17/11/2017

Une suite allemande (3) : bestiaire et art prolétarien


Hans Grundig, Das Lied der Wölfe / Le chant des loups, de la série Tiere und Menschen, 1938
Pointe sèche
Kunstmuseum Solingen
Via Künste im exil


Hans Grundig (1901-1958), peintre et graveur, vient d'une famille ouvrière de Dresde. Comme les autres artistes de la Neue Sachlichkeit de cette ville, il travaille dans le sillage d'Otto Dix. Comme eux aussi, mais à la différence de Dix, il se considère comme un artiste prolétarien. Les réalistes prolétariens de Dresde, Conrad Felixmüller, Otto Griebel, Wilhelm Lachnit, sont proches ou adhérents du KPD, membres actifs ou fondateurs de l'ASSO, Association des Artistes Plasticiens Révolutionnaires d'Allemagne, créée en 1928.

Même Otto Dix essaie les tableaux à sujet prolétarien, un temps, assez bref. Et puis

Tu nous embêtes avec ta politique de merde... Occupe-toi plutôt de la peinture

finit-il par dire, un jour, à Otto Griebel (1).

Otto Dix n'était pas fait pour l'art prolétarien. Ce qui n'empêcha pas la confiscation de plus de deux cents de ses tableaux en 1937, suivie de la destruction de nombre d'entre eux, comme art dégénéré. 151 tableaux de Felixmüller connaissent le même sort, de même que les œuvres de Griebel et quatre tableaux de Lachnit. Felixmüller et Lachnit sont arrêtés par la Gestapo, puis relâchés. Lachnit a l'interdiction partielle d'exercer son art.

Communiste depuis 1926, Grundig est interdit d'exercice de son art en 1936. Avec sa femme, Lea Grundig, ils sont des rares artistes à continuer de produire et diffuser après 1933, à leurs risques et périls, des œuvres ouvertement antifascistes, en utilisant un presse à estampes dont Hans Grundig avait fait l'acquisition. Mieux que la peinture qu'on ne peut plus exposer, l'estampe est adaptée à ce nouveau type de diffusion, discrète voire clandestine. 

Arrêté puis relâché à plusieurs reprises, Grundig est interné à Sachsenhausen de 40 à 44, libéré par l'Armée Rouge et transféré à Moscou, ce qui lui épargne le bombardement de Dresde. Ses œuvres les plus connues sont le grand triptyque du Reich de mille ans (dont j'ai déjà reproduit ici un panneau) et cette série Animaux et Humains où chaque espèce animale (2) est chargée d'un symbolisme politique fort. Inutile, ici, de préciser à quoi hurlent ces loups en 1938.




(1) in Paul Barth - Die Dresdener Künstlerszene, 1919-1933, Düsseldorf 1987. Cité par Sergiusz Michalski - Nouvelle objectivité, Taschen 1994. 

(2) Pour le Loup et l'Ours à la fin des années 30, vous pouvez deviner. Quelques remarques assez subtiles sur le symbolisme de l'Ours dans Tiere und Mesnchen ici sur Eckers Bestiarium (en allemand).



Et, à propos d'un élève de Lachnit, plus tard : Harald Metzkes

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