Félix Bracquemond - O Lune !
Via All Things AmazingLa lune offensée
Ô Lune qu'adoraient discrètement nos pères,
Du haut des pays bleus où, radieux sérail,
Les astres vont se suivre en pimpant attirail,
Ma vieille Cynthia, lampe de nos repaires,
Vois-tu les amoureux, sur leurs grabats prospères,
De leur bouche en dormant montrer le frais émail ?
Le poète buter du front sur son travail ?
Ou sous les gazons secs s'accoupler les vipères ?
Sous ton domino jaune, et d'un pied clandestin,
Vas-tu, comme jadis, du soir jusqu'au matin,
Baiser d'Endymion les grâces surannées ?
- " Je vois ta mère, enfant de ce siècle appauvri,
Qui vers son miroir penche un lourd amas d'années,
Et plâtre artistement le sein qui t'a nourri ! "
Charles Baudelaire (première publication dans L'Artiste, 1862, repris dans Les Fleurs du Mal, Tableaux parisiens).
Il existe plusieurs interprétations du dernier tercet : allusion autobiographique à Mme Aupick, référence à une planche des Caprices de Goya, Hasta la muerte, ou encore celle que je préfère, par Albert Feuillerat : la mère serait la ville de Paris en plein replâtrage haussmannien au moment de la première publication du sonnet, et le miroir serait la Seine.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire