Portrait (présumé) d'Anton Wilhelm Amo
Anton Wilhelm Amo naît probablement à Awukenue, village proche de la ville d'Axim au Ghana - qu'on appelle alors la Côte de l'or - vers 1703. En 1707 il est mis sur un bateau et envoyé à Amsterdam par la Compagnie Hollandaise des Indes Occidentales - soit comme esclave, soit à l'initiative d'un missionnaire, on ne sait pas trop.
La Côte de l'or au temps d'Anton Amo - On peut localiser sur la carte Axim et Fort Chama (ou Fort San Sebastian)
Une fois arrivé en Europe, ce garçon de 4 ans devient un cadeau. Offert au duc de Brunswick-Wolfenbüttel, qui l'emmène en son palais.
La mode était aux serviteurs noirs, mais il semble que le duc ait été un philanthrope qui désira éduquer le jeune Amo comme un membre de sa famille. Le garçon est baptisé Anton Wilhelm Rudolph Mohre mais plus tard il préfèrera signer ses travaux du nom latin d'Antonius Guilielmus Amo, Afer d'Axim.
Il est envoyé à 18 ans à l'université de Helmstedt, puis à celle de Halle où il fait son droit - sa dissertation de fin d'études porte sur "les droits des Maures en Europe". Il étudie ensuite à l'université de Wittenberg le cursus, classique à l'époque, de philosophie et arts libéraux : logique, métaphysique, astronomie, histoire, médecine, physiologie, droit, théologie et politique. Il approfondit notamment la médecine et maîtrise évidemment plusieurs langues (dont l'allemand, le français, l'anglais, le grec et le latin).
Il est envoyé à 18 ans à l'université de Helmstedt, puis à celle de Halle où il fait son droit - sa dissertation de fin d'études porte sur "les droits des Maures en Europe". Il étudie ensuite à l'université de Wittenberg le cursus, classique à l'époque, de philosophie et arts libéraux : logique, métaphysique, astronomie, histoire, médecine, physiologie, droit, théologie et politique. Il approfondit notamment la médecine et maîtrise évidemment plusieurs langues (dont l'allemand, le français, l'anglais, le grec et le latin).
Amo est peut-être ainsi le premier noir à passer son doctorat dans une université allemande, en 1734. Sa thèse, De Humanae mentis apatheia (De l’Apathie - c'est-à-dire de l'absence de sensation - de l’âme humaine) contient une critique du dualisme cartésien âme/corps.
En 1736 Amo est nommé dozent (nous dirions maître de conférence) à l'université de Halle où il publie en 38 son troisième ouvrage, Tractatus de arte sobrie et accurate philosophandi (Traité sur l'art de philosopher de manière simple et précise). Il enseigne ensuite la philosophie à l'Université d'Iéna de 1740 à 1747. Cette partie de sa carrière s'inscrit dans l'histoire des Lumières en Prusse - c'est l'époque des grandes controverses entre rationalistes et piétistes, le temps ou Christian Wolff, professeur de philosophie à Halle, est temporairement forcé par ses concurrents piétistes de quitter la Prusse sous la menace d'être pendu. Dans ces disputes, il faut ranger Amo dans le camp des Lumières et des rationalistes Wolffiens. Il faisait cours, à Iéna, sur la critique des préjugés.
Le duc de Brunswick-Wolfenbüttel, protecteur politique d'Amo, meurt en 1735. Mais en 1743 le philosophe perd surtout son protecteur académique et ami, Johann Peter von Ludewig, professeur de droit et chancelier de l'Université de Halle. En 1747, il semble qu'Amo dut faire face à une campagne de libelles racistes à l'instigation d'un professeur de rhétorique de Halle, Johann Ernst Philipp - et que cela eut pour effet de le décider à retourner en Afrique, dans son pays natal.
Il s'établit dans la région d'Axim, où il avait encore de la famille. Selon certaines sources il aurait terminé sa vie à Fort Chama, qui était alors un fort hollandais, point de départ de la traite des esclaves, où il aurait travaillé comme orfèvre, jusqu'à sa mort vers 1759.
Fort Chama en 1890
Le chirurgien suisse Gallandet,
dernier européen à l'avoir rencontré en 1753, le décrivait vivant comme
un ermite et révéré par les habitants du lieu comme un diseur de vérité.
Lumières noires : à peu près au moment où Amo repart pour l'Afrique, Kant écrit sa première dissertation, Pensées sur la véritable évaluation des forces vives, probablement la première apparition du dynamisme newtonien dans le champ philosophique allemand - ici Christian Wolff (1) est déjà loin derrière.
Le même Kant qui écrira pourtant en 1764, dans les Observations sur le sentiment du beau et du sublime, cette page hélas bien connue :
Les Nègres d’Afrique n’ont reçu de la nature aucun sentiment qui s’élève au-dessus de la niaiserie. M. Hume invite tout le monde à citer un exemple par lequel un Nègre aurait prouvé des talents, et il affirme ceci : parmi les centaines de millions de Noirs qui ont été chassés de leur pays vers d’autres régions, bien que beaucoup d’entre eux aient été mis en liberté, on n’en pourrait pas trouver un seul qui, soit en art ou en science, soit dans une autre discipline célèbre, ait produit quelque chose de grand. Parmi les Blancs, au contraire, il est constant que certains s’élèvent de la plus basse populace et acquièrent une certaine considération dans le monde, grâce à l’excellence de leurs dons supérieurs. Si essentielle est la différence entre ces deux races humaines ! et elle semble aussi grande quant aux facultés de l’esprit que selon la couleur de la peau.
Et ici, Anton Wilhelm Amo est loin devant Kant, peut-être même encore loin devant nous.
(1) Qui, pour estimer ce que l'homme peut savoir du monde matériel, en reste à la pure géométrie.
A propos d'Anton Wilhelm Amo, on peut lire ici un article de Christine Damis, avec une bibliographie.
Un oubli réparé à l'aide de monsieur LE CHAT ! Merci !
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