
Le printemps se termine; Charles Meryon est toujours à l'école navale à Brest, il bûche l'hydrographie, la cartographie et les manoeuvres de marine. Il est considéré comme "intelligent mais indiscipliné" (2) et se prépare à passer l'examen de fin d'études.
23 Juin 1839 : le corps de lady Hester Stanhope est enterré à Joun selon le rite de l'Eglise d'Angleterre et dans un cercueil enveloppé du drapeau britannique, contrairement à ses dernières volontés par lesquelles elle reniait tout lien avec son pays d'origine et avec la religion chrétienne.
C'est maintenant l'été. Le 24 Juillet 1839 le vaisseau de guerre l'Héroïne rentre de Nouvelle-Zélande en rade de Brest. Son commandant, le capitaine Cécille, prend la route de Paris. A côté de lui dans la diligence, un jeune cadet de seconde classe tout juste sorti de l'école navale, onzième sur soixante de sa promotion, Charles Meryon. Cécille lui expose les plans de colonisation de l'île du Sud et l'encourage vivement à rejoindre le capitaine Lavaud qui va partir sur l'Aube pour la péninsule de Banks.
Le printemps se termine; Charles Meryon est toujours à l'école navale à Brest, il bûche l'hydrographie, la cartographie et les manoeuvres de marine. Il est considéré comme "intelligent mais indiscipliné" (2) et se prépare à passer l'examen de fin d'études.
23 Juin 1839 : le corps de lady Hester Stanhope est enterré à Joun selon le rite de l'Eglise d'Angleterre et dans un cercueil enveloppé du drapeau britannique, contrairement à ses dernières volontés par lesquelles elle reniait tout lien avec son pays d'origine et avec la religion chrétienne.
C'est maintenant l'été. Le 24 Juillet 1839 le vaisseau de guerre l'Héroïne rentre de Nouvelle-Zélande en rade de Brest. Son commandant, le capitaine Cécille, prend la route de Paris. A côté de lui dans la diligence, un jeune cadet de seconde classe tout juste sorti de l'école navale, onzième sur soixante de sa promotion, Charles Meryon. Cécille lui expose les plans de colonisation de l'île du Sud et l'encourage vivement à rejoindre le capitaine Lavaud qui va partir sur l'Aube pour la péninsule de Banks.
(1) Victor Hugo, Choses vues, Dimanche 12 Mai 1839.
(2) Roger Collins, Charles Meryon, a life, Garton & Co, Devizes, 1999, p. 29.
14/12/2007
Le cadeau de Noël de l'oeil des chats : The bloody olive
Un film de Vincent Bal, à partir d'une BD de Lewis Trondheim
Vincent Bal a aussi fait cet autre film, Miaou...
avec Carice Van Houten, oui, vous savez bien
09/12/2007
Fantômes à la rencontre : What was on (1957)
Sur Square America Snapshots & Vernacular Photography, laissez vous hanter par What Was On (1957), une série de 48 photos prises tard le soir, sur l'écran de la TV US, par un photographe insomniaque et solitaire des années 50. Figures imposées des spectres féminins du tube.
07/12/2007
Des Maoris et des baleines, ou l'histoire de deux manteaux, six pantalons, douze chapeaux, deux paires de chaussures, un pistolet et deux chemises
(le voyage de Meryon, #4)
Août 1838. Pierre-Narcisse Chaspoux, la mère de Meryon, est gravement malade. Elle fait faire son testament, que les rhumatismes articulaires l'empêchent de signer elle-même (1). Charles Meryon, de son côté, bûche la navigation, la mécanique et la chimie à Brest; il est passé en seconde année d'Ecole navale, 42ème sur 60. Charles Baudelaire, né la même année que Meryon, termine sa rhétorique à Louis-le-Grand avec les premiers prix de discours français et de version latine - il ne commencera vraiment à faire du mauvais esprit que l'année suivante.
Le soir, des fenêtres de l'internat où il dévore les volumes de Hugo que lui apporte un externe, il voit dans la rue Saint-Jacques les lueurs que tourmente le vent des réverbères à huile - du moins est-ce fort probable, plus des deux tiers des rues de Paris étant encore ainsi éclairées à cette date. Rambuteau puis Haussmann n'auront généralisé l'éclairage au gaz qu'au début des années 1850.
Lampes à huile et quinquets fonctionnent à l'huile de baleine, c'est le pétrole du début du XIXème siècle. En 1838 encore une trentaine de bateaux baleiniers partent du port du Havre. Ils étaient soixante en 1825 - s'ils sont de moins en moins nombreux, ce n'est pas seulement à cause du gaz, mais aussi parce que les frais s'alourdissent : la baleine migre.
"De 1830 à 1835, on la pêche particulièrement aux îles Malouines, au sud de l’Amérique, que les Anglais, bien entendu, ont appelé les îles Falkland, autour de l’île Tristan da Cunha, et le voyage dure 7 à 12 mois. De 1836 à 1839, il faut doubler le cap Horn et aller croiser le long de la côte du Chili, le long de la côte Araucanienne, dans l’archipel des îles Chiloë, et alors la croisière des baleiniers dure de 16 à 24 mois. De 1834 à 1844, les gammes, les bandes de baleines et de baleineaux émigrent au sud de la Nouvelle-Zélande, et les baleiniers havrais sont contraints de faire le tour du monde, de doubler le cap de Bonne-Espérance pour aller stationner aux îles Saint-Paul et Amsterdam. L’expédition dure alors 18 à 20 mois." (2)
Nouvelle-Zélande donc, île du Sud, grand rendez-vous des harponneurs de l'époque. Ces côtes était connues des navigateurs français : de Surville en 1769 les avait explorées au même moment que le capitaine Cook, Marion du Fresne y avait débarqué en 1772 pour se faire tuer par des guerriers maoris et en 1793 d'Entrecasteaux y avait recherché La Pérouse disparu. Ensuite pendant quelques années les Français sont occupés ailleurs, mais de 1824 à 1829 l'Uranie de Duperrey, l'Astrolabe de Dumont d'Urville et la Favorite de Laplace s'y succèdent. Point d'installation pourtant, à la différence des Anglais de l'île du Nord. C'est la baleine qui devait forcer la décision.
Août 1838. Pierre-Narcisse Chaspoux, la mère de Meryon, est gravement malade. Elle fait faire son testament, que les rhumatismes articulaires l'empêchent de signer elle-même (1). Charles Meryon, de son côté, bûche la navigation, la mécanique et la chimie à Brest; il est passé en seconde année d'Ecole navale, 42ème sur 60. Charles Baudelaire, né la même année que Meryon, termine sa rhétorique à Louis-le-Grand avec les premiers prix de discours français et de version latine - il ne commencera vraiment à faire du mauvais esprit que l'année suivante.
Le soir, des fenêtres de l'internat où il dévore les volumes de Hugo que lui apporte un externe, il voit dans la rue Saint-Jacques les lueurs que tourmente le vent des réverbères à huile - du moins est-ce fort probable, plus des deux tiers des rues de Paris étant encore ainsi éclairées à cette date. Rambuteau puis Haussmann n'auront généralisé l'éclairage au gaz qu'au début des années 1850.
Lampes à huile et quinquets fonctionnent à l'huile de baleine, c'est le pétrole du début du XIXème siècle. En 1838 encore une trentaine de bateaux baleiniers partent du port du Havre. Ils étaient soixante en 1825 - s'ils sont de moins en moins nombreux, ce n'est pas seulement à cause du gaz, mais aussi parce que les frais s'alourdissent : la baleine migre.
"De 1830 à 1835, on la pêche particulièrement aux îles Malouines, au sud de l’Amérique, que les Anglais, bien entendu, ont appelé les îles Falkland, autour de l’île Tristan da Cunha, et le voyage dure 7 à 12 mois. De 1836 à 1839, il faut doubler le cap Horn et aller croiser le long de la côte du Chili, le long de la côte Araucanienne, dans l’archipel des îles Chiloë, et alors la croisière des baleiniers dure de 16 à 24 mois. De 1834 à 1844, les gammes, les bandes de baleines et de baleineaux émigrent au sud de la Nouvelle-Zélande, et les baleiniers havrais sont contraints de faire le tour du monde, de doubler le cap de Bonne-Espérance pour aller stationner aux îles Saint-Paul et Amsterdam. L’expédition dure alors 18 à 20 mois." (2)
Nouvelle-Zélande donc, île du Sud, grand rendez-vous des harponneurs de l'époque. Ces côtes était connues des navigateurs français : de Surville en 1769 les avait explorées au même moment que le capitaine Cook, Marion du Fresne y avait débarqué en 1772 pour se faire tuer par des guerriers maoris et en 1793 d'Entrecasteaux y avait recherché La Pérouse disparu. Ensuite pendant quelques années les Français sont occupés ailleurs, mais de 1824 à 1829 l'Uranie de Duperrey, l'Astrolabe de Dumont d'Urville et la Favorite de Laplace s'y succèdent. Point d'installation pourtant, à la différence des Anglais de l'île du Nord. C'est la baleine qui devait forcer la décision.
Illustration de l' Atlas pour servir à la relation du voyage à la recherche de La Pérouse, fait par ordre de l'Assemblée Constituante pendant les années 1791 et 1792
Les whaleships anglais et américains avaient eu quelques années d'avance mais en 1838 plusieurs dizaines de baleiniers français sont à l'oeuvre autour de la péninsule de Banks, protégés par un navire de guerre, l'Héroïne. Tous ces bateaux s'abritent dans la rade de Port Cooper, l'un des mouillages naturels offerts par les pentes du volcan éteint. Quelques douzaines d'européens sont installés sur la péninsule, dans des stations baleinières - ce type d'établissement était utilisé pour transformer les cétacés une fois tués et traînés à terre. Un anglais, George Hempelman, en a monté une à Peraki sur la côte sud, il en existe d'autres à Island Bay, Ikoraki, Oashore et Little Port Cooper, et à Arakoa le plus entreprenant des baleiniers français, le capitaine Langlois, commandant du Cachalot, a installé des comptoirs d'approvisionnement et une station de carénage. Il y a donc là déjà quelques bretons, mais parmi eux ni fermiers, ni missionnaires, ni familles. Les tribus sont déstabilisées économiquement et militairement par la colonisation qui a introduit entre autres les maladies d'Europe, la pomme de terre et le mousquet. Réduite à moins de deux cents personnes, la population maorie locale a été saignée par la guerre contre Te Rauparaha, un chef de guerre que la présence anglaise dans l'île du Nord a poussé vers le Sud. C'est alors que Langlois juge le moment venu de forcer la main aux autorités françaises. En Août 1838 donc, il assure avoir conclu avec onze chefs maoris un contrat par lequel il lui auraient vendu la péninsule de Banks, pour mille francs français, dont 150 francs versés immédiatement sous la forme de :
- deux manteaux
- six pantalons
- douze chapeaux
- deux paires de chaussures
- un pistolet
- et deux chemises,
le solde devant être versé lorsque Langlois reviendrait prendre possession de la terre. Les maoris ont signé ce contrat écrit en français en y dessinant chacun leur Moko, le motif de leur tatouage.
Charles Meryon - Portrait de Toma Kéké, chef de tribu de la Nouvelle-Zélande, 1846
Le titre qui est resté à ce dessin lui a été attribué de façon inexacte par Gustave Geffroy dans son livre sur Meryon. Le personnage représenté par Meryon d'après un daguerréotype est Tikao, Maori d'Akaroa qui fut signataire du traité de Waitangi. Le titre initialement donné par l'artiste était d'ailleurs "Tikao, naturel de la Nouvelle-Zélande, orateur".
Peter J. Treweman, senior lecturer de français à l'université de Canterbury (NZ), a effectué une étude détaillée (3) des contrats successifs de Langlois dans le cadre de la plainte déposée par l'iwi (tribu) de Ngai Tahu contre ses colonisateurs tant anglais que français. Pour résumer ses conclusions, on sait que ces maoris ne lisaient pas le français, que l'identité des signataires est douteuse, que leur autorité pour signer et l'existence même de la vente ont été vigoureusement contestées deux ans plus tard par plusieurs chefs maoris de Port Cooper. On a dénombré vingt-trois représentants maoris de la péninsule de Banks, et sept autres résidant ailleurs mais ayant des droits sur ses terres, dont la signature ne figure pas sur le contrat alors qu'elle l'aurait dû. Les seules choses dont on soit sûr c'est (a) que le contrat a existé et (b) que certaines déclarations de maoris d'Akaroa peuvent être interprétées comme indiquant qu'ils pensent que d'autres maoris de Port Cooper ont vendu au français une petite portion de terrain sise dans ce village. Le reste, selon le rapport de Treweman, ne repose que sur la parole de Langlois.
Son contrat en poche, le capitaine repart sur le Cachalot. Il lui faut encore trouver des financiers, des colons et, accessoirement, des canons.
Le 5 Octobre 1838, Pierre-Narcisse Chaspoux meurt, laissant semble-t-il à son fils un petit capital. Elle est enterrée dans la fosse commune du cimetière Montmartre. A Brest, Charles Meryon reçoit la nouvelle par une lettre de sa soeur Fanny Lowther. C'est lui qui écrit à son père pour lui annoncer la mort de la troisième femme de sa vie.
(1) Roger Collins, Charles Meryon, a life, Garton & Co, Devizes, 1999, p. 24.
(2) Georges Dubosc, Les anciens Baleiniers Normands, 1924, sur le site de la Bibliothèque électronique de Lisieux.
(3) Son rapport se trouve sur le site du tribunal de Waitangi. On peut aussi visiter le site de la tribu de Ngai Tahu.
26/11/2007
L'hôtellerie de pensée, interlude intrusif
Cela fait un peu plus de quarante ans, mais je me souviens de ce mur, et qu'il était périlleux...
Mis en ligne par infiteam, quelles que soient leurs convictions politiques ces jeunes gens sont audacieux. Et, pour ce qui est du côté Panthéon...
21/11/2007
The cat's meow : kana kapila, kili watch !
Kana Kapila, par The Cousins, groupe belge (1961-1967) par ailleurs responsable de l'immortel Kili Watch
(un futur sympathisant de l'UMP s'étant contenté de le reprendre en modifiant les paroles). Evidemment Kili Watch était déjà un chant scout, qui était lui-même auparavant un chant de guerre indien, qui lui-même....??
Clips mis en ligne par Thundernest (via PCL Linkdump) et par Draadnagel.
Clips mis en ligne par Thundernest (via PCL Linkdump) et par Draadnagel.
19/11/2007
Onetti, avant la fin
Juan Carlos Onetti (1909-1994), dans le film de Pablo Dotta "El Dirigible" (1994)
(mis en ligne par Phrayres)
"Et ils continuaient d'avancer, sans le savoir, à travers le vin de la première messe, la lutte pour le pain quotidien, l'ignorance et la stupidité.
Ils avançaient contents, distraits, presque sans douter; avec une belle innocence, détendus ou guindés, vers le puits final et le dernier mot. Sûrs d'eux-mêmes, banals, tranquilles, phraseurs, imbéciles.
Le puits les attendait sans véritable espoir ou intérêt. Ils marchaient allégrement, certains s'appuyant sur d'autres; quelques-uns demeuraient solitaires et souriants, en monologuant à voix basse. En général, ils confrontaient des plans et parlaient de l'avenir et de celui de leurs enfants, aussi des petites et grandes révolutions qu'ils portaient sous le bras dans des livres. L'un d'eux faisait de grands gestes avec les mains tandis que d'autres s'attardaient sur leurs souvenirs, leurs maîtresses et les fleurs fanées qui portaient le même nom."
Juan Carlos Onetti, Laissons parler le vent, ch. XXXI "le chemin II", traduction Claude Couffon.
(mis en ligne par Phrayres)
"Et ils continuaient d'avancer, sans le savoir, à travers le vin de la première messe, la lutte pour le pain quotidien, l'ignorance et la stupidité.
Ils avançaient contents, distraits, presque sans douter; avec une belle innocence, détendus ou guindés, vers le puits final et le dernier mot. Sûrs d'eux-mêmes, banals, tranquilles, phraseurs, imbéciles.
Le puits les attendait sans véritable espoir ou intérêt. Ils marchaient allégrement, certains s'appuyant sur d'autres; quelques-uns demeuraient solitaires et souriants, en monologuant à voix basse. En général, ils confrontaient des plans et parlaient de l'avenir et de celui de leurs enfants, aussi des petites et grandes révolutions qu'ils portaient sous le bras dans des livres. L'un d'eux faisait de grands gestes avec les mains tandis que d'autres s'attardaient sur leurs souvenirs, leurs maîtresses et les fleurs fanées qui portaient le même nom."
18/11/2007
L'hôtellerie de pensée #2
Je mène des chevaux quarante
Et autant pour mes officiers,
Voire, par Dieu, plus de soixante,
Sans les bagages et sommiers.
Rentrée 1965. C'est la saison de Pierrot le fou.
Loger nous faudra par quartiers,
Si les hôtels sont trop petits ;
Toutefois, pour une vêprée,
En gré prendrai, soit mieux ou pis,
L'hôtellerie de Pensée.
à la recherche du souterrain mythique, creusé lors de la révolution, qui aurait permis aux babouvistes du Panthéon de passer dans les caves de l'hôtellerie...
Enfants qui déchiffrez dans l'ambre des agathes
Des entrailles le miel des lapins étendues
Sur l'étal du marchand avec leurs quatre pattes
Pour qu'ils ne courent pas deux ensemble cousues...
Enfants qui dans la nuit apercevez la hune
De bateaux sinistrés recouverts par la dune
Enfants vous qui rêvez enfants endormez-vous
ou Morhange
Mon bel enfant en habit de fumée
Vous ne m'avez pas dit si je peux me tourner
Vraiment peu de chance de sortir au Khâl même aujourd'hui, la Berceuse à Auschwitz...
ou Desnos, The night of loveless nights :
Jamais l'aube à grands cri bleuissant les lavoirs
l'aube, savon trempé dans l'eau des fleuves noirs
L'aube ne moussera sur cette nuit livide
Ni sur nos doigts tremblants ni sur nos verres vides...
Nuit des nuits sans amour étrangleuse du rêve
Nuit de sang nuit de feu nuit de guerre sans trêve
Nuit de chemin perdu parmi les escaliers...
Et autant pour mes officiers,
Voire, par Dieu, plus de soixante,
Sans les bagages et sommiers.
Rentrée 1965. C'est la saison de Pierrot le fou.
De futurs ingénieur agronomes, blouse blanche et calot vert, marchent en canard chantant ce que leurs aînés estiment être obscène. Au-dessus des murs noirs de la cour des internes, qui attendra plusieurs années encore son ravalement, le ciel du soir est d'un bleu de myosotis. Nous gagnons par petits groupes l'étude des hypokhâgnes. Quand nos anciens d'une année débouleront pour le bizutage nous devrons grimper au-dessus des casiers, répondre servilement à des questions saugrenues et entonner le Carmen Varae.
A l'hôtellerie chaque prépa a son style dans l'humiliation selon l'image qu'elle veut donner de son caractère, nocturne et violent chez les cyrards, avec revue de détail et hommage au monument aux morts, fruste et braillard pour les agros, secret pour les chartistes - et comme ils sont les seuls à compter des externes féminines c'est le cérémonial sur lequel on fantasme le plus. Le bizutage khagnal est plutôt sans conviction, limité à une heure de lazzi et à l'apprentissage du vocabulaire et des onomatopées de base : on ne dit pas l'administration mais la shtrasse, on pschutte (pschhhh !!) ce qu'on admire, on bzutte (bzzzz !!) ce qu'on méprise, et on doit le respect (pschhhhh !!) aux carrés, aux cubes et au plus haut point à ces étranges créatures pensives, les bicas qui ont déjà échoué deux fois au khâl et sur lesquels l'hôtellerie, en bookmaker retors, veut bien parier une année de plus. Les bicas sont taiseux, souvent barbus, enveloppés de blouses couvertes d'hexamètres grecs. Tels ces bustes de faunes antiques peu à peu absorbés par le lierre ils se fondent dans la pénombre des thurnes malodorantes, parmi les piles de Que Sais-je et de Budés écornés. A la fin de l'année ils seront devenus presque transparents, prêts pour l'épiphanie normalienne ou la disparition dans les ténèbres extérieures d'une Sorbonne que l'on bzutte avec entrain.
Après le bizutage les cloutards viennent nous visiter. Ils préparent l'ENS de St Cloud, en ce temps-là bien en-dessous d'Ulm dans les hiérarchies angéliques, car sans grec ni latin. Ils ne bizutent pas, parlent un peu comme des êtres humains, ont l'air d'être assez généralement communistes et nous conseillent de ne pas nous laisser faire. Premier contact avec les bolcheviks et première impression favorable, ce sont les premiers dans cette ménagerie que nous voyons résister à la bêtise.
Le lendemain nous rentrons dans la cage à écureuil. Son fonctionnement est simple, les barreaux de la cage sont des thèmes latins, des versions grecques, des dissertations de philosophie, des exposés d'histoire. La roue ne sert à rien de particulier, juste à sélectionner les écureuils. A la fin de l'année, la moitié d'entre eux, réputés les plus lents ou les plus rétifs, seront jetés dehors : à la Sorbonne, Bzzzzzzzz !! Il faut se mettre au petit latin et au petit grec : deux par deux, en plus des versions obligatoires, choisir un Budé et décrypter sans dictionnaire en cachant la traduction de la page de droite. Et aux morceaux choisis, au survol, aux Que sais-je et autres concentrés, il faut savoir dire tout sur tout en trois parties sans rien savoir à fond, pas le temps de lire les oeuvres, surtout pas lire les oeuvres du début à la fin, malheureux écureuils, nous perdrions du temps.
Et il y a nos maîtres. Agrégés de lettres classiques, Pschhhh ! Mâles quasi-sexagénaires, au faîte de leur carrière, régnant sans discussion sur les jurys de concours, fins dissecteurs de l'aoriste moyen déponent et du discours indirect chez Thucydide. Mais aussi le prof d'anglais à qui je dois John Donne et William Blake - et S...
S... Christique, immobile, émacié, monocorde, passionnant. Debout au bord de la plate-forme de bois, légèrement surélevée, qui tient lieu de chaire et qui supporte le bureau du prof, il décortique les Recherches Logiques de Husserl sur lesquelles il est en train de terminer sa thèse; on ne comprend pas tout; on entend les mouches voler; on assiste au miracle : quelqu'un qui pense vraiment et qui nous parle comme si nous étions ses égaux. Est-ce de parler devant quarante garçons de notre âge ? A certains moments, on le voit tellement souffrir que nous cessons de respirer, puis il esquisse un sourire de Greco. Ce jour-là, je prends deux décisions, l'une que je ne respecterai pas, je ferai de la philo toute ma vie, et l'autre à laquelle je me tiendrai scrupuleusement - je ne serai jamais prof. J'aurais trop peur de souffrir moins bien que S.
Quand nous sortons de cours, nous croisons les autres prépas, avec leurs calots fétiches - rouge et bleu roi pour les cyrards, rose et bleu tendre pour les chartistes, vert pour les agros, il y a même un calot khâgnal, bleu sombre si je me souviens bien, qui n'est plus porté que par quelques bicas. Pour savoir qui est qui il faut croiser le port du calot avec les familles politiques, au nombre de quatre : l'extrême-droite, les chrétiens de gauche, les communistes et le silence. Pour les cyrards le classement est vite fait, les chartistes se partageant entre extrême-droite et silencieux. Chez les littéraires, j'ai déjà dit que les cloutards étaient bolchos, notre génération de khâgne est, pour ceux qui l'ouvrent, majoritairement tala de gauche, avec un poignée d'UEC (Union des Etudiants Communistes, la filiale du PCF, je me demande si ça existe encore) et quelques rares droitiers extrêmes. Ce n'est pas un jeu gratuit, en 66 la guerre d'Algérie n'est finie que depuis quatre ans et les cognes sont encore fréquentes au Quartier Latin entre les bolchos et les fafs qui, certains jours, passent à l'attaque vers midi à la porte de la cour des externes - alors, c'est la bataille rangée.
En ce qui concerne les talas, on va aux réunions de la JEC, même ceux que la messe intéresse moins - en fait, à l'époque, comme quelques autres autour de moi je ne pourrais plus croire au mieux qu'à un Dieu faible, le Dieu de Dietrich Bonhöffer, au pire au Dieu absent, retiré, extravasé de Simone Weil, Isaac Luria ou Hans Jonas, le seul Dieu qui reste après Auschwitz, Hiroshima et les quelque vingt ans de combats d'arrière-garde coloniale qu'en ce temps-là vient de mener notre beau pays. En 1966 la JEC de base est assez loin à gauche, suite à de mauvais souvenirs, mais en cours de normalisation par la hiérarchie épiscopale; quand on en fait partie on s'inscrit bien entendu à l'UNEF, où on rencontre ceux de l'UEC. En deux ou trois mois nos deux petits groupes fusionnent, et comme les bolcheviks ne se convertiront pas à la vraie foi, c'est nous qui adhérons à leur boutique au grand désarroi de nos aumôniers, et sous l'oeil méfiant des politruks.
Pauvres de nous, les écureuils, rentrant au soir tombé dans notre étude et ouvrant nos casiers (en ce temps-là il faut attendre d'être cube pour avoir une thurne à deux ou trois, avec la liberté de laisser allumé pour travailler jusqu'à pas d'heure) pour en extraire une tranche de Kant (Comment s'orienter dans la pensée, un devoir à faire pour S.) et une bonne platée de l'indirect Thucydide, à traduire pour le lendemain, sans compter l'exposé sur le gouvernement Villèle et la réaction absolutiste à partir de 1820, tu parles d'un sujet enthousiasmant. Quand nous visitons par hasard nos camarades externes, rejetons de la bonne bourgeoisie rive gauche, nous admirons à la dérobée ces immenses appartements, ces vastes bibliothèques. Il n'est pas besoin d'avoir lu tout ce qu'alors Bourdieu n'a pas encore écrit pour comprendre que l'égalité entre écureuils est tout ce qu'il y a de formelle, mais même si nous, fils méritants et internés de la petite bourgeoisie de province, nous doutons bien que nous sommes les faire-valoir de la comédie méritocratique qui verra de toute façon 90% de la khâgne rester sur le carreau, il en faudrait bien plus pour nous décourager - à nous donc le Gaffiot, le Bailly, le sucre et les fruits secs, ce soir encore nous pourrons
dire: Aujourd'hui
Nous avons travaillé!
A l'hôtellerie chaque prépa a son style dans l'humiliation selon l'image qu'elle veut donner de son caractère, nocturne et violent chez les cyrards, avec revue de détail et hommage au monument aux morts, fruste et braillard pour les agros, secret pour les chartistes - et comme ils sont les seuls à compter des externes féminines c'est le cérémonial sur lequel on fantasme le plus. Le bizutage khagnal est plutôt sans conviction, limité à une heure de lazzi et à l'apprentissage du vocabulaire et des onomatopées de base : on ne dit pas l'administration mais la shtrasse, on pschutte (pschhhh !!) ce qu'on admire, on bzutte (bzzzz !!) ce qu'on méprise, et on doit le respect (pschhhhh !!) aux carrés, aux cubes et au plus haut point à ces étranges créatures pensives, les bicas qui ont déjà échoué deux fois au khâl et sur lesquels l'hôtellerie, en bookmaker retors, veut bien parier une année de plus. Les bicas sont taiseux, souvent barbus, enveloppés de blouses couvertes d'hexamètres grecs. Tels ces bustes de faunes antiques peu à peu absorbés par le lierre ils se fondent dans la pénombre des thurnes malodorantes, parmi les piles de Que Sais-je et de Budés écornés. A la fin de l'année ils seront devenus presque transparents, prêts pour l'épiphanie normalienne ou la disparition dans les ténèbres extérieures d'une Sorbonne que l'on bzutte avec entrain.
Après le bizutage les cloutards viennent nous visiter. Ils préparent l'ENS de St Cloud, en ce temps-là bien en-dessous d'Ulm dans les hiérarchies angéliques, car sans grec ni latin. Ils ne bizutent pas, parlent un peu comme des êtres humains, ont l'air d'être assez généralement communistes et nous conseillent de ne pas nous laisser faire. Premier contact avec les bolcheviks et première impression favorable, ce sont les premiers dans cette ménagerie que nous voyons résister à la bêtise.
Le lendemain nous rentrons dans la cage à écureuil. Son fonctionnement est simple, les barreaux de la cage sont des thèmes latins, des versions grecques, des dissertations de philosophie, des exposés d'histoire. La roue ne sert à rien de particulier, juste à sélectionner les écureuils. A la fin de l'année, la moitié d'entre eux, réputés les plus lents ou les plus rétifs, seront jetés dehors : à la Sorbonne, Bzzzzzzzz !! Il faut se mettre au petit latin et au petit grec : deux par deux, en plus des versions obligatoires, choisir un Budé et décrypter sans dictionnaire en cachant la traduction de la page de droite. Et aux morceaux choisis, au survol, aux Que sais-je et autres concentrés, il faut savoir dire tout sur tout en trois parties sans rien savoir à fond, pas le temps de lire les oeuvres, surtout pas lire les oeuvres du début à la fin, malheureux écureuils, nous perdrions du temps.
Et il y a nos maîtres. Agrégés de lettres classiques, Pschhhh ! Mâles quasi-sexagénaires, au faîte de leur carrière, régnant sans discussion sur les jurys de concours, fins dissecteurs de l'aoriste moyen déponent et du discours indirect chez Thucydide. Mais aussi le prof d'anglais à qui je dois John Donne et William Blake - et S...
S... Christique, immobile, émacié, monocorde, passionnant. Debout au bord de la plate-forme de bois, légèrement surélevée, qui tient lieu de chaire et qui supporte le bureau du prof, il décortique les Recherches Logiques de Husserl sur lesquelles il est en train de terminer sa thèse; on ne comprend pas tout; on entend les mouches voler; on assiste au miracle : quelqu'un qui pense vraiment et qui nous parle comme si nous étions ses égaux. Est-ce de parler devant quarante garçons de notre âge ? A certains moments, on le voit tellement souffrir que nous cessons de respirer, puis il esquisse un sourire de Greco. Ce jour-là, je prends deux décisions, l'une que je ne respecterai pas, je ferai de la philo toute ma vie, et l'autre à laquelle je me tiendrai scrupuleusement - je ne serai jamais prof. J'aurais trop peur de souffrir moins bien que S.
Quand nous sortons de cours, nous croisons les autres prépas, avec leurs calots fétiches - rouge et bleu roi pour les cyrards, rose et bleu tendre pour les chartistes, vert pour les agros, il y a même un calot khâgnal, bleu sombre si je me souviens bien, qui n'est plus porté que par quelques bicas. Pour savoir qui est qui il faut croiser le port du calot avec les familles politiques, au nombre de quatre : l'extrême-droite, les chrétiens de gauche, les communistes et le silence. Pour les cyrards le classement est vite fait, les chartistes se partageant entre extrême-droite et silencieux. Chez les littéraires, j'ai déjà dit que les cloutards étaient bolchos, notre génération de khâgne est, pour ceux qui l'ouvrent, majoritairement tala de gauche, avec un poignée d'UEC (Union des Etudiants Communistes, la filiale du PCF, je me demande si ça existe encore) et quelques rares droitiers extrêmes. Ce n'est pas un jeu gratuit, en 66 la guerre d'Algérie n'est finie que depuis quatre ans et les cognes sont encore fréquentes au Quartier Latin entre les bolchos et les fafs qui, certains jours, passent à l'attaque vers midi à la porte de la cour des externes - alors, c'est la bataille rangée.
En ce qui concerne les talas, on va aux réunions de la JEC, même ceux que la messe intéresse moins - en fait, à l'époque, comme quelques autres autour de moi je ne pourrais plus croire au mieux qu'à un Dieu faible, le Dieu de Dietrich Bonhöffer, au pire au Dieu absent, retiré, extravasé de Simone Weil, Isaac Luria ou Hans Jonas, le seul Dieu qui reste après Auschwitz, Hiroshima et les quelque vingt ans de combats d'arrière-garde coloniale qu'en ce temps-là vient de mener notre beau pays. En 1966 la JEC de base est assez loin à gauche, suite à de mauvais souvenirs, mais en cours de normalisation par la hiérarchie épiscopale; quand on en fait partie on s'inscrit bien entendu à l'UNEF, où on rencontre ceux de l'UEC. En deux ou trois mois nos deux petits groupes fusionnent, et comme les bolcheviks ne se convertiront pas à la vraie foi, c'est nous qui adhérons à leur boutique au grand désarroi de nos aumôniers, et sous l'oeil méfiant des politruks.
Pauvres de nous, les écureuils, rentrant au soir tombé dans notre étude et ouvrant nos casiers (en ce temps-là il faut attendre d'être cube pour avoir une thurne à deux ou trois, avec la liberté de laisser allumé pour travailler jusqu'à pas d'heure) pour en extraire une tranche de Kant (Comment s'orienter dans la pensée, un devoir à faire pour S.) et une bonne platée de l'indirect Thucydide, à traduire pour le lendemain, sans compter l'exposé sur le gouvernement Villèle et la réaction absolutiste à partir de 1820, tu parles d'un sujet enthousiasmant. Quand nous visitons par hasard nos camarades externes, rejetons de la bonne bourgeoisie rive gauche, nous admirons à la dérobée ces immenses appartements, ces vastes bibliothèques. Il n'est pas besoin d'avoir lu tout ce qu'alors Bourdieu n'a pas encore écrit pour comprendre que l'égalité entre écureuils est tout ce qu'il y a de formelle, mais même si nous, fils méritants et internés de la petite bourgeoisie de province, nous doutons bien que nous sommes les faire-valoir de la comédie méritocratique qui verra de toute façon 90% de la khâgne rester sur le carreau, il en faudrait bien plus pour nous décourager - à nous donc le Gaffiot, le Bailly, le sucre et les fruits secs, ce soir encore nous pourrons
dire: Aujourd'hui
Nous avons travaillé!
Charles Meryon, Collège Henri IV ou Lycée Napoléon, avec ses dépendances et constructions voisines, eau-forte et pointe sèche, 1864, quatrième état, détail : le cloître et, au fond, la cour des internes. Au fond de cette cour les quatre fenêtres représentées par Meryon dans la partie droite du rez-de-chaussée correspondent aux études des internes d'hypokhâgne et de khâgne au milieu des années 1960.
Loger nous faudra par quartiers,
Si les hôtels sont trop petits ;
Toutefois, pour une vêprée,
En gré prendrai, soit mieux ou pis,
L'hôtellerie de Pensée.
Travailler, certes, mais où et quand ? Les internes des hypokhâgnes se répartissent grosso modo en trois groupes. Les touristes, mis là d'autorité par leurs parents (tu seras khâgneux, mon fils) se foutent royalement des résultats et n'attendent que la fin de l'année pour passer en fac et avoir leur chambre. Dans l'étude, la nuit tombée, ils jouent aux cartes en entonnant des paillardes comme dans toute salle de garde qui se respecte. Les dilettantes de leur côté sortent les guitares de leur cachette et chantent Brassens, Ferré ou, pour les plus évolués, Dylan. Oui, Dylan.
Dans le boucan qui en résulte, difficile de retrouver son petit grec pour la troisième catégorie, les sérieux, les polars, auxquels je tente encore de m'agréger. Sans compter qu'à dix heures tapantes un surgé vient siffler l'extinction des feux et expédier ce petit monde au dortoir, Thucydide ou pas. Comme des générations avant nous, nous partons donc chaque soir, Bailly sous le bras, à la découverte d'un abri clandestin dans l'hôtellerie nocturne.
Dans le boucan qui en résulte, difficile de retrouver son petit grec pour la troisième catégorie, les sérieux, les polars, auxquels je tente encore de m'agréger. Sans compter qu'à dix heures tapantes un surgé vient siffler l'extinction des feux et expédier ce petit monde au dortoir, Thucydide ou pas. Comme des générations avant nous, nous partons donc chaque soir, Bailly sous le bras, à la découverte d'un abri clandestin dans l'hôtellerie nocturne.
Il faut emprunter des clés à des profs compatissants, esquiver les surgés, amadouer les veilleurs de nuit, mais petit à petit nous balisons les corridors du labyrinthe. Les plus hardis passeront les rites initiatiques, monter de nuit en haut de la tour et y hisser un drapeau noir, explorer les sous-sols
à la recherche du souterrain mythique, creusé lors de la révolution, qui aurait permis aux babouvistes du Panthéon de passer dans les caves de l'hôtellerie...
Nous avons fini par nous approprier clandestinement une salle du deuxième étage. Là, une fois expédiés les travaux urgents, nos studieuses soirées sombrent au fil des heures dans la folie douce, chacun cultivant l'utile marotte qui l'empêchera de sombrer dans le désespoir. Tel fouit dans Milton et tel autre chez Dante, le plus savant d'entre nous est seul assez hardi pour creuser le sanscrit. Inferno, Paradise lost, voire les arbres séphirotiques auxquels nous initia, un jour, un camarade hébraïsant. Et moi, qu'est-ce que je pouvais bien faire quand j'en avais assez de patauger dans Hegel ? Dans le brouillard qui me reste en mémoire, je me souviens d'avoir appris par coeur, par goût de l'inutile, les poèmes qui jamais, jamais ne pourraient faire un sujet pour le Khâl, Queneau, par exemple, les sonnets du Chien à la Mandoline - un soir que je les lisais en étude, un surgé attiré par la couverture de ce joli petit livre jaune qui venait de paraître était venu carrément m'engueuler "vous n'êtes pas ici pour lire de la poésie mais pour faire du latin et du grec" pauvres de nous...
Enfants qui déchiffrez dans l'ambre des agathes
Des entrailles le miel des lapins étendues
Sur l'étal du marchand avec leurs quatre pattes
Pour qu'ils ne courent pas deux ensemble cousues...
Enfants qui dans la nuit apercevez la hune
De bateaux sinistrés recouverts par la dune
Enfants vous qui rêvez enfants endormez-vous
ou Morhange
Mon bel enfant en habit de fumée
Vous ne m'avez pas dit si je peux me tourner
Vraiment peu de chance de sortir au Khâl même aujourd'hui, la Berceuse à Auschwitz...
ou Desnos, The night of loveless nights :
Jamais l'aube à grands cri bleuissant les lavoirs
l'aube, savon trempé dans l'eau des fleuves noirs
L'aube ne moussera sur cette nuit livide
Ni sur nos doigts tremblants ni sur nos verres vides...
Nuit des nuits sans amour étrangleuse du rêve
Nuit de sang nuit de feu nuit de guerre sans trêve
Nuit de chemin perdu parmi les escaliers...
Et quand de cette nuit le veilleur vient nous chasser, nous remontons vers les dortoirs. Regardez nous passer, les pauvres écureuils, procession falote chargée de dictionnaires, heureux malgré tout
Nous avons travaillé !
Nous avons travaillé !
traversant le grand hall et remontant l'escalier des prophètes, puis celui des bibliothèques - depuis longtemps alors dortoirs et vestiaires, redevenus bibliothèques vers 1990 à l'occasion d'une restauration qui a transformé nos vieux casernements en bunker classieux, oblitérant au passage la perspective magique qui découvrait jusqu'à la coupole et aux légions d'anges qui se détachent de ses piliers. Regardez nous monter sans bruit pendant que les anges génovéfains s'éveillent et prennent leur envol à la recherche de leurs livres perdus, pépiant doucement dans leurs langages, le grec simplet des évangiles ou le syriaque bimillénaire qui fut le patois du Galiléen. Regardez-nous entrer dans le dortoir des hypokhâgnes où quelques polars sont encore éveillés, Gaffiots et Budés ouverts sous les draps à la lueur des lampes de poche, et cela fait comme un paysage de tentes doucement éclairées, nocturne et pastoral.
Nous allons nous coucher en hâte, pendant que les anges tournent une dernière fois au-dessus des lits, frôlements d'ailes, froissements de simarres, essuyant au passage une larme ou apaisant un front fiévreux. L'un d'eux se perche au pied de mon lit et me jette avant de partir un regard méfiant - il sent que sous mes airs de bon élève je file un mauvais coton. Puis sous les tentes les lumières s'éteignent et les Gaffiots se ferment un à un avec un bruit sourd, suivi du gémissement rythmé des sommiers métalliques, pauvre moulin du plaisir solitaire Nuit des nuits sans amour, et des insultes marmonnées par ceux que les grincements réveillent.
Sans rancune, mon ange, je vais dormir en enfer - ce soir encore, le paradis joue à guichet fermé.
Nous allons nous coucher en hâte, pendant que les anges tournent une dernière fois au-dessus des lits, frôlements d'ailes, froissements de simarres, essuyant au passage une larme ou apaisant un front fiévreux. L'un d'eux se perche au pied de mon lit et me jette avant de partir un regard méfiant - il sent que sous mes airs de bon élève je file un mauvais coton. Puis sous les tentes les lumières s'éteignent et les Gaffiots se ferment un à un avec un bruit sourd, suivi du gémissement rythmé des sommiers métalliques, pauvre moulin du plaisir solitaire Nuit des nuits sans amour, et des insultes marmonnées par ceux que les grincements réveillent.
Sans rancune, mon ange, je vais dormir en enfer - ce soir encore, le paradis joue à guichet fermé.
Et puis, j'ai toujours le transistor.
12/11/2007
11/11/2007
08/11/2007
Tu chériras la mer, ou l'histoire de celui qui n'était pas le fils du Dey d'Alger (le voyage de Meryon #3)
Les fenêtres du 7, rue Rameau, de nos jours
(1) Roger Collins, Charles Meryon, a life, Garton & Co, Devizes, 1999, p. 18.
(2) lettre du 1/9/1834, citée par Collins, p. 9.
(3) lettres citées toutes deux par Jean Ducros Charles Meryon, officier de marine, peintre-graveur 1821-1868, Musée de la marine, Paris, 1968, cat. n°301.
(4) lettre de P.-N. Chaspoux à C.L. Meryon du 18 Août 1828, citée par Ducros, cat. n°297.
(5) Collins, p. 23.
C'est au 7 rue Rameau que Meryon le fils passe ses premiers jours. Sa mère Pierre-Narcisse Chaspoux s'y est installée, son autre enfant Fanny Lowther et la propre mère de Pierre-Narcisse composant le reste de la maisonnée. L'immeuble donne sur l'emplacement de l'Opéra où elle dansait six ou sept ans plus tôt, et qui a été démoli après l'assassinat du Duc de Berry en 1820.
Déclaré à sa naissance sous le nom de Charles Chaspoux, l'enfant est envoyé en nourrice et ne revient à Paris qu'au début de 1823. Ils habitent alors 9, rue du Faubourg-Montmartre, puis barrière de Clichy, et finalement près de l'Etoile, au 6 passage de Clichy - 1 rue de Monceau du Roule.
Pour faire vivre le quatuor, Pierre-Narcisse ne doit pas avoir beaucoup d'autres ressources que les pensions que lui versent, chacun de son côté, les pères des deux enfants. L'argent est compté, il faut payer en outre la mise en pension de Fanny, puis celle de Charles à la pension Savary de Passy. Lord Lowther n'en a pas augmenté pour autant son versement, mais il est possible que C.L. Meryon l'ait fait de son côté à la demande de Pierre-Narcisse (1).
Elle rend scrupuleusement compte aux pères des progrès de leurs enfants, taisant ce qu'il faut taire - Meryon connaît l'existence de Fanny, mais Lowther doit ignorer celle de Charles - et jouant de l'exemple de l'un pour aiguillonner l'autre - Lowther est venu visiter Fanny à Paris, pourquoi Meryon ne ferait-il pas de même ? Elle fait baptiser Charles selon le rite anglican, à l'Oratoire, par le chapelain de l'ambassade de grande-Bretagne, pour qu'il ait la même confession que sa demi-soeur. Quelquefois elle se rebiffe, par exemple quand Meryon lui reproche d'avoir élevé Charles à la française "...je ne pouvais pas l'élever à la chinoise, puisque j'étais à Paris" (2).
Comment le drame s'est-il noué entre les deux Meryon ? On ne peut dire qu'il n'y ait eu aucun lien, aucune rencontre entre eux. Sa mère lui fait écrire des lettres à son "cher papa", lui transmet les cadeaux de son père, notamment en 1832 son portrait en costume oriental, qui fascine son fils, et on le comprend.
Déclaré à sa naissance sous le nom de Charles Chaspoux, l'enfant est envoyé en nourrice et ne revient à Paris qu'au début de 1823. Ils habitent alors 9, rue du Faubourg-Montmartre, puis barrière de Clichy, et finalement près de l'Etoile, au 6 passage de Clichy - 1 rue de Monceau du Roule.
Pour faire vivre le quatuor, Pierre-Narcisse ne doit pas avoir beaucoup d'autres ressources que les pensions que lui versent, chacun de son côté, les pères des deux enfants. L'argent est compté, il faut payer en outre la mise en pension de Fanny, puis celle de Charles à la pension Savary de Passy. Lord Lowther n'en a pas augmenté pour autant son versement, mais il est possible que C.L. Meryon l'ait fait de son côté à la demande de Pierre-Narcisse (1).
Elle rend scrupuleusement compte aux pères des progrès de leurs enfants, taisant ce qu'il faut taire - Meryon connaît l'existence de Fanny, mais Lowther doit ignorer celle de Charles - et jouant de l'exemple de l'un pour aiguillonner l'autre - Lowther est venu visiter Fanny à Paris, pourquoi Meryon ne ferait-il pas de même ? Elle fait baptiser Charles selon le rite anglican, à l'Oratoire, par le chapelain de l'ambassade de grande-Bretagne, pour qu'il ait la même confession que sa demi-soeur. Quelquefois elle se rebiffe, par exemple quand Meryon lui reproche d'avoir élevé Charles à la française "...je ne pouvais pas l'élever à la chinoise, puisque j'étais à Paris" (2).
Comment le drame s'est-il noué entre les deux Meryon ? On ne peut dire qu'il n'y ait eu aucun lien, aucune rencontre entre eux. Sa mère lui fait écrire des lettres à son "cher papa", lui transmet les cadeaux de son père, notamment en 1832 son portrait en costume oriental, qui fascine son fils, et on le comprend.
Charles Lewis Meryon en costume oriental, frontispice du 3ème volume des
Travels of Lady Hester Stanhope, forming the completion of her memoirs narrated by her physician, publiés en 1846.
Travels of Lady Hester Stanhope, forming the completion of her memoirs narrated by her physician, publiés en 1846.
"Cher papa, je te remercie beaucoup de ton portrait, que tu m'as donné. Je trouve qu'il te ressemble beaucoup. Je l'ai placé au-dessus de mon lit au milieu de mes couronnes" (les couronnes de laurier des distributions de prix de l'époque) "Le cher portrait, mon ami, a produit l'effet, et plus, que j'en attendais. Pensant qu'il ne vous reconnaîtrait pas, je voulais lui dire que c'était le portrait du Dey d'Alger que j'avais acheté parce que je trouvais cette tête belle : mais aussitôt qu'il l'a vue il est devenu si rouge..." (3)
En 1824 Meryon vient à Paris, voit pour la première fois son fils et le reconnaît officiellement à la mairie. En 1828, il revient et voit par deux fois Pierre Narcisse et Charles. Mais en même temps, on sait par les lettres de Pierre-Narcisse qu'après ces dernières rencontres Charles se plaint de son absence :
"- l'aimes-tu ou ne l'aimes-tu pas ? - je l'aime beaucoup, maman, mais c'est lui qui ne m'aime pas... s'il m'aimait, il resterait pour me voir" (4).
Puis en 1834 c'est Charles qui vient à presque treize ans passer un an auprès de son père et de sa famille, à Marseille puis à Nice et en Italie - Pise, Gênes, tout un hiver à Florence puis un mois à Livourne avant de revenir à Marseille par la mer. Il y voit donc Eliza - Mrs Meryon - et ses deux enfants dont l'une est sa demi-soeur. Malgré les demandes de Pierre-Narcisse, Meryon le père n'avait visiblement pas instruit Charles de sa situation réelle dans cette famille - en clair, celle du bâtard en visite. On peut penser avec Collins qu'Eliza devait être dans la confidence, mais pas les deux autres enfants. Ce noeud de relations cachées dut suffisamment perturber le jeune Charles pour qu'il se produise au moins un incident grave entre lui et John, le fils d'Eliza d'un précédent mariage. Pourtant, il semble que cette période restera pour Charles un de ses meilleurs souvenirs - c'est même probablement sur les quais de Marseille qu'il prend la décision de devenir marin.
Mais c'est la dernière fois que les deux Meryon, père et fils, se rencontrent.
En 1824 Meryon vient à Paris, voit pour la première fois son fils et le reconnaît officiellement à la mairie. En 1828, il revient et voit par deux fois Pierre Narcisse et Charles. Mais en même temps, on sait par les lettres de Pierre-Narcisse qu'après ces dernières rencontres Charles se plaint de son absence :
"- l'aimes-tu ou ne l'aimes-tu pas ? - je l'aime beaucoup, maman, mais c'est lui qui ne m'aime pas... s'il m'aimait, il resterait pour me voir" (4).
Puis en 1834 c'est Charles qui vient à presque treize ans passer un an auprès de son père et de sa famille, à Marseille puis à Nice et en Italie - Pise, Gênes, tout un hiver à Florence puis un mois à Livourne avant de revenir à Marseille par la mer. Il y voit donc Eliza - Mrs Meryon - et ses deux enfants dont l'une est sa demi-soeur. Malgré les demandes de Pierre-Narcisse, Meryon le père n'avait visiblement pas instruit Charles de sa situation réelle dans cette famille - en clair, celle du bâtard en visite. On peut penser avec Collins qu'Eliza devait être dans la confidence, mais pas les deux autres enfants. Ce noeud de relations cachées dut suffisamment perturber le jeune Charles pour qu'il se produise au moins un incident grave entre lui et John, le fils d'Eliza d'un précédent mariage. Pourtant, il semble que cette période restera pour Charles un de ses meilleurs souvenirs - c'est même probablement sur les quais de Marseille qu'il prend la décision de devenir marin.
Mais c'est la dernière fois que les deux Meryon, père et fils, se rencontrent.
Rentré à Paris, Meryon le fils se passionne pour tout ce qui est bateaux et, ce qui est nouveau pour lui, pour le dessin de paysage - un des talents attendus des officiers de marine de l'époque. Il prépare le concours de l'école navale, et le réussit, 47ème sur 68 en Octobre 1837. Succès qui marque le début de son malheur : c'est en effet à presque 17 ans, au moment de préciser son identité pour son enregistrement à l'école, que Charles Meryon prend réellement conscience qu'il n'est qu'un fils naturel, en changeant officiellement de nom. Jusque là, bien que reconnu par son père en 1824, il était désigné dans les documents d'état civil comme Charles Chaspoux, et le plus souvent connu en public comme "Charles Gentil", du nom de scène de sa mère. Fin 1836 Pierre-Narcisse écrit au docteur et lui demande l'autorisation, pour son fils, de porter le nom de Meryon (5). Pour lui, regarder cette vérité en face sera dévastateur. Sa bâtardise - selon la façon de penser de l'époque - son besoin de reconnaissance le hanteront jusqu'à la fin et peu à peu contribueront à le détruire.
Il part pour Brest où l'école navale vient d'être réorganisée; les élèves suivent leurs cours et sont logés sur le vaisseau l'Orion, à l'ancre dans la rade. Il y restera vingt-deux mois.
Il part pour Brest où l'école navale vient d'être réorganisée; les élèves suivent leurs cours et sont logés sur le vaisseau l'Orion, à l'ancre dans la rade. Il y restera vingt-deux mois.
(1) Roger Collins, Charles Meryon, a life, Garton & Co, Devizes, 1999, p. 18.
(2) lettre du 1/9/1834, citée par Collins, p. 9.
(3) lettres citées toutes deux par Jean Ducros Charles Meryon, officier de marine, peintre-graveur 1821-1868, Musée de la marine, Paris, 1968, cat. n°301.
(4) lettre de P.-N. Chaspoux à C.L. Meryon du 18 Août 1828, citée par Ducros, cat. n°297.
(5) Collins, p. 23.
24/10/2007
Transports en commun : le tramway fantôme
Mitchell & Kenyon, encore : un tram, Belfast, 1901
Mis en ligne par UlstersHistoryTM.
On peut rester dubitatif sur ses options politiques, mais certes pas sur son sens du montage vidéo/son, voir son Block H Loyalist Vs Nationalist Game.
On peut rester dubitatif sur ses options politiques, mais certes pas sur son sens du montage vidéo/son, voir son Block H Loyalist Vs Nationalist Game.