William Gass (30 juillet 1924 - 6 décembre 2017) dans sa bibliothèque
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The aim of the artist ought to be to bring into the world objects which do not already exist there, and objects which are especially worthy of love. We meet people, grow to know them slowly, settle on some to companion our life. Do we value our friends for their social status, because they are burning in the public blaze? do we ask of our mistress her meaning? calculate the usefulness of our husband or wife? Only too often. Works of art are meant to be lived with and loved, and if we try to understand them, we should try to understand them as we try to understand anyone—in order to know them better, not in order to know something else.
Le but de l'artiste devrait être de faire venir au monde des objets qui n'y existent pas encore, des objets qui soient spécialement dignes d'amour. Nous rencontrons des gens, insensiblement nous apprenons à les connaître, et puis nous décidons de faire de quelqu'un le compagnon de notre vie. Apprécions-nous nos amis pour leur rang dans la société, parce qu'ils brillent de tout leur éclat sur la scène publique ? Chez une maîtresse, cherchons-nous ce qu'elle représente ? Notre mari ou notre épouse, en calculons-nous l'utilité ? Bien trop souvent. Les oeuvres d'art sont faites pour vivre avec nous et pour être aimées, et pour ce qui est de les comprendre, nous devrions nous y prendre comme on le fait pour comprendre quelqu'un - c'est-à-dire pour les connaître mieux, elles, et non pour savoir quelque chose d'autre.
William Gass - The Artist and Society, in Fiction and the Figures of Life, 1970
Trad. les chats (hélas)
Du point de vue du lectorat français, William H. Gass a commis l'erreur de mourir un jour (1) après Jean d'Ormesson et Johnny Hallyday, et de nous faire ainsi sentir l'écart entre ceux (2) qui brillent de tout leur éclat sur la scène publique et ceux qui sont faits pour que nous apprenions à les connaître.
De Gass, on peut lire maintenant Le tunnel en langue française ou encore, si on veut commencer par plus court et plus simple, son dernier recueil, Eyes (two novellas & four short stories, 2015) traduit par Marc Chénetier sous le titre de Regards. Dedans, il y a Laisse tomber, Sam, le monologue du piano oublié de Casablanca :
Je sais pourquoi c’est à moi que tu veux parler. C’est parce que tous les autres sont morts. Les étoiles s’éteignent. Les réalisateurs meurent. Les studios ferment. Mais on conserve certains accessoires. J’ai vu mon amie la bouteille d’eau de Vichy dans la réserve, aussi soigneusement emballée que le Faucon maltais. C’est qu’on rapporterait un joli paquet, aujourd’hui, pas vrai ? Tu vois, on survit, quand on veut bien nous laisser mener notre vie dans notre coin. Même les partitions qui devaient rester posées là comme si elles allaient bientôt servir se trouvent encore ici quelque part. À attendre, comme moi, leur interprète. « Avalon », pour l’amour du ciel !
Al Jolson, Vincent Rose & Buddy DeSilva - Avalon
joué par le Benny Goodman quartet, 1937
joué par le Benny Goodman quartet, 1937
Mis en ligne par MusicProf78
(1) Et même un peu plus, compte tenu du décalage entre Paris et St Louis, Missouri.
(2) Certes, de mortuis nihil nisi, etc...
Sur Gass, on peut lire ici ce qu'en a dit Claro, traducteur du Tunnel. Et en anglais, un peu au hasard et mis à part les obituaires des journaux, le billet d'Edwin Turner et, tout particulièrement sur The Artist and Society, celui de A. D. Jameson, avec un rapprochement inattendu entre Gass et Chklovsky.
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