Mais je me fous de ces gens là ! La colère de Claude Simon au sujet de « l'histoire d'un crétin dont la femme veut devenir quelque chose, et quand on a lu ces trois cents pages on ne peut s'empêcher de se dire à soi-même : mais je me fous de ces gens là ! », reconnaissant à Flaubert tout de même, non pas la lente posture (ou plutôt l'imposture) d'écrivain à sa table de travail, mais, au contraire, l'excitation de notes griffonnées à la diable, incomplètes, raturées dans l'inconfort du voyage comme en Égypte avec Maxime du Camp, toute une série de « craquements de cailloux », de « fumiers roses », de « colère cramoisie », des expressions sans lesquelles la langueur d'Emma n'aurait gardé que l'aspect simpliste d'un assoupissement de l'âme, d'un affaissement du souffle à la manière de ces ridules ridicule qui couvrent un instant l'écho des lacs lorsque, par désœuvrement, on jette un bête cailloux à leur surface.
Déjà trois cents pages et en revenir à l'éternelle question : pourquoi les gens d'ici votent-ils à l'extrême droite ? Toujours pas de réponse en vue, rien de consistant dans les harangues politiciennes, les admonestes partisans et les fustiges d'imprécateurs standardisés. Rien non plus dans les répliques convenues de l'homme-à-tête-de-chérubin, si gauche – enfin, manière de dire - qu'on s'attend à chaque instant à le voir trébucher, se prendre les pieds dans un de ces tapis d'apparat que sa haute fonction semble semer sous chacun de ses pas, chancelant à chacune de ses phrases, se répétant d'éternelles répliques apprises par cœur, concoctées par tout un aréopage de conseillers en métaphysique, de psychologues des masses, de mentors divers et de divers menteurs spécialisés en communication, de telle manière qu'il finisse par bredouiller une insipide repartie, le grand jeu consistant, maintenant qu'on y est habitué, à deviner, après l'inévitable hésitation qui semble croître au fur et à mesure des mois et des recommandations contradictoires dont on l'abreuve quotidiennement, quelle phrase docte il va choisir, soulignant d'un doigt levé, sentencieux, comme le premier de la classe qu'il a toujours été : « La France prendra ses responsabilités » ou « Les difficultés économiques demeurent notre préoccupation première » ou « J'ai demandé des mesures adaptées » ou « Il faut se rassembler ».
La lente posture avait succédé au gesticulations de l'agité du bocal comme le disait Céline à propos de Sartre. Le prédécesseur nettoyait au Kärcher à qui mieux mieux, lançait sa langue approximative contre des moulins à vent à la manière d'un Don Quichotte anachronique portant fanion du populisme.
Peu à peu, au fil de ces années plombées par des équipes de caniches et de rottweilers de tous poils et de tous partis, se dessine la vague analogie avec une littérature dont la mollesse et la confusion des mots semblent parfois se faire le reflet, écharpée encore à l'intérieur de chapelles abandonnées depuis longtemps, écartelée entre principe de précaution et de réalité, soucieuse de présenter des fictions aux normes bien-pensantes ou des romans à goût de soufre, des documents historiques détournés en paradoxe ou des essais zézayant de théories complexes, l'ensemble véhiculé par une langue oublieuse des faux nègres et des fumiers roses.
Thierry Beinstingel - Faux Nègres, Fayard éd. 2104, pp. 298-300
J'aime bien Beinstingel - dit M. Chat- depuis l'époque où il a fait sa description de poste en verbes d'action, dans Central, au moment où je rédigeais la mienne. Depuis lors je le lis avec persévérance, et dans un sens Faux Nègres c'est très actuel...
Mme Chat - Faux Nègres c'est de l'autre...
Mais l'orgie et la camaraderie des femmes m'étaient interdites. Pas même un compagnon. Je me voyais devant une foule exaspérée, en face du peloton d'exécution, pleurant du malheur qu'ils n'aient pu comprendre, et pardonnant ! — Comme Jeanne d'Arc ! —"Prêtres, professeurs, maîtres, vous vous trompez en me livrant à la justice. Je n'ai jamais été de ce peuple-ci ; je n'ai jamais été chrétien ; je suis de la race qui chantait dans le supplice ; je ne comprends pas les lois ; je n'ai pas le sens moral, je suis une brute : vous vous trompez..."
Oui, j'ai les yeux fermés à votre lumière. Je suis une bête, un nègre. Mais je puis être sauvé. Vous êtes de faux nègres, vous maniaques, féroces, avares. Marchand, tu es nègre ; magistrat, tu es nègre ; général, tu es nègre ; empereur, vieille démangeaison, tu es nègre : tu as bu d'une liqueur non taxée, de la fabrique de Satan. —Ce peuple est inspiré par la fièvre et le cancer. Infirmes et vieillards sont tellement respectables qu'ils demandent à être bouillis. — Le plus malin est de quitter ce continent, où la folie rôde pour pourvoir d'otages ces misérables. J'entre au vrai royaume des enfants de Cham.
Arthur Rimbaud - Mauvais Sang, in Une saison en enfer, 1873
M. Chat - ...et Fumiers roses, c'est de Flaubert dans les brouillons de Madame Bovary...
représentation - (port - chaleur) - rencontre de Léon. - conversation au balcon du foyer.
visite à son hôtel. ressouvenir menant à la baisade. « vous rappelez-vous ? ah je vous ai
bien aimée - quittez-moi. prquoi ? n'en parlons plus.» - très calme & sans pose - rendez-vous donné d'avance pr tirer un coup. - Emma rentre à Yonville, dans un état d'âme, de fouteries normales
c'est l'époque des confitures. fumiers roses. - colère cramoisie du sieur Homais.
Gustave Flaubert - Plans et scénarios, Folio 27
...cité par Claude Simon dans Le Jardin des Plantes (1) et "mais je me fous de tous ces gens-là", c'est un coup de colère de Renoir, en fait, que Simon cite par là.
Mme Chat - Alors, faux nègres ou fumiers roses ?
M. Chat - Comme dit M. Homais, that is the question, comme je lisais dernièrement dans le journal.
(1) Claude Simon, Le Jardin des Plantes, Minuit éd. 1997, voir Claude Simon, Oeuvres I, p.994 éd. Pléiade/NRF.
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